Philippe Couillard pourrait-il ratifier la Constitution sans consultation populaire? Analyse juridique d'une question politique.

Le défi de la légitimité

Fermement rattaché à l'idéologie du trudeautisme libéral, au fédéralisme et au multiculturalisme
canadien[[1]], le premier ministre Philippe Couillard aura manifesté à plus d'une occasion depuis son accession à la chefferie du Parti libéral[[2]] avoir pour position constitutionnelle qu'il serait temps pour le Québec d'embrasser l'unité canadienne, en signant la Constitution de 1982. Position qu'il aura par ailleurs, bien que de manière stratégiquement nuancée, réitérée au courant de la récente campagne électorale[[3]], laissant entrevoir l'objectif d'une ratification constitutionnelle pour 2017.

Par une telle position face à la question constitutionnelle, Philippe Couillard se distancierait de tous ses prédécesseurs à la tête du Parti libéral depuis 1982 qui, même s'ils ont été d'ardents fédéralistes, ont tous à leur manière persisté à défendre le caractère distinctif et l'autonomie de la société québécoise au sein de l'ordre constitutionnel canadien et ont tous refusé de signer la Constitution. Par opposition, selon une telle approche, il serait temps d'en finir : le Québec devrait envisager d'intégrer pleinement l'ordre constitutionnel canadien en la signant une fois pour toutes. Dans la foulée de l'argumentaire, Philippe Couillard aura même affirmé au printemps dernier qu'il pourrait envisager de ratifier la Constitution par simple résolution, sans consultation populaire[[4]].

L'événement a généré son lot de critiques et de discussions, mais aura laissé pour bonne part de côtéune question fondamentale au plan juridique que le côté éminemment politique du dossier a occulté dans le discours public : Philippe Couillard pourrait-il, légalement, ratifier la Constitution de 1982 sans consultation populaire ? Et si oui, quels seraient les impacts d'une telle décision ? Quelle serait la portée d'un tel geste ?

Pour résoudre ce questionnement, on devra premièrement aborder l'origine du problème constitutionnel dans ses assises historiques, puis, deuxièmement, dans le traitement juridique que lui aura donné la Cour suprême du Canada dans la foulée du rapatriement constitutionnel de 1982. Une telle analyse permettra par la suite de mieux contextualiser la portée d'une éventuelle ratification constitutionnelle, pour finalement répondre pleinement à la question de sa légalité et conclure sur les implications politiques qui en découlent.

1) COMPRENDRE L'ORIGINE DU PROBLÈME – ASSISES HISTORIQUES

Il est de la nature même des questions constitutionnelles de se trouver au carrefour de l'Histoire, du droit et du politique. Dans cette perspective, la pleine compréhension du problème demande de se pencher dans un premier temps sur l'explication historique de ce qui s'est passé avant et pendant le rapatriement de la Constitution de 1982.

Jusqu'alors soumis à l'autorité de la couronne impériale britannique depuis la Conquête, le Canada a obtenu sa quasi-indépendance politique en 1931 suite à l'entrée en vigueur du Statut de Westminster[[5]]. « Quasi-indépendance » car la souveraineté législative qui lui était accordée n'était pas complète. Le Canada disposait ainsi du pouvoir d'adopter et modifier l'ensemble de ses lois de manière autonome sans véto ni décret britannique, sauf la plus importante d'entre toutes: sa propre constitution, l'Acte d'Amérique du Nord Britannique, aussi désignée Loi Constitutionnelle de 18676. Ce document est d'ailleurs toujours en vigueur et c'est en fonction de ses dispositions que sont aujourd'hui départagés les champs de compétences fédéraux et provinciaux.

Au cours des années suivantes, des discussions ont éventuellement fini par voir le jour entre Londres et Ottawa sur la question de permettre au Canada de devenir maître de sa constitution en la rapatriant et d'accéder ainsi à l'autonomie complète. Remarquons au passage que le Royaume-Uni était disposé à lui conférer son autonomie; c'est au niveau canadien que les accrochages ont eu lieu pour déterminer ce que le Canada ferait de sa constitution une fois rapatriée.

