Pendant 18 mois, j'ai été absente de la scène politique. Si j'ai choisi de revenir, c'est que j'ai la profonde conviction que notre parti, malgré les heures difficiles qu'il traverse, peut faire encore beaucoup pour le Québec. Pour peu bien sûr qu'il soit capable de se parler avec franchise et de se dire les choses telles qu'elles sont.
Le 26 mars dernier, les électeurs ont infligé une sévère défaite au Parti québécois. Il serait facile de montrer du doigt telle ou telle raison pour expliquer cette défaite. Pourtant nous ne ferions que nous cacher la tête dans le sable. Ce n'était pas un simple accident de parcours. Depuis 1994, on assiste à une baisse constante de la popularité de notre parti.
Pourquoi? Pourquoi notre parti a-t-il perdu la confiance de bon nombre de Québécois?
Parce que nous n'avons pas su écouter ce qu'ils nous disaient.
Parce que nous nous sommes enfermés dans des doctrines et des discussions en vase clos.
Parce que dans notre désir de faire ce que nous croyions être le mieux pour les gens, nous avons oublié d'entendre ce qu'eux considéraient être le meilleur pour eux-mêmes.
Parce que nous avons manqué du courage nécessaire pour proposer des changements devenus incontournables dans notre société.
Écouter la population
Nous avons, de bonne foi, fait des erreurs, ce qui est inévitable dans l'action. Mais, pour retrouver la confiance des Québécois, nous devons, comme parti, nous remettre à l'écoute de la population et accepter les nécessaires changements qu'elle nous propose. Car un parti politique qui n'est pas à l'écoute de la population se condamne inévitablement à la marginalité, voire à la disparition.
Le 26 mars dernier, j'ai pris fait et acte de choses importantes que les Québécois nous ont dites.
D'abord, qu'ils ne se sentaient pas prêts à rouvrir maintenant la discussion décisive sur la souveraineté du Québec et qu'ils n'en pouvaient plus de se voir enfermés dans un stérile débat sur la date, le jour, l'heure du référendum, bref, dans la mécanique. Mais, par la même occasion, ils nous ont indiqué qu'ils voulaient sans attendre voir leur identité et leurs valeurs fondamentales être affirmées haut et fort.
Ensuite qu'ils ne se reconnaissaient plus dans certains dogmes qui prévalent au Québec depuis la Révolution tranquille et dont nous nous sommes faits les porte-parole; qu'il fallait nous soucier de l'endettement collectif qui risque de condamner nos enfants à être écrasés sous un fardeau intenable. Enfin qu'ils attendaient des actions réalistes, concrètes et immédiates, dans certains dossiers où ils ont des inquiétudes particulières.
Comme démocrate, je suis profondément convaincue que le peuple est souverain et que, comme parti politique, nous avons le devoir de l'écouter avec respect et de répondre à ses aspirations. C'est la condition première pour obtenir sa confiance.
Renouveler notre parti
Depuis sa fondation, le Parti québécois s'est construit sur deux piliers: la social-démocratie et la souveraineté. Vouloir les renier lui ferait perdre sa raison d'être. Tout comme le fait de se radicaliser en refusant d'avance de gouverner un Québec encore province serait une recette assurée pour l'exclusion, voire le suicide politique.
Depuis 40 ans, le Québec a changé. Et si le Québec et les Québécois ont évolué, le Parti québécois doit lui aussi évoluer.
Partout en Occident, des partis progressistes, sans rien renier de leurs valeurs profondes, adaptent leurs politiques. Nous ne devons pas craindre d'en faire autant et de nous renouveler à partir des attentes de la population. Posons-nous la question: comment être souverainiste, comment être social-démocrate en 2007?
Sur la souveraineté
Plus personne ne conteste désormais que les Québécoises et les Québécois, par leur histoire, leur langue, leur culture, le territoire qu'ils occupent, les institutions qu'ils ont créées au fil des siècles, les liens qu'ils ont tissés avec le monde, forment une nation. Pour ma part, je suis persuadée qu'aucun peuple ne peut renoncer à sa souveraineté et qu'aucun parti politique n'a moralement le droit d'écarter d'une manière définitive le droit d'un peuple à s'autodéterminer.
