Retour au galop du réel refoulé par les grands médias. Alors que ceux-ci qualifiaient de « prisonniers politiques » les leaders d’extrême droite liés arrêtés pour la possession d’explosifs ou l’organisation de violences meurtrières avec l’appui paramilitaire d’Alvaro Uribe, la droite vénézuélienne reconnaît à présent qu’il n’existe que des « personnes arrêtées ». Plus surprenant encore, elle admet la réalité d’une guerre économique qu’elle qualifiait jusqu’ici d’invention du président Maduro « pour cacher la faillite du socialisme bolivarien ». Le sociologue vénézuélien Franco Vielma nous éclaire sur ces revirements inattendus.
A l’initiative du gouvernement bolivarien, les partis de la droite vénézuélienne ont accepté récemment de s’asseoir à la table des négociations. La première étape de ce dialogue amorcé avec l’appui de l’ex-président du Panama Martin Torrijos et de l’ex-président espagnol Rodriguez Zapatero s’est achevée le samedi 12 novembre 2016. Entouré notamment du secrétaire général de l’UNASUR et ex-président de Colombie Ernesto Samper, de Leonel Fernandez, ex-président de la République Dominicaine, l’envoyé du Vatican Claudio María Celli a lu les cinq points principaux du communiqué final :
- Le gouvernement et la MUD (coordination des partis d’opposition à la révolution) ont convenu de combattre ensemble toute forme de sabotage, de boycott ou d’agression envers l’économie. La priorité sera donnée aux mesures en faveur de l’approvisionnement, production et importation de médicaments et aliments, via la planification et l’application de politiques de coopération entre les secteurs public et privé pour surveiller et contrôler les mécanismes d’acquisition et de distribution de matières premières et de marchandises.
- La droite accepte la sentence d’illégalité prononcée par le Tribunal Suprême de Justice à la suite de l’élection frauduleuse de trois de ses députés (Ndr : ces députés, exclus, ont offert leur démission au leader de la droite, Henry Ramos Allup, président de l’Assemblée Nationale). Les parties ont également convenu de travailler ensemble à la nomination de deux recteurs du Conseil National Électoral dont le mandat prend fin en décembre 2016.
- Les parties ont adopté une position unanime de défense des droits du Venezuela sur la région de l’Esequibo, adoptant l’accord de Genève de 1966 comme instrument juridique pour résoudre cette controverse territoriale.
- Les parties ont adopté une déclaration commune intitulée « Vivre ensemble en Paix ».
- Seront invités aux prochaines réunions un gouverneur de chacune des parties et des représentants des différents secteurs de la société. Une commission de suivi sera coordonnée par l’ex-président espagnol José Luis Rodriguez Zapatero, par Jorge Rodriguez pour le gouvernement bolivarien et Luis Aquiles Moreno pour la MUD.
Qui gagne, qui perd ?
Dans le cadre strict des accords il n‘y a ni gagnant ni perdant. C’est une victoire de la Constitution Bolivarienne, soit une avancée majeure pour une société vénézuélienne qui réclame de ses leaders des alternatives et des solutions consensuelles, en particulier pour faire cesser les violences.
C’est sur la nouvelle donne politique et la perception publique que je voudrais faire quelques commentaires.
- La coordination de la droite (MUD) admet face au pays qu’il y a un boycott et une agression économique persistants contre la population, reconnaissant entre les lignes que son capital politique est né d’un contexte d’extorsion et du désespoir d’une population qui a voté pour elle en décembre 2015. La guerre économique cent fois niée existerait donc ? C’est la MUD qui le dit à présent. Autre discours qui s’effondre : celui du « communisme régulateur » comme cause de la situation économique. La MUD adhère en effet à la nécessité de « surveiller, inspecter et contrôler » le flux de marchandises.
- En reconnaissant que l’Assemblée Nationale ne peut maintenir des députés élus frauduleusement, la droite renonce au lexique destiné aux médias internationaux (ou commandé par eux…) d’« actions arbitraires » de la part d’une « dictature ». Les élections législatives dans l’état d’Amazonas ont été entachées de fraudes et devront être répétées.
Carlos Ocaríz (porte-parole antichaviste qui a participé au dialogue, voir photo) use à présent du terme « personnes arrêtées » au lieu de celui de « prisonniers politiques » jusqu’ici destiné aux militants et dont la fonction était surtout d’agiter les médias internationaux (terme rentable également pour certaines « ONG de droits de l’homme » à l’œuvre également en Bolivie, en Equateur ou au Nicaragua).
- Pas d’accord sur le référendum révocatoire, dont la collecte de signatures a elle aussi été entachée de fraudes massives (des milliers de personnes décédées apparaissant parmi les signataires) ni sur les prochaines élections générales (il y en aura deux en 2017). La rhétorique et la démagogie destinées aux militants souffre des incohérences, des divisions au sein de la droite, minant sa crédibilité. Même l’ambassade des États-Unis semble lassée de tant d’inefficacité. Il n‘est pas sûr encore que son soutien se poursuive avec la même intensité sous la présidence de Donald Trump.
- Après de nombreux effets d’annonces sur la « prise du palais présidentiel » au terme de mobilisations de rue, la droite rentre dans les rangs institutionnels de l’Assemblée Nationale qu’elle pourra continuer à utiliser comme un bélier politique. Pour sa part le chavisme gagne en légitimité. La droite aurait-elle sous-estimé la capacité politique de Nicolas Maduro ?
Franco Vielma
Traduction : Thierry Deronne
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