Lors des pourparlers précédant le rapatriement, au tournant des années 1980, deux points particuliers ont revêtu une importance capitale dans les discussions entre les provinces et le gouvernement fédéral : premièrement, la mise en place d'une procédure d'amendement de la Constitution; et deuxièmement, l'enchâssement en son sein de la Charte canadienne des droits et libertés. En terme d'encadrement législatif, le premier élément était appelé à former un pilier de l'exercice interne de la souveraineté étatique du Canada, et le second s'avérait un ajout significatif et à forte connotation idéologique à la Constitution. Ces deux éléments particulièrement importants, à être adoptés simultanément, se sont retrouvés inextricablement liés lors des discussions politiques entourant le projet de rapatriement et n'ont pas fait l'unanimité.

D'une part, il faut savoir qu'en matière de droit constitutionnel, si la Constitution était rapatriée sans y inclure de dispositions concernant sa modification, elle n'aurait pu être modifiable après son rapatriement qu'avec l'accord unanime de tous les gouvernements provinciaux ainsi que du palier fédéral[[7]]. Comme un tel seuil se révèle généralement inatteignable en pratique, il était impératif de mettre en place un mécanisme de modification pour éviter que la Constitution ne soit condamnée à la fixité – mécanisme qui devait par ailleurs assurer que les intérêts et particularités des provinces soient respectés dans un tel processus. Notons que dans un État fédéral comme le Canada, l'autonomie des provinces est tributaire de leur capacité d'avoir voix au chapitre des modifications constitutionnelles et de pouvoir se prémunir contre des changements apportés sans leur consentement à l'ordre légal qui les encadre[[8]].

D'autre part, l'inclusion de la Charte canadienne des droits et libertés de Pierre Elliot Trudeau dans la Constitution constituait un ajout à forte coloration politique, emportant pour effet direct de diminuer substantiellement la liberté des provinces de légiférer sur leurs territoires. Avant l'entrée en vigueur de la Charte en 1982, la démocratie était souveraine au sein des provinces dans leurs champs de compétences respectifs. Si l'assemblée législative démocratiquement élue d'une province adoptait une loi, outre les cas de violation de champ de compétence ou des principes législatifs fondamentaux historiquement reconnus, cette loi était souveraine et ne pouvait être invalidée que par la même voie qui avait menée à son adoption : par l'assemblée législative démocratiquement élue de cette province[[9]]. Cela a cessé d'être le cas suite à l'entrée en vigueur de la Charte canadienne des droits et libertés, accordant aux tribunaux, sur demande individuelle et privée, le pouvoir d'invalider toute loi ou action gouvernementale qui contreviendrait aux droits et libertés fondamentaux qu'elle prétend consacrer[[10]].

Lors des conférences constitutionnelles préalables au rapatriement de la Constitution au début des années 1980, les provinces se sont, initialement, majoritairement opposées à ces propositions et y réclamaient plusieurs amendements, notamment l'inclusion d'un droit de véto (initialement seuls l'Ontario et le Nouveau-Brunswick adhéraient au projet constitutionnel). Le Québec, représenté par René Lévesque, était alors le plus ardent défenseur de l'autonomie provinciale et exigeait que les provinces demeurent les autorités souveraines dans leurs champs de compétences. Pendant longtemps, il mena une campagne acharnée à la défense de cette autonomie, avec objectif supplémentaire pour le Québec de garantir le caractère distinctif de la société québécoise et de sauvegarder sa pérennité culturelle11, particulièrement compte tenu du fait que la Charte canadienne des droits et libertés décréterait le multiculturalisme comme doctrine d'interprétation constitutionnelle[[12]].

Faisant initialement front commun avec la majorité des autres provinces canadiennes dans ses
réclamations, tout bascula pour le Québec dans la nuit du 3 au 4 novembre 1981, suite à ce que notre histoire retiendra comme la « Nuit des longs couteaux »[[13]]. Cette nuit-là, le gouvernement fédéral (par l'entremise de Jean Chrétien, alors ministre de la justice et procureur général du Canada) aura conclu des négociations secrètes avec les provinces anglo-canadiennes, à l'exclusion du Québec, qui acceptèrent de consentir au projet constitutionnel en échange de la mise en place d'une clause dérogatoire et d'une procédure de modification avec majorité qualifiée, sans droit de véto – chose à laquelle le Québec s'opposait. Le lendemain matin, au retour à la table des négociations, le premier ministre québécois René Lévesque fut placé devant le fait accompli: toutes les provinces anglo-canadiennes et le gouvernement fédéral s'étaient accordés pour négocier sans le Québec et adopter un
projet constitutionnel qui ne lui convenait pas, mais qui s'y appliquerait quand même et sur lequel il n'aurait pas son mot à dire.

