Patriotisme olympique à la québécoise

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Les Québécois ne sont pas seulement 25% de quelqu’un d’autre

Je n’ai pas la ferveur olympique et mon nationalisme s’emballe rarement lors des manifestations sportives. Mais je comprends parfaitement l’admiration pour ces athlètes qui vouent leur existence à une forme de perfection sportive. Chez eux, le sport est un art. À tout le moins, il s’agit d’une expérience esthétique. Et je comprends de même l’enthousiasme patriotique qui s’éveille devant la réussite d’athlètes portant fièrement les couleurs du pays dans la compétition des compétitions. Dans un monde où le sentiment national est si souvent étouffé, les tournois sportifs lui permettent de s’exprimer librement.
Et c’est justement pour cela que je trouve absolument légitime que les Québécois insistent pour distinguer les médailles québécoises des médailles canadiennes. Pour une raison simple : les Québécois ne sont pas des Canadiens. Je ne parle pas que des souverainistes. Même les fédéralistes sont plus souvent qu’autrement Québécois d’abord, même s’ils se sentent Canadiens aussi et veulent conserver, pour des raisons souvent pragmatiques, le lien fédéral. Même eux, autrement dit, savent bien qu’ils ne sont pas des Canadiens comme les autres et que le Québec est une nation à part entière. Et pourtant, le peuple québécois n’est pas représenté aux Olympiques : nos couleurs sont absentes. Cela vexe légitimement les nôtres, qui se demandent encore une fois confusément pourquoi, dès que nous sortons de nos frontières, sauf en France, nous perdons notre nom, et devons désormais nous appeler «Canadiens».
On nous dira qu’il faut éviter de politiser la performance des athlètes. Je comprends cette aspiration. Fondamentalement, la victoire d’un athlète lui appartient, et n’appartient qu’à lui seul. J’admire ceux qui se vouent à un idéal nul n’a le droit de nier le caractère profondément personnel d’un exploit sportif. Dans un monde idéal, l’olympisme devrait conserver sa vocation de mise en scène universelle de l’excellence sportive. Mais qu’on le veuille ou non, les Olympiques sont politiques. Elles permettent au pays hôte d’exposer sa grandeur, sa force, sa puissance. Les pays qui s’y affrontent investissent dans le financement de leurs athlètes pour y briller. Les grandes manifestations sportives, en fait, s’inscrivent aujourd’hui dans la stratégie diplomatique de chaque pays.
J’en reviens à l’essentiel : il est absurde de reprocher aux souverainistes de politiser les Olympiques lorsque les Olympiques sont déjà politiques. Et il est absurde d’attribuer les victoires des athlètes à des pays et des nations tout en en appelant à la censure des victoires québécoises, comme si nous n’existions plus le temps des jeux. Un jour, lorsque le Québec sera indépendant, il aura sa propre délégation aux Olympiques. D’ici là, devant le nation building fédéral, qui cherche à reprogrammer notre identité collective en la dénationalisant, il est absolument légitime que les Québécois, pour reprendre la formule de Gaston Miron, rappellent qu’ils ne sont pas seulement 25% de quelqu’un d’autre.


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