Ragaillardis par la remontée récente de leur parti dans les sondages depuis que Justin Trudeau en est le chef, les libéraux fédéraux du Québec envisagent les prochaines élections fédérales avec optimisme. Dans l'immédiat, c'est plutôt l'imminent scrutin québécois qui les inquiète, eux qui craignent de voir leurs cousins provinciaux se planter avec Philippe Couillard.
Dans les corridors du Palais des congrès, cette fin de semaine, je n'ai rencontré aucun militant, député, futur candidat ou organisateur libéral fédéral prêt à prédire une victoire du Parti libéral du Québec (PLQ) de Philippe Couillard contre le Parti québécois (PQ) de Pauline Marois. La plupart d'entre eux sont même convaincus que le PQ se dirige tout droit vers un gouvernement majoritaire, une perspective qui ne leur plaît évidemment pas du tout.
Constat unanime: Philippe Couillard s'est fait damer le pion par le PQ dans le dossier de la Charte de la laïcité, il est faible sur le front économique (une force naturelle du PLQ), et son intention, même vague, de rouvrir la Constitution risque de frapper un mur dans le reste du pays, donnant des munitions au PQ.
«Ça va être vraiment dur sur le terrain, on le voit, m'a confié un futur candidat du PLC dans la grande région de Québec, aussi membre du PLQ. Le PQ a bien joué ses cartes et nous, si seulement on avait un bon chef! J'ai peur que Pauline Marois ait une free ride vers la majorité...»
Fidèles à la tradition, les libéraux fédéraux ne s'impliqueront pas officiellement dans la campagne provinciale et ne suivront aucun mot d'ordre de leur chef, mais c'est un secret de polichinelle que plusieurs militants sont membres aussi du PLQ ou, à tout le moins, sympathisants.
«On va s'impliquer localement, donner un coup de main quand c'est possible, surtout que depuis quelque temps, nous sommes redevenus plus populaires pour le PLQ», raille un stratège de Justin Trudeau, rappelant qu'il n'y a pas si longtemps, les libéraux fédéraux étaient pratiquement persona non grata chez leurs cousins provinciaux.
Le moins qu'on puisse dire, à la lumière des conversations en marge du congrès du PLC, c'est que les troupes de Justin Trudeau n'ont pas une très grande confiance en Philippe Couillard.
«Il a été totalement dé-stabilisé par la Charte [de la laïcité], il a mal géré l'affaire Fatima Houda-Pepin et on ne sait pas ce qu'il propose clairement, en particulier en économie. Il est où, Philippe Couillard? Il propose quoi?», se demande un organisateur chevronné.
Un membre de l'équipe Trudeau ajoute: «Philippe Couillard a sorti la menace d'un autre référendum bien trop tôt. La campagne électorale n'est même pas commencée! C'était un coup d'épée dans l'eau.»
Un autre vieux routier de l'organisation libérale de la région de Québec se console, philosophe: «Couillard est tellement sous-estimé, les attentes sont tellement basses, on sait jamais, il nous surprendra peut-être...»
Certains libéraux fédéraux semblent même avoir déjà concédé la victoire au PQ, s'inquiétant pour la suite des choses après les élections.
«Avec un gouvernement péquiste majoritaire, notre marge de manoeuvre, si nous reprenons le pouvoir, sera très mince, dit un ancien ministre libéral fédéral. Nous serons de nouveau plongés dans les débats référendaires, et qui sera le chef du NON à Québec?»
Les craintes des libéraux fédéraux font écho à celles recueillies récemment auprès des conservateurs de Stephen Harper, qui semblent aussi résignés à la perspective d'un gouvernement Marois majoritaire.
Diverses sources proches de Stephen Harper avouaient récemment à mon collègue Joël-Denis Bellavance, chef de notre bureau à Ottawa, qu'ils se préparaient à ce scénario.
Un conseiller du premier ministre Harper me disait aussi il y a quelques jours craindre que la volonté de Philippe Couillard de rouvrir la Constitution (dans le but d'obtenir, finalement, l'adhésion du Québec) se retourne contre lui en campagne électorale. Et contre les fédéralistes, par ricochet.
«Le sujet reviendra sur le tapis en campagne électorale, m'a-t-il dit. Les journalistes ne lâcheront pas M. Couillard là-dessus et chaque fois qu'il parlera de rouvrir la Constitution, des gens se lèveront dans le reste du Canada pour dire qu'ils n'ont pas l'intention de rejouer dans ce film. Tout ça, évidemment, fera l'affaire du PQ!»
De tout temps, les relations entre fédéralistes québécois provinciaux et fédéraux sont compliquées. Les premiers pensent que les seconds n'ont pas à leur dicter leur conduite; les seconds reprochent aux premiers d'être trop mous envers les souverainistes.
C'était compliqué et ça ne se simplifiera pas au cours de la prochaine campagne électorale au Québec.
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