Ainsi donc, la Constitution de 1982 n'a jamais reçu l'accord du Québec. Plus encore, elle a été adoptée en dépit de l'opposition du Québec et en excluant ce dernier des négociations finales[[14]]. Pendant plus de 30 ans, tous les gouvernements du Québec ont successivement condamné ce retrait des pouvoirs législatifs du Québec sans son consentement et au mépris de ses demandes.

2) COMMENT CELA A-T-IL PU SE PRODUIRE ? - L'INTERPRÉTATION DE LA COUR SUPRÊME

Au début des négociations constitutionnelles entourant le rapatriement, il existait une incertitude juridique quant à savoir si les provinces devaient consentir ou non au rapatriement de la Constitution et aux modifications qui l'accompagneraient pour qu'il soit valide. Cette incertitude fut soumise pour examen à la Cour suprême du Canada par voie de renvoi dans l'affaire Renvoi : Résolution pour modifier la Constitution[[15]]. Après délibération[[16]], le plus haut tribunal du pays conclut que non : le rapatriement de la Constitution et les modifications qui s'y greffaient ne nécessitait pas l'assentiment des provinces pour être valable au sens strictement juridique.

Le raisonnement de la cour nous indique ainsi la réponse, en droit, à la question constitutionnelle. Si la Cour suprême soulignait qu'il existe une convention constitutionnelle
(soit une règle non-écrite d'encadrement de l'exercice des pouvoirs législatifs et exécutifs
émanant de la pratique et des usages politiques[[17]]) à l'effet que le consentement des provinces devrait être requis pour cette modification à l'ordre juridique fondamental dans lequel elles évoluent, la violation d'une telle convention n'emporterait cependant « aucune conséquence juridique directe » et ne relèverait, concrètement, que de la question politique. Ainsi, même s'il modifiait tout le cadre juridique dans lequel évoluent les provinces, le rapatriement constitutionnel devenait légalement valable et s'appliquerait à toutes les provinces, même celles ayant exprimé leur refus.

C'est notamment en jouant sur ce levier que le gouvernement fédéral a fait basculer provinces
anglo- canadiennes en se passant du Québec, dont le consentement ne devenait plus obligatoire, lors des négociations. C'est suivant ce même raisonnement d'ailleurs que la Constitution de 1982 s'applique de facto et jure au Québec même s'il ne l'a jamais ratifiée : son accord n'aura pas été nécessaire pour la lui imposer.

Ceci amènera le Québec à se pourvoir de nouveau en Cour suprême après le rapatriement pour exiger,notamment, la reconnaissance légale d'un droit de véto constitutionnel, dans l'affaire Renvoi sur l'opposition du Québec à une résolution pour modifier la Constitution[[18]]. Cette rétention sera rejetée par la cour, confirmant la position fédérale selon laquelle la Constitution, maintenant légalement rapatriée, s'applique quand même au Québec, en dépit de son opposition et sans qu'il puisse prétendre opposer de véto. Juridiquement, donc, l'adhésion ou non du Québec à la Constitution de 1982 se retrouve ainsi sans influence sur son applicabilité au sein de son ordre juridique fondamental.

À l'époque, le gouvernement Trudeau fut fortement critiqué au Québec et défait aux élections fédérales de 1984, mais il y avait fait accompli.

Son successeur conservateur Brian Mulroney aura tenté une réconciliation constitutionnelle via les tentatives d'accords du Lac Meech et de Charlottetown en 1987 et 1992 pour permettre au Québec d'adhérer à la Constitution dans la dignité et en harmonie avec l'ordre canadien. Pour ce faire, Brian Mulroney aura même ouvert la porte à l'écoute des revendications constitutionnelles du Québec en matière d'autonomie et de société distincte, mais ses démarches se seront cependant toutes deux soldées par des échecs suite au refus des revendications constitutionnelles du Québec à l'échelle canadienne, amenant éventuellement la tenue du Référendum de 1995 sur la Souveraineté du Québec, discutablement remporté par le camp du « Non » par une marge inférieure à un pour cent.

