Pierre Karl Péladeau contre l’austérité

Le député défend les programmes sociaux du Québec dans un entretien au Devoir

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Et c'est un départ !

Le député Pierre Karl Péladeau, considéré comme le favori non déclaré dans la course à la direction du Parti québécois (PQ), accuse le gouvernement Couillard de mettre en péril le «modèle québécois» en imposant des mesures d’austérité «idéologiques».

En entrevue au Devoir, le député de Saint-Jérôme a accusé le gouvernement libéral de noircir le portrait des finances publiques, de « crier au loup », pour imposer des coupes budgétaires visant à faire du Québec une province comme les autres. M. Péladeau est d’accord avec l’idée d’assainir les finances publiques, mais il déplore ce qu’il décrit comme le manque de vision du gouvernement Couillard.

« J’ai bien peur que ce soit hautement dogmatique et idéologique », a déclaré le député et actionnaire de contrôle de l’empire Québecor, au cours d’une entrevue de près d’une heure que son équipe avait sollicitée. « C’est sans véritable réflexion, ce n’est pas chirurgical, c’est quasiment la scie à chaîne », a-t-il ajouté.

L’homme d’affaires, qui a la réputation d’être un gestionnaire impitoyable, s’est porté à la défense des programmes sociaux du Québec. Il a vanté le « modèle québécois », fait d’institutions économiques et de programmes sociaux — assortis d’impôts plus élevés qu’ailleurs en Amérique du Nord —, qui ont permis au Québec de grandir en tant que société francophone.

« Est-ce qu’il y a une pression fiscale plus importante qu’ailleurs ? C’est clair ! Mais il y a des services en contrepartie aussi. C’est le choix que le Québec a fait historiquement. Et c’est clair que ce n’est pas ce que le gouvernement Couillard veut faire. Il dit qu’on va être une province comme les autres. Ce n’est pas ça, l’histoire du Québec. On ne peut pas faire table rase de ce qui s’est passé avant », a dit M. Péladeau.

Le favori des péquistes

Le député a fait cette sortie deux jours après la publication dans Le Devoir d’un sondage Léger Marketing indiquant qu’il est fin seul dans la course à la direction du PQ (même s’il dit encore réfléchir à la possibilité de se présenter) : 53 % des sympathisants péquistes souhaitent que M. Péladeau prenne la tête du parti. Tous les autres aspirants pressentis, dont aucun n’a annoncé sa candidature, suivent loin derrière, avec des appuis situés entre 2 % et 7 %.

En entrevue, M. Péladeau a défendu les acquis de la société québécoise. Il a déploré les coupes prévues dans l’aide aux devoirs, les conservatoires de musique et les centres de la petite enfance (CPE), entre autres. Le frein mis à la création de nouvelles places en garderie nuit au développement économique du Québec, selon lui. Les CPE permettent aux deux membres d’un couple de participer au développement du Québec en ayant un emploi, a-t-il rappelé.

Le gouvernement Marois s’était engagé à limiter la croissance des dépenses dans le budget Marceau déposé avant les élections, selon M. Péladeau. Le PQ est d’accord avec l’assainissement des finances publiques, mais le gouvernement Couillard exagère l’ampleur de la crise budgétaire, ajoute-t-il.

« C’est sûr que [le poids de la dette] est plus élevé que dans l’ensemble des régions en Amérique. Mais on n’est pas à 125 % du PIB, ce n’est pas la Grèce. Pourquoi tout d’un coup on crie au loup ? […] On essaie de faire peur aux citoyens », selon M. Péladeau.
Une vision de banquier

M. Péladeau se demande où s’en va le gouvernement Couillard en matière de développement économique. Il accuse tout particulièrement le ministre Jacques Daoust d’adopter une posture de banquier sans s’appuyer sur une vision claire.

« Je pense que la mission de l’État est d’établir une politique industrielle et, malheureusement, dans le budget Leitão, il n’y en a aucune », dénonce le député péquiste. Le gouvernement a décidé de sous-traiter sa politique à des organismes de soutien à l’entrepreneuriat, soutient-il, sans faire connaître clairement la sienne.

M. Péladeau juge également que le discours du ministre Daoust manque de cohérence. En entrevue au Devoir la semaine dernière, ce dernier n’avait pas hésité à dire que le Québec n’a plus les moyens d’investir sans espérer un rendement financier en retour. Le critique péquiste en matière d’économie et d’entrepreneuriat se demande pourquoi le gouvernement a choisi de verser une « contribution non remboursable » à une entreprise comme Maple Armor, qui établira son usine de systèmes d’alarme à Saint-Bruno.

Dans les faits, les discours de MM. Péladeau et Daoust ne sont toutefois pas si opposés. Les deux hommes affirment chacun à leur façon que si le gouvernement participe à l’effort financier d’une entreprise, il doit obtenir une contrepartie. « Si vous assumez plus de risques au sein d’une entreprise, vous devriez aussi être en mesure de bénéficier davantage de la rentabilité qui est générée », affirme M. Péladeau. Celui-ci ajoute que l’État n’est plus seulement « subventionnaire » : il est aussi « accommodateur » et « partenaire », à la manière du slogan des libéraux.

Mais les comparaisons s’arrêtent là. « Le ministre Daoust dit que ce sont les grandes entreprises qui créent des emplois. […] Sauf que si on ne fait pas attention à nos PME, on n’aura jamais de grandes entreprises », dit-il.

Haussant le ton, il affirme que le gouvernement ne parle que de réduction de dépenses, jamais de revenus. Pour stimuler la croissance économique de la province, M. Péladeau miserait sur le développement des PME, « en continuité avec les politiques du gouvernement Marois », comme le programme des gazelles, et sur l’électrification des transports.


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