C’est dans un village jadis fondé par des loyalistes, dans les Cantons-de-l’Est, que le cinéaste et pamphlétaire indépendantiste Pierre Falardeau a acheté une maison de campagne, après l’élection du Parti québécois en 1976.
Aujourd’hui, dix ans après sa mort, le petit Musée des communications et d’histoire de Sutton, qui se penche annuellement sur des personnalités régionales, lui consacre une exposition.
On y trouve des menus objets ayant appartenu à l’artiste, des photos, des manuscrits, l’habit rouge flamboyant porté par Elvis Gratton, comme les costumes d’époque des personnages de 15 février 1839.
L’homme à la parole crue et tranchée n’aurait pourtant peut-être pas apprécié de voir sa photo ainsi tapissée sur les murs, dit sa veuve Manon Leriche, rencontrée sur le site de l’exposition. « Il aurait voulu qu’on s’intéresse à son oeuvre et à l’indépendance du Québec ».
À travers une entrevue avec Luc Picard, qui a beaucoup travaillé avec Pierre Falardeau, notamment sur le film Octobre et 15 février 1839, et la projection de Pierre Falardeau, documentaire de German Guittierez, on découvre un homme complexe et paradoxal, qui pouvait à la fois être très humain et également sans pitié pour ses adversaires, tel un boxeur dans le ring.
« Tout le monde avait peur de lui », dit Manon Leriche, lorsqu’on lui demande si Pierre Falardeau a déjà songé à s’engager dans un parti politique.
L’indépendance d’abord
Pour lui, d’ailleurs, l’indépendance était le premier but politique à atteindre.
« Il aurait fait l’indépendance avant, et se serait occupé d’environnement après », croit Manon Leriche.
Libre penseur et libre parleur, Pierre Falardeau ne faisait pas de concession.
Lorsqu’il a reçu le prix Ouimet-Molson, en 1995, au Rendez-vous du cinéma québécois, il va chercher le prix mais dénonce la famille Molson comme étant « des exploiteurs du peuple ». La compagnie Molson cesse du coup de commanditer l’événement.
Avant de mourir, Pierre Falardeau avait encore dans ses cartons un scénario de film portant sur la famille Molson, Le jardinier des Molson. À défaut d’être tourné, le scénario a pris la forme d’une bande dessinée dont Richard Forgues a fait les dessins.
On ne peut pas parler de Falardeau sans parler de la censure dont il se disait victime à Téléfilm Canada. Le documentaire de Guittierez rappelle qu’un sénateur avait obtenu une copie du scénario d’Octobre, avant même sa réalisation.
Lorsqu’il soumet le scénario de 15 février 1839, qui raconte la pendaison du patriote Chevalier de Lorimier, un rapport du comité de lecture de Téléfilm Canada mentionne que le moment est mal choisi pour réaliser ce film, à la veille du 2e référendum, raconte Manon Leriche.
Contradictions
Mais Pierre Falardeau a aussi ses contradictions. Souhaitant toucher un public plus large et plus jeune, il a délaissé le cinéma documentaire pour se lancer dans la fiction et dans la réalisation d’Elvis Gratton, avec son ami de longue date Julien Poulin.
La série, qui se voulait une satire du Québécois colonisé qui cherche le succès par-dessus tout, devient une grande réussite commerciale, avec 3,7 millions d’entrées vendues.
L’exposition du Musée des communications et d’histoire de Sutton marque le début d’une série d’événements qui célébreront le dixième anniversaire de la mort de Pierre Falardeau.
Manon Leriche prévoit la publication de la thèse de maîtrise d’anthropologie du cinéaste, qui portait sur la boxe.
Une place sera également nommée en l’honneur de l’artiste dans le quartier Rosemont à Montréal. Ironiquement, cette place sera située dans la rue Molson. On y trouvera aussi une sculpture d’Armand Vaillancourt.
L’exposition Pierre Falardeau : L’homme révolté est présentée au Musée des communications et d’histoire de Sutton jusqu’au 14 octobre.