Si la défaite référendaire de 1995 aura imposé un moratoire politique temporaire sur la question de l'accession du Québec à la Souveraineté, elle n'aura certainement pas pour autant réglé la question de l'adhésion de principe du Québec à la Constitution de 1982. Près de vingt ans plus tard, cette question n'est toujours pas réglée et est restée sur un statu quo à tension palpable.

3) DANS CE CONTEXTE, QUE PROPOSE DONC PHILIPPE COUILLARD ?

Dans le cadre de son projet de ratification constitutionnelle, Philippe Couillard aura mentionné la possibilité d'obtenir des « concessions » ou des « reconnaissances » pour le Québec en échange de sa signature – sans s'y engager ni les définir, mais qui sembleraient avoir pour point de repère les revendications minimales du projet d'Accord du Lac Meech de 1987[[19]]
, comprenant la reconnaissance du statut de « société distincte » au Québec ainsi qu'un certain droit de regard dans la nomination des juges de la Cour suprême.

Cependant, connaissant l'adhésion déclarée envers le fédéralisme canadien du premier ministre Couillard et compte tenu de l'évolution significative et ouvertement polarisée de la jurisprudence constitutionnelle vers le relativisme multiculturel depuis 1982[[20]], on peut très légitimement se demander si de telles hypothétiques « concessions », ne se révéleraient pas n'être que des considérations purement cosmétiques sans réelle portée.

Ceci est d'autant plus à anticiper compte tenu du fait que, comme l'assentiment de sept provinces comportant plus de la moitié de la population du Canada est maintenant requis pour modifier la Constitution[[21]], une tentative de modification constitutionnelle importante pour accorder véritablement au Québec la reconnaissance, la protection et l'autonomie particulière qu'il réclame depuis des décennies risque presque certainement de reproduire l'échec de Charlottetown. On pourra en effet raisonnablement prévoir qu'une telle demande se buterait à un refus de la part du reste du Canada, compte tenu du contexte politique actuel. Conséquemment, un tel projet de ratification constitutionnelle relèverait ainsi le plus vraisemblablement d'une adhésion intégrale à la Constitution de 1982 sans réelle
modification de contenu.

Autrement dit, une telle approche proposerait donc de faire comme si les trente dernières années de revendications et de demandes du Québec systématiquement ignorées n'avaient jamais existé et, sommes toutes, de ratifier la Constitution comme si René Lévesque l'avait signée sans faire d'histoires en 1981.

4) PHILIPPE COUILLARD EST-IL DANS L'OBLIGATION DE TENIR UNE CONSULTATION POPULAIRE AVANT DE SIGNER LA CONSTITUTION ?

Compte tenu de ce qui précède, le premier ministre Couillard doit-il obligatoirement obtenir
l'approbation de la population québécoise par voie de consultation populaire pour pouvoir valablement ratifier la Constitution canadienne de 1982 ? Qu'il procède par voie de résolution à l'Assemblée nationale ou par voie de décret, dans un cas comme dans l'autre, juridiquement: Non.

Considérant que la ratification de la Constitution de 1982 par le Québec n'aura pas été nécessaire pour son rapatriement et qu'elle s'applique quand même au Québec de toute façon, qu'il l'ait signée ou non, les effets de cette ratification ne seraient que simplement symboliques et sans conséquence aucune au plan légal. Comme il ne serait pas question d'apporter de changement à l'ordre juridique fondamental dans lequel évolue le Québec et duquel l'Assemblée nationale et le gouvernement tirent leur légitimité pour agir à titre de représentants du peuple, aucune règle écrite ne viendrait obliger à passer par voie de consultation populaire pour exercer ce qui relève finalement, au plan strictement légal, de leurs pouvoirs ordinaires[[22]].

On pourrait tenter d'argumenter qu'il existerait une convention constitutionnelle en droit québécois à l'effet que la question du positionnement du Québec par rapport à la Constitution de 1982 en est une d'importance particulière – et que de se prononcer, même symboliquement, à cet égard dépasse les simples pouvoirs ordinaires de l'Assemblée nationale, qui devrait alors en référer directement au peuple. Plusieurs éléments apparaissent pour appuyer une telle prétention comme, par exemple, le systématisme avec lequel tous les gouvernements du Québec depuis plus de trente ans ont refusé de signer la Constitution, la reconnaissance et l'enchâssement de cette position dans la Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l'État du Québec[[23]], le symbolisme politique incontournable de cette question, ou encore les précédents référendaires sur la question nationale que constituent les Référendums de 1980 et de 1995 sur la Souveraineté du Québec
ainsi que le Référendum de 1992 sur l'Accord de Charlottetown. La ratification de la Constitution de 1982 sans tenir de consultation populaire s'en révèlerait conséquemment illégitime, car violant une convention constitutionnelle québécoise.

