L'une des différences les plus fondamentales avec la présidence de son prédécesseur est que Barack Obama nous a convaincus qu'il était digne de confiance. George W. Bush n'aura jamais eu celle des Américains que par défaut, en cultivant une politique étrangère essentiellement conflictuelle. Ce n'est pas seulement que les opinions publiques du monde entier, après huit ans de tromperie, veulent désespérément croire en cette espèce de demi-dieu, c'est que, plus encore, il leur semble permis de lui faire confiance quand il va déclarer à l'Université du Caire: «Je suis venu ici en quête d'un nouveau départ pour les États-Unis et le monde musulman, un départ fondé sur l'intérêt mutuel et le respect mutuel.» Il faudra évidemment que l'abondance rhétorique, proche du gavage, dont fait preuve cette toute jeune présidence se traduise en volonté politique concrète... Je n'aime pas les phrases, je n'aime que les faits, disait l'écrivain Léautaud.
M. Obama a prononcé hier un discours fin -- presque un prêche par moments. N'a pas abordé la question nucléaire iranienne sur le ton de la menace militaire. A longuement discouru sur la «violence extrémiste», mais sans utiliser le mot «terrorisme» politiquement chargé, tout en critiquant à mots couverts la complaisance dont fait preuve la majorité silencieuse et modérée du monde arabo-musulman à l'égard de la mouvance intégriste. A poliment plaidé en faveur de la démocratie, sans paternalisme mais de manière à ne pas donner la désagréable impression que, se trouvant au Caire, il légitimait la dictature d'Hosni Moubarak. S'est habilement porté à la défense des droits des femmes musulmanes. A réitéré, au sujet de cette plaie béante que constitue le conflit israélo-palestinien, qu'il fallait geler l'expansion des colonies juives (encore que ce seul gel serait bien loin de créer pour les Palestiniens les conditions d'un État viable).
Des générations de musulmans se sont fait mentir et manipuler par des générations de leaders autoritaires soutenus par l'Occident et les États-Unis. Le mot «justice» y est entendu comme un sarcasme. La méfiance est profonde et fondée. Les gens le moindrement avisés n'oublient pas le rôle joué par les États-Unis dans le renversement du premier ministre nationaliste iranien Mohammed Mossadegh, en 1953. Qui ne sait pas que, avant de le détrôner, les Américains ont soutenu Saddam Hussein, sans état d'âme, pendant la guerre Iran-Irak des années 1980? Ou que, avant de s'en prendre aux talibans, ils les ont armés jusqu'aux dents contre les Soviétiques?
Les médias donnaient l'impression hier que le discours, dont l'ampleur impose à M. Obama une interdiction de décevoir, avait été reçu dans le monde musulman comme une bouffée d'air frais. Bonheur partagé de voir un président des États-Unis afficher, pour le moins, une intention de rupture et déclarer que les relations internationales auraient avantage à être fondées sur autre chose que la supériorité militaire et la défense de ses intérêts stratégiques. M. Obama mérite des fleurs, pas des souliers.
gtaillefer@ledevoir.com
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