Pour des solutions réalistes

Commission Castonguay

Un autre comité pour étudier notre système de soins de santé. Un autre rapport prévu pour aussi tôt que l'automne suggérant des moyens d'éviter la crise du financement de la santé à long terme. Décidément, plus le problème apparaît insoluble, plus on l'étudie... Mais pour les solutions, le miracle n'est toujours pas en vue.
L'homme se passe de présentation: le président du groupe de travail créé lors du dernier budget du Québec, Claude Castonguay, est bien connu non seulement pour son engagement passé en politique et en affaires mais surtout pour l'intérêt qu'il porte au système de santé québécois. Il y a un an, il témoignait encore devant une commission parlementaire pour défendre l'idée tabou d'imposer des frais modérateurs afin de réduire le nombre de consultations médicales mineures et d'accroître les revenus de l'État. Plus récemment, M. Castonguay poursuivait sa réflexion devant l'Institut économique de Montréal, un think tank conservateur, en précisant les autres «changements en profondeur» qu'il croyait devenus nécessaires pour «sauvegarder notre système de santé et son caractère universel». [À la table éditoriale du Devoir, lundi, il a exposé ses propositions avant même que son groupe de travail->6964], dont les deux autres membres n'ont pas encore été choisis, n'ait commencé ses travaux. Est-ce à dire que la création de ce groupe ne servira qu'à démontrer la pertinence des propositions Castonguay que nous connaissons déjà?
Parmi celles-ci, la plus importante aux yeux de M. Castonguay serait une réforme administrative d'envergure destinée à séparer les rôles d'«acheteur de soins» et de «pourvoyeur», actuellement sous la responsabilité du ministère de la Santé. Désormais, les hôpitaux ne recevraient plus d'enveloppe globale mais seraient plutôt financés par une régie qui paierait les soins requis par les malades à un prix déterminé selon les meilleures pratiques médicales. Selon M. Castonguay, un tel changement introduirait beaucoup de dynamisme dans le réseau et entraînerait la plus grande part des gains de productivité attendus de sa réforme.
Outre l'introduction du ticket modérateur, dont il est convaincu des vertus, le président du groupe de travail suggère de créer des cliniques privées pour faire des interventions d'un jour et ainsi désengorger les hôpitaux. Aucun modèle de clinique n'est privilégié, seuls les coûts et la qualité étant pris en compte pour un financement public par l'acheteur que deviendrait la Régie de l'assurance maladie.
Par ailleurs, M. Castonguay propose d'étendre le droit de se procurer une assurance privée pour couvrir tous les soins qui ne sont pas prévus par la loi adoptée à la suite à l'arrêt Chaoulli (remplacement de la hanche et du genou, cataractes). On peut supposer que cette couverture serait surtout offerte dans les entreprises, mais compte tenu de ses coûts astronomiques, il y a loin de la coupe aux lèvres.
Qui dit assurance privée dit aussi autorisation pour les médecins d'offrir leurs services en pratique privée, le soir et les fins de semaine, après avoir accompli le volume de travail normal négocié avec l'État.
Et comme l'imposition de frais modérateurs et la double pratique (publique et privée) contreviendraient à la loi canadienne sur la santé, leur introduction exigerait des amendements de la part d'Ottawa.
Rien de cela ne se ferait sans pleurs ni grincements de dents, on le devine aisément...
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On le constate: ces dernières années, M. Castonguay a développé une vision de plus en plus précise et controversée de la réforme qu'il faut faire subir au système de santé. Nul doute que les travaux du groupe de travail qu'il présidera susciteront les discussions qu'il souhaite. Et c'est tant mieux, car les problèmes de notre système sont loin d'être réglés, malgré tous les efforts et l'argent consentis.
Cela étant, pour éviter que les travaux du groupe ne tombent à plat, il faudra ouvrir la recherche à d'autres voies de solution que les seules idées de M. Castonguay. De plus, des réponses devront être apportées à toutes les questions qui ne manqueront pas de fuser de part et d'autre de la ligne de partage idéologique.
À titre d'exemple, on sait que la moitié des coûts du système de soins de santé est le fait des plus de 65 ans, une proportion qui ira en augmentant. Dans ces conditions, comment imposer des frais modérateurs sans pénaliser ces aînés, souvent atteints de maladies chroniques? Un tel ticket réduirait-il de façon considérable le nombre de consultations mineures inutiles? Et à combien peut-on chiffrer les revenus d'un tel ticket en excluant les individus à revenus modestes et les malades chroniques?
Autres questions qui, cette fois-ci, concernent la double pratique médicale des spécialistes: comment éviter que certains d'entre eux utilisent le prétexte du temps d'attente excessif dans leur propre champ de compétence pour se bâtir une clientèle de soirée plus payante? D'où proviendrait le personnel requis? Et qu'est-ce qui prouve qu'il y aurait réduction du temps d'attente pour les patients traités dans le public? En somme, quels sont les arguments qui nous convaincraient d'accepter le passage à cette médecine à deux vitesses qui, jusqu'à présent, a toujours été rejetée?
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La question des priorités économiques doit aussi recevoir une attention particulière de la part du groupe de travail. On sait par exemple que si le Québec dépensait la même somme par habitant que le reste du pays pour la santé, le budget annuel serait plus élevé d'au moins deux milliards de dollars. Dans ces conditions, pourquoi, depuis quelques années, nos gouvernements ont-ils fait le choix de réduire le ratio de leurs dépenses totales de programmes par rapport au PIB au lieu de fixer un niveau plancher qui permettrait de consacrer encore plus d'argent à la santé? N'est-ce pas une industrie de pointe à encourager au lieu de chercher continuellement à restreindre son développement? Aurait-on la même obsession de rationnement si la santé relevait entièrement du secteur privé, comme c'est le cas des télécommunications ou des transports?
Notre système de santé croule sous le poids de l'inefficacité bureaucratique propre à tous les monopoles. Il avale les milliards de façon insatiable et impose malgré tout un rationnement des soins tout à fait inacceptable et des pratiques parfois honteuses pour une société développée comme la nôtre. L'ajout de milliards supplémentaires reste sans doute nécessaire mais ne suffira pas. Souhaitons que les travaux du groupe Castonguay aboutissent à des suggestions réalistes et équitables pour une véritable amélioration du système, en évitant les solutions magiques qui sont le fruit de convictions idéologiques.
j-rsansfacon@ledevoir.com


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