Illégitime, mais pas illégale, cependant. Vu la nature d'avantage coutumière que juridique de la
convention constitutionnelle, son non-respect ne pourra, encore, entraîner que des conséquences politiques sans pouvoir faire l'objet d'un redressement par voie judiciaire[[24]]. Ainsi, même si une ratification sans consultation populaire de la Constitution de 1982 enfreignait une convention constitutionnelle québécoise, aucun mécanisme de droit ne pourrait être appliqué pour y remédier. Même illégitime, le geste serait « légal » au sens strict du terme.

Conséquemment, en droit, Philippe Couillard pourrait légalement signer la Constitution de 1982 sans consultation populaire: la Constitution s'appliquant déjà au Québec, qu'il l'ait signée ou non, sa ratification serait un geste purement symbolique n'emportant aucune conséquence légale. L'assentiment de la population ne serait ainsi qu'une question de légitimité politique derrière le geste.

5) CONCLUSION – LES CONSÉQUENCES POLITIQUES

Si Philippe Couillard entend signer la Constitution de 1982, et qu'il peut légalement la signer avec ou sans consultation populaire, on soulignera qu'il aurait toujours le loisir d'en tenir une pour aller chercher le consentement de la population comme gage de légitimité politique à sa démarche. La question, n'étant plus juridique, est alors, encore, politique.

Dans de telles circonstances, une entreprise de ratification de la Constitution, avec ou sans consultation populaire, laisse entrevoir trois scénarios possibles.

Premièrement, si, véritablement, après une consultation référendaire tenue honnêtement auprès de la population, le peuple québécois choisissait de vouloir ratifier la Constitution de 1982, alors cela serait ainsi l'expression de sa volonté contemporaine quant à la question nationale et tous devront en prendre acte; bien que cela n'aurait pas non plus pour conséquence de censurer définitivement l'option souverainiste. Si la majorité de la population votait en faveur de la ratification, cela aurait certes une signification symbolique forte quant à l'état ponctuel de la question nationale au Québec. Mais cette ratification n'étant que symbolique, elle n'aurait aucun effet juridique qui puisse empêcher la réouverture de la question ni tenue d'un troisième référendum sur la souveraineté du Québec de manière ultérieure advenant changement du contexte politique.

Deuxièmement, si Philippe Couillard déclenche un référendum sur la ratification de la Constitution, il devra s'exposer au risque hautement probable que la population vote « Non ». Un tel résultat aurait en soi un effet de contrecoup majeur qui alimenterait significativement l'option souverainiste, et au surplus pulvériserait la légitimité du geste et de son auteur s'il la signait quand même. On doit garder en tête, en interprétant les sondages, qu'une opposition au projet souverainiste ne se traduit certainement pas de manière systématique au sein de la population par une approbation sans réserve de l'ordre politique canadien actuel, particulièrement en matière de courants d'interprétation des droits et libertés fondamentaux et d'accommodements raisonnables.

Troisièmement, si en invoquant un statut de gouvernement majoritaire comme représentant de la population, le premier ministre Couillard décidait de signer la Constitution sans consultation populaire comme il l'a déjà laissé entendre25, il pourrait certes le faire au plan strictement légal, mais non seulement on pourrait argumenter que cette ratification symbolique serait en fait un symbole illégitime auquel le peuple n'a jamais consenti, mais en plus il y a fort à parier que le camp souverainiste y trouverait une grande source d'arguments supplémentaires contre le fédéralisme centralisateur et la Constitution de 1982.

Finalement, soulignons qu'une telle entreprise ne pourrait pas prétendre fermer non plus définitivement la question nationale en lui opposant une barrière légale par cette ratification. Si tel est l'objectif, une telle démarche serait d'avance vouée à l'échec stérile car cela ne changerait rien au plan juridique de toutes façons.

Et dans tous les cas, une telle ratification serait loin, très loin, de clore la question nationale.
Bien au contraire.


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