Préparez-vous à entendre parler d’oléoducs et de multiculturalisme au cours des prochaines semaines...
Semble-t-il qu’en ce pays du Canada, deux dogmes sont érigés en fondements inattaquables, des socles de son « identité », de ce qui « fait » le Canada : le multiculturalisme et les oléoducs.
Tout pour le pétrole
Le Canada est un pétro-État. N’en doutons plus.
Certains avaient protesté quand le prestigieux magazine d’affaires internationales Foreign Policy avait publié un texte coup de poing il y a quelques années pour décrire comment le « gentil voisin du Nord » des États-Unis s’était muté en État pétrolier paria (Rogue petrostate).
L’élection fédérale de 2015, celle qui a porté au pouvoir Justin Trudeau, l’a pourtant confirmé; le Canada est un pétro-État. Du type si dépendant du pétrole le plus sale de la planète que le gouvernement est prêt à se porter acquéreur – à coup de milliards de dollars – d’un oléoduc vieillissant sans même en référer au peuple.
Kin mon gars! Te v’la propriétaire d’un beauuuuu pipeline!
En fait, le pétrole est tellement important pour le Canada qu’on en fait une affaire de « nation-building ». Parlez-en aux Verts dans le Canada qui se sont réveillé cette semaine au triste constat que leur parti, par la bouche de la cheffe Elizabeth May, adhérait maintenant à la doctrine du « tout pour le pétrole ».
Et quiconque s’y oppose est traité à la manière d’un traitre à la nation.
Le Québec y goute depuis des années. Des politiciens de l’ouest du pays ne se sont pas gênés pour attaquer le Québec sans retenue aucune. De la Saskatchewan et de l’Alberta sont venus des appels à boycotter le Québec, ses produits, afin de nuire à son économie.
Et surtout, à coup de mensonges, comme ce mythe du Québec qui préfère le pétrole de l’Arabie saoudite à celui du Canada, ce qui est faux. Le Québec n’achète pas de pétrole des Saoudiens mais augmente sans cesse la proportion du pétrole de l’ouest dans son approvisionnement.
Pas grave. Ce mensonge est bien utile pour les politiciens du Canada qui veulent ensuite pointer le Québec comme « enfant-gâté » de la fédération à cause de la péréquation qu’il reçoit... Autre belle arnaque celle-là.
Ne touchez pas au multiculturalisme!
Encore plus que le pétrole, le multiculturalisme est, pour le Canada, LE dogme auquel il ne faut pas toucher. Gare à ceux qui osent le faire.
Nous sommes ici au cœur du laboratoire international où le multiculturalisme est censé être un éden, l’exemple de sa réussite, ce pays où on bombe le torse pour dire... Voyez! Ça marche.
Bon, passons outre le fait que d’un seul tweet, le PM Trudeau a réussi à créer un chaos à la frontière; un chaos qu’on a pelleté, essentiellement, dans la cour du Québec en passant, lieu où se produisent plus de 90% des passages « irréguliers ».
Le débat sur la laïcité au Québec oppose fondamentalement ceux qui tiennent mordicus au multiculturalisme (où, pour les QSistes, l’interculturalisme, leur vision de la laïcité de gyproc qui n’est rien d’autre que le multiculturalisme adapté au Québec) et les autres, majoritaires, qui préfèrent la laïcité républicaine.
C’est dit grossièrement, il y a des nuances, bien sûr. Mais à la base, c’est ça.
Et pour une proportion non négligeable de citoyens canadiens qui résident au Québec, rompre avec le multiculturalisme est une hérésie qu’il faut combattre, de tous les moyens possibles.
Ma collègue Fatima Houda-Pepin, qui en connaît un brin sur ces questions, vulgarise fort bien la chose :
« Tel qu’il est rédigé, il est aisément attaquable en justice pour avoir dérogé à au moins deux principes inscrits dans la Charte, soit le multiculturalisme et l’égalité de garantie des droits pour les deux sexes.
C’est le sens de l’article 27 de la Charte, qui stipule que : « Toute interprétation de la présente charte doit concorder avec l’objectif de promouvoir le maintien et la valorisation du patrimoine multiculturel des Canadiens ».
Quand on sait que la Cour suprême a érigé le multiculturalisme en « religion » , la prudence la plus élémentaire commanderait qu’on mette le projet de loi 21 à l’abri d’une telle disposition. »
Voilà. Le multiculturalisme au Canada érigé en « religion ». C’est d’ailleurs pourquoi plusieurs au Canada et au Québec refusent que nous débattions de la possibilité de remplacer le multiculturalisme par autre chose.
Ce qui, en soi, est effrayant. Nous devrions toujours nous méfier de ceux qui refusent que nous débattions, que nous discutions d’une idéologie, de ceux qui luttent pour qu’une idéologie – le multiculturalisme en est une – soit au-dessus de toute critique.
À ce jeu-là, le Québec est assurément perdant. Car les dés sont pipés. Quoi que fasse le gouvernement québécois, la grosse main juridique canadienne invalidera toute velléité du Québec de se soustraire au multiculturalisme.
Car il n’est jamais aisé d’apostasier.
C’est le prix à payer pour « être » dans le Canada (et encore, c'est discutable, le Québec n'ayant jamais signé la constitution de 1982). Accepter, de gré ou de force, que ce pays est celui des oléoducs et du multiculturalisme.
Et le « nationalisme » de François Legault ne réussira jamais à changer de paradigme.
Jamais.