On peut certes posséder à la fois une carte de membre de Petro-Canada, de Shell et même d'Ultramar. Ça ne pose pas de problème. Mais être député et chef d'un parti politique, même intérimaire, devrait nous interdire de disperser sa loyauté et de brouiller les cartes sur sa fidélité à une cause et à un programme. C'est pourtant ce qu'a fait Nycole Turmel, superposant ses allégeances en étant membre du Bloc québécois, puis du NPD, et concurremment, de Québec solidaire.
Il n'est pas étonnant que les médias anglophones en fassent leurs choux gras. L'adhésion simultanée au fédéralisme canadien et à la souveraineté du Québec représente probablement une circonvolution idéologique aussi incompréhensible à nos amis du Canada anglais qu'être en même temps partisan des Maple Leafs et des Bruins dans une finale de la Coupe Stanley!
Les explications de Mme Turmel sont peu convaincantes et on comprend que le NPD ait attendu que la nouvelle paraisse dans le Globe & Mail avant de faire face à la tempête. La chef intérimaire du NPD aurait peut-être été plus heureuse dans l'éventuel parti politique de François Legault qui propose aux Québécois de laisser au vestiaire, pour au moins 10 ans, leurs habits fédéralistes et souverainistes, de manière à s'occuper de choses qu'il juge plus urgentes.
Il semble que cette nouvelle, tombée en pleine période de vacances de la construction, et de l'effondrement d'une partie du tunnel Ville-Marie, ait créé une moins grande commotion au Québec que dans le reste du Canada. Cela s'explique peut-être par le fait que lors de la dernière élection fédérale, un grand nombre de votes habituellement bloquistes sont forcément passés au NPD, compte tenu du surprenant résultat de ce scrutin. Autrement dit, beaucoup d'électeurs québécois, de toutes allégeances, y compris souverainistes, ont choisi de voter pour le NPD les yeux fermés, surtout pour barrer la route au Parti conservateur.
Dans leur empressement à empêcher Stephen Harper d'avoir sa majorité et dans leur enthousiasme envers Jack Layton, beaucoup de souverainistes ont accordé leur vote à ce dernier sans trop se soucier de son programme et du caractère fédéraliste de son parti.
Dans ces circonstances, qu'on apprenne que Nycole Turmel a convolé avec plusieurs formations politiques, même souverainistes, laisse probablement les Québécois plus indifférents que le reste des Canadiens. Les néo-démocrates devraient toutefois s'inquiéter un tant soit peu de la solidité des convictions des candidats qui ont été élus sous leur bannière, autant que de la fidélité des électeurs qui les ont plébiscités au Québec.
Le parti de Jack Layton a encore du pain sur la planche pour mieux faire connaître ses véritables orientations aux Québécois et l'épisode des cartes multiples de Mme Turmel rend la chose encore plus nécessaire.
Certains banalisent la collection de cartes de membre de Mme Turmel en rappelant que dans l'histoire récente, beaucoup d'autres personnes ont joué les transfuges. On ne se trouve toutefois pas devant le cas du transfuge d'un élu passant d'un parti à un autre par conviction, mais devant la situation d'une personne qui n'a pas su saisir l'incompatibilité flagrante entre deux choix politiques fondamentaux. Qu'elle adhère au fédéralisme maintenant, pourra donc passer pour de l'opportunisme aux yeux de certains, mais elle a le droit de faire ce choix malgré tout ce qu'on pourra dire de son passé.
Il y a fort à parier que les conservateurs l'attendront au détour à la rentrée. Lorsqu'elle se lèvera au Parlement pour leur reprocher d'être trop conservateurs, ils n'hésiteront pas à lui rétorquer qu'ils savent au moins ce qu'ils sont.
C'est toutefois un petit jeu politique qui ne devrait pas trop durer, même si Mme Turmel risque de trouver le temps long. Elle en a vu d'autres dans sa carrière de syndicaliste et elle voudra être jugée non pas sur ses erreurs, mais sur sa capacité à défendre les intérêts de ceux qui n'ont pas voté conservateur.
Nycole Turmel: des explications peu convaincantes
2 mai 2011 - NPD - écueil en vue...
Richard Vigneault8 articles
consultant en communication et membre de l'Idée fédérale. Consultant en communication, ex-journaliste et conseiller des premiers ministres Daniel Johnson et Jean Charest
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