Le Parti québécois tient cette fin de semaine à Lévis un colloque ayant pour thème la création de la richesse. «Pour un gouvernement souverainiste, écrit la chef du parti en présentation, l'enrichissement des individus de tous les âges sera au centre de la politique économique [car] il n'existe pas de richesse partagée qui ne fut d'abord créée.» Et si partage et création de richesses étaient les jumeaux inséparables d'un même processus d'accession à une société plus juste et plus prospère?
Quel parent, quel éducateur est assez tordu pour proposer à ses enfants de se fixer comme objectif de vie de devenir riche? Voilà pourtant ce que la direction du PQ veut proposer aux Québécois. L'affirmer ainsi pourrait signifier que ce parti entend affranchir le Québec de son passé à l'eau bénite, ou encore rompre avec la social-démocratie. Osons plutôt croire que certains
dirigeants se sont laissé caresser par l'air du temps, indice du désarroi qui règne au sein d'une formation à la recherche de sens.
L'expression «créer de la richesse» est à la mode. Elle n'est pourtant pas nouvelle puisqu'elle est utilisée depuis très longtemps par les milieux d'affaires pour critiquer l'État providence et ses impôts élevés. Ce qui a changé, c'est que certains intellectuels progressistes d'hier qui occupent aujourd'hui des postes dominants dans les institutions ont adopté ce slogan à leur tour pour défendre leurs propres privilèges de bien nantis.
À l'échelle d'une société, il est simpliste de prétendre devoir créer la richesse avant de la redistribuer. Pour un État, accorder la priorité au développement économique est une pratique légitime et souhaitable, mais faire de la création de richesses le filtre à travers lequel seraient évalués tous les programmes, voilà qui tient du dogmatisme cher aux conservateurs.
L'erreur est même grossière sur le plan historique. Aucun pays développé, pas même les États-Unis, n'est d'abord devenu riche avant de redistribuer les fruits de son essor. Tous ont agi sur les deux tableaux à la fois, parfois sous la pression des rapports de force sociaux, mais souvent par souci d'accélérer le développement. L'éducation en est un exemple, mais on peut aussi parler des lois du travail, de l'assurance-emploi, des pensions, du système de santé, des congés parentaux...
Le développement d'une société, comme celui d'un individu, est un processus complexe qui exige la mise en oeuvre simultanée de dizaines de facteurs déterminants qui n'ont généralement pas pour moteur la quête de richesses, mais la recherche d'un mieux-être, y compris la sécurité financière.
Cela dit, nous sommes en 2010 et il ne faut pas confondre social-démocratie et interventionnisme intempestif des gouvernements, encore moins leur clientélisme politique. Qu'on pense à la Gaspésia, aux alumineries ou aux dizaines de programmes qui n'ont jamais fait l'objet d'une évaluation exhaustive, qu'on pense encore à cette idée farfelue du PQ d'offrir un revenu minimum garanti aux nouveaux entrepreneurs... oui, la social-démocratie à la mode PQ a besoin d'une sérieuse remise en question pour retrouver ses lettres de noblesse, et c'est aux militants de le rappeler à ces dirigeants dont le souvenir du pouvoir semble encore trop frais.
Tous les Québécois aspirent à développer leur potentiel économique, culturel et social. Tant mieux s'il en résulte une plus grande richesse collective et individuelle, mais de grâce, qu'on abandonne l'idée de tatouer un signe de piastre au front de chaque bébé admis en garderie!
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