Où est l'homme d'État?

Le monde est devenu un endroit bien plus hostile à l'indépendance du Québec qu'il y a 10 ans

Crise de leadership au PQ

L'ineptie de la course à la direction du PQ est la conséquence de la démission de ses dirigeants - officielle en octobre 1984, tacite en février 1996 - du projet indépendantiste.
Les Bourgeault (RIN), Lévesque (MSA) ont gagné les premiers 40 %. Les Parizeau (PQ), Bouchard (BQ) en ont rajouté dix. Mais il ne se trouvera sans doute ni un parti, ni un chef pour racler en 2008 les points manquants. Car découle de cette démission historique une provincialisation marquée des hommes et des idées. Or la finalité de l'indépendantisme est d'un tout autre ordre: insérer l'État dans l'écrin international.
La prétendue " maturité " d'un peuple se passant de " sauveurs " est le premier mensonge. Même la France, genou à terre, a eu besoin d'un de Gaulle. C'est bien le peuple qui ferme la marche en temps voulu. Mais qui jauge la stratégie et les tactiques? Qui joue le match de la reconnaissance étrangère? Qui rassemble derrière une vision, un idéal? Le peuple? Non. Un sauveur? Non plus. Mais un chef, si.
Les plats échos de la course disent que ces âpres tâches vont de soi. Second mensonge: il n'en est rien. Le monde compte 3000 nations pour 200 États. La souveraineté pour tout peuple lui apparaît sans doute " naturelle ", mais elle ne découle d'aucune normalité, et de bien peu de droit. Car si la souveraineté était fonction de la viabilité des États, des bons sentiments et de justice, la carte du monde serait radicalement autre.
La souveraineté, c'est l'établissement et le maintien d'un rapport de force sur un territoire, ainsi que la reconnaissance continue de ce rapport de force par les États souverains qui comptent. La clef de la première condition est une consultation gagnante sur le pays (du moins au Québec); la clef de la seconde, une patiente, soutenue, et adroite action diplomatique.
Rupture d'un État du G8
Car la préparation du terrain international pour la rupture d'un État du G8 - événement rarissime - nécessite un travail herculéen, d'autant que le 11 septembre et autres 7 juillet l'ont ébranlé dans ses fondements même. Washington, en pleine guerre, en pleine paranoïa, n'acceptera pas béatement un affaiblissement de sa frontière nord, une ponction dans son périmètre de sécurité. De surcroît s'il doit y apparaître une République perçue comme socialisante et pro-arabe. En outre, la France - un levier diplomatique pris pour acquis, à tort - choisit désormais ses batailles avec l'hyperpuissance dont elle a soulevé l'ire en 2003. Sans compter le fait que même le mot " souverainisme ", recyclé par Charles Pasqua et Philippe de Villiers, y est désormais inutilisable. Pour un demi-milliard d'Européens, surtout depuis l'électrochoc du référendum français du 29 mai 2005, les " bons ", cosmopolites, modernes, s'opposent plus que jamais aux " méchants ", nationalistes, étroits: les souverainistes. Le PS déclarait, le 31 mars dernier: " La campagne socialiste sera donc une campagne contre l'extrême droite, contre le souverainisme, le nationalisme, le populisme ".
Voilà en principe des alliés. C'est dire ce qu'on pense des " souverainistes " québécois dans les milieux moins spontanément francophiles.
Tandis qu'ici, déconnectés avec superbe, l'on se croit " différents ", porteurs d'un souverainisme qui voudrait dire autre chose. Peut-être. Reste le spectacle gênant d'un PQ parasité par un profil de militant qui ne survit plus qu'au sein des Vlaams Blok, Front national wallon, Deutschen Volksunion, Dansk Folkeparti, British national party, Leefbaar Nederland... Le reclyclage politique d'un épithète national, les fixations notamment linguistiques, ont aussi un coût politique à l'étranger.
Le monde est devenu un endroit bien plus hostile à l'indépendance du Québec qu'il y a dix ans. Les champs internationaux sont en friche, l'image du Québec s'y fane, et ce n'est certes pas cette course qui fera renaître l'expertise diplomatique nécessaire à la reprise des labours. Il est temps que les prétendants voient plus loin que leurs 5 à 7 sur Grande-Allée. Où est l'homme d'État qui propose le coup de boutoir - ne fût-ce que lexical - qui s'impose?
À une notable exception près, qui, hélas, souffre d'une carence d'image, aucun candidat ne conçoit cette action, et, partant, ne la mènera à terme. Or sans elle, un OUI, s'il est jamais obtenu, mènera à la catastrophe. En l'état, le prochain chef du PQ sera le général Weygand d'un désastre annoncé.
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Philippe Navarro. L'auteur a été conseiller au ministère des Relations internationales et à l'Opposition officielle de 1998 à 2004.

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Philippe Navarro, détenteur d'une maîtrise en sciences politiques, ancien attaché politique du Parti québécois. Maître en relations internationales et auteur de science-fiction, il a publié le roman d’anticipation Delphes en 2005. Il est aussi le leader du groupe Water On Mars, en nomination à l’ADISQ pour le meilleur album de musique électronique.





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