Au Parti québécois, nous croyons que le Québec possède tout ce qu'il faut pour devenir un véritable pays et que nous ne pourrons nous réaliser pleinement, comme nation, que lorsque nous nous gouvernerons nous-mêmes.
Mais il faut se rappeler, comme parti, que l'important, c'est l'objectif que nous poursuivons. Pour l'atteindre, il faut que le mouvement souverainiste, ses membres, deviennent les artisans de la mobilisation pour la souveraineté. Cette responsabilité ne doit plus reposer sur les seules épaules du chef ou de l'aile parlementaire.
À travers des moyens que nous définirons ensemble, il appartiendra à chacune et à chacun d'entre nous d'agir. Car tout le temps et toute l'énergie passés à débattre du jour et de l'heure sont du temps et de l'énergie qui ne sont pas consacrés à parler du pays. Je refuse de m'engager dans cette voie. Le Parti québécois doit rompre avec le piège d'échéancier ou d'obligation référendaire.
Gardons-nous la liberté d'agir au mieux des circonstances, de conclure au besoin les alliances nécessaires. Dès maintenant, défendons et promouvons à chaque instant l'identité, les valeurs et les intérêts de la nation québécoise. Faisons-nous confiance et faisons confiance à l'intelligence, à la sagesse et à la volonté du peuple québécois.
Sur la social-démocratie
Par ailleurs, le Parti québécois doit moderniser sa conception de la social-démocratie pour la faire reposer sur une lecture réaliste et progressiste d'un Québec et d'un monde qui ont changé. Nous devons en finir avec certaines idées toutes faites dans lesquels une très large majorité de Québécois ne se reconnaissent plus. Nous devons accepter de nous ouvrir à des formes nouvelles et audacieuses de collaboration entre le secteur privé, le secteur communautaire et le secteur public. Il n'y a rien qui ne puisse être remis en question si cela sert le bien commun. Et le bien commun s'inscrit aussi dans le bien-être individuel. L'équité et la justice sociale ne sont pas nécessairement synonymes d'uniformité.
Il faut mettre résolument le cap sur la création de richesse, dans une perspective de développement durable. Non parce que la richesse est une fin en soi, mais parce qu'elle est LA condition essentielle pour faire avancer l'égalité des chances, financer les services publics et les programmes sociaux et bâtir la vraie solidarité. On ne peut pas répartir de l'argent que l'on n'a pas.
Il faut, une fois pour toutes, en finir avec cette peur de la richesse comme s'il s'agissait de quelque chose qui nous détournerait du bien commun et de la solidarité. Au contraire, c'est grâce à la richesse que nous pourrons être mieux solidaires.
Nous devons également prendre conscience de la crise de confiance de la population à l'égard des institutions et des services publics et offrir des garanties sur l'utilisation de leurs taxes et impôts.
Il nous faut aussi inscrire au coeur de nos propositions politiques: la famille dans son sens le plus large, comme pilier de notre société; l'éducation, comme lieu de transmission du savoir et d'instauration de l'égalité des chances; l'environnement, parce que, plus que jamais, notre planète est fragile; la santé, parce qu'elle doit demeurer la garantie de notre solidarité, pour notre génération mais aussi pour celles de nos enfants et de nos petits-enfants; enfin, la culture qui est la marque la plus distinctive de ce que nous sommes.
Et ce que nous sommes, c'est notre histoire. Ce sont les valeurs que nous partageons, toutes origines confondues: avant tout francophones, solidaires et démocrates, attachés au principe de l'égalité entre les hommes et les femmes, tolérants mais désireux du respect de cette identité.
C'est ce parti renouvelé avec vous que je veux diriger. Un parti qui se parle avec franchise, qui part des préoccupations concrètes des gens et cherche ensuite à y répondre par des politiques adaptées à notre époque et fidèles à nos valeurs. Un parti qui se fait confiance.
Le Parti québécois doit redevenir le parti des Québécoises et des Québécois.
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Pauline Marois, Candidate à la direction du Parti québécois
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