Pas d’eau potable en cas de marée noire

S’il y a un déversement de pétrole, les Montréalais n’auront que 16 h de réserve

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Une catastrophe en préparation






​Il n’y a aucun plan B réaliste pour protéger l’eau potable de la vaste majorité des résidents de la région de Montréal en cas d’une fuite de pétrole du pipeline d’Enbridge.




« L’ampleur d’une telle catastrophe sanitaire a de quoi faire frémir », souffle Guy Coderre, professeur au Centre national de formation en traitement de l’eau.




La Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) connaît le risque que court l’approvisionnement en eau de la métropole depuis septembre 2015, date à laquelle elle a publié un rapport explosif à ce sujet pour contrer le projet de pipeline Énergie Est de TransCanada.




Ce projet étant toujours sur les tablettes, la CMM et son président, le maire Denis Coderre, sont peu volubiles dans ce dossier. Pourtant le risque, lui, est loin d’être tabletté, prévient l’expert Guy Coderre.




Du pétrole brut circule en effet actuellement dans la ligne 9B du pipeline d’Enbridge qui traverse la rivière des Outaouais. Celle-ci communique avec la rivière des Mille Îles, la rivière des Prairies et le fleuve Saint-Laurent, des cours d’eau essentiels à l’approvisionnement en eau de la région.




« Les enjeux sont majeurs. On parle de l’eau potable de près de trois millions de personnes », s’inquiète Patrick Bonin, de Greenpeace.




« On parle d’une vieille ligne de 40 ans, pas d’une infrastructure récente, et on y fait passer 300 000 barils de pétrole par jour », dit-il.




Au robinet en 12 h




Une fuite de pétrole dans la rivière des Outaouais contaminerait les 26 prises d’eau potable de la région en seulement 12 heures, d’après le rapport publié par la CMM en 2015.




Or, les stations de purification d’eau ne sont pas équipées de censeurs pour détecter la présence d’hydrocarbures et ne sont pas non plus capables de les éliminer, indique M. Coderre. De fait, en cas de fuite, rien n’empêcherait les hydrocarbures de se retrouver un matin dans le verre d’eau d’un Montréalais, prévient l’expert.




16 h de réserve




Une fois l’alarme déclenchée, explique Guy Coderre, la procédure impose aux stations de fermer les vannes et de se rabattre sur les réserves. Celles-ci seront toutefois épuisées au bout d’environ 16 heures, calcule-t-il.




Au terme de ce sursis, il faudra relancer l’alimentation au robinet, peu importe la qualité de l’eau, et distribuer des bouteilles d’eau, en attendant le passage de la nappe. Ceci peut toutefois prendre des heures comme des semaines, selon l’ampleur de la contamination, précise l’expert.




Ni Montréal ni Laval ne peuvent envisager une autre option, par exemple aller puiser de l’eau ailleurs. « Leur localisation sur des îles, l’éloignement de toute source alternative ou l’ampleur des besoins à combler rendront impossible cette alternative », prévient M. Coderre.




Des cours d’eau menacés











Le tracé du pipeline Enbridge, qui passe près des villes de Laval et Montréal.




Le tracé du pipeline Enbridge, qui passe près des villes de Laval et Montréal.





L’organisme dort au gaz, croit Greenpeace











Patrick Bonin. Greenpeace




Photo Sarah-Maude Lefebvre


Patrick Bonin. Greenpeace





Au courant depuis 2015 des risques qui pèsent sur ses stations de pompage d’eau potable, la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) n’a pourtant pas de plan commun pour faire face à une éventuelle catastrophe.





« Il ne faut pas prendre panique. Ce pipeline [la ligne 9B d’Enbridge] existe depuis des décennies. Et on n’est pas démuni, chaque ville a son plan d’urgence », modère Stéphane Boyer, président de la Commission de l’Environnement de la CMM.




« La CMM demeure très préoccupée et s’apprête à annoncer une stratégie », complète le porte-parole de la Communauté, François Desrochers. Il précise que l’organisation annoncera le 3 août la formation d’un comité de travail.




Patrick Bonin, de Greenpeace, déplore la lenteur des élus face à l’importance du risque.




« La CMM dort au gaz, critique l’écologiste. C’est pas le jour où les gens vont ouvrir leur robinet et ne pourront pas boire l’eau qu’il faudra poser des questions. »




« Dans le néant »




M. Bonin souligne qu’« on n’a toujours aucune garantie de la part de l’entreprise [Enbridge] ». Jean Lalonde, le préfet de la MRC de Vaudreuil-Soulanges, où la conduite pénètre au Québec depuis l’Ontario, confirme : « On est pas mal dans le néant.




« On n’a aucune information de la part d’Enbridge, excepté un courriel une fois par mois pour nous dire que la ligne est fiable. Mais il n’y a rien de pertinent là-dedans », dit M. Lalonde.




« L’objectif d’Enbridge est, avant tout, d’empêcher tous les déversements et les rejets. Nous avons également des plans complets d’intervention et d’atténuation des effets sur l’environnement en place pour répondre de façon sûre, rapide et efficace », assure le porte-parole d’Enbridge, Ken Hall.




Aucune confiance




« J’imagine qu’en cas de problème, Enbridge mettrait en place son plan d’urgence, mais moi je ne l’ai jamais vu ce plan et je n’ai aucune confiance en Enbridge », réplique le préfet Lalonde.




« La sécurité est notre priorité absolue et une partie essentielle de cet engagement est de préserver la qualité de l’eau », insiste M. Hall.




« Pour garantir que les croisements de rivières sont sécuritaires, nous avons investi dans la technologie de pointe », indique-t-il. Enbridge a notamment installé des vannes d’isolement pour protéger les cours d’eau le long du tracé du pipeline.




 


 




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