Deux semaines avant l’élection de Jean Charest à la tête des libéraux en 2003, j’avais conclu un texte publié au Soleil par cette phrase ‘’Je ne suis pas prêt de voter pour un type qui me prend pour un con’’ http://archives.vigile.net/ds-actu/docs3/03-4-3-1.html#lotfi .
Charest était passé maître dans la manipulation de l’opinion publique. Il avait appliqué à la lettre la recette néolibérale pour accéder au pouvoir. Il avait su faire de la santé le point central de sa campagne électorale au point de donner la forte impression que le Québec était devenu un hôpital et les québécois, tous des malades. Il a su instrumentaliser d’autres thèmes dans chaque élection. Il faut reconnaître que la faiblesse de l’opposition et sa division l’ont grandement aidé.
Aujourd’hui, après trois mandats, les libéraux sont de toute évidence en fin de règne et Charest connaîtra une sortie plutôt indigne d’un chef d’état dit démocratique. Non seulement, cette fois, il aura compté sur la polarisation de l'opinion, il aura dangereusement contribuer à attiser la division entre québécois.. Sa loi 78 a été conçue sur mesure pour exploiter des différences d'opinion pour en faire ce que ailleurs dans le monde aboutit à une guerre civile. Cette loi sera retenue comme une tâche noire dans l’exercice parlementaire québécois.
Mais très franchement, à la lumière de cette indignation populaire que cette loi aura provoquée, ça serait trop facile de tirer sur le cadavre politique que Jean Charest représente déjà. Ce qui arrive au Québec est aussi le résultat d’un choix politique collectif. Ça serait trop facile de mettre sur les épaules d’un seul homme le poids de nos aveuglements et de nos errances. Comment sommes-nous arrivés là..? Les historiens et les analystes politiques se pencheront plus profondément sur la question.
Il est encore trop tôt pour les québécois de tirer des leçons de l’actuelle crise qui bouleverse le Québec. Néanmoins, j’ai envie de noter un point sur lequel un jour ou l’autre il faudra se fixer pour éviter les éventuels abus du pouvoir du Premier Ministre.
Actuellement, la constitution du Québec accorde trop de pouvoir au Premier Ministre en lui permettant à lui seul de déterminer la date des élections. Comme dans la plus part des démocraties modernes, notamment en France, les élections sont tenues à la même date fixée dans la constitution.
La démonstration de l’abus de pouvoir a été faite dans les deux dernières élections lorsque Jean Charest a déclenché des élections à des moments qu’il jugeait opportun pour sa réélection.
Dans le contexte d’une crise comme celle que le Québec vit aujourd’hui, retarder la tenue des élections, donne à Jean Charest la possibilité de gagner du temps. Il a réussi dans le passé à faire oublier des scandales ou à tenir des élections avant qu’ils ne soient révélés. C’est Bourassa qui disait que six mois en politique c’est une éternité. Cette fois, l’ampleur de la crise, avec la loi 78, est telle que tout porte à croire que les québécois auront la mémoire plus longue que d’habitude. Charest ne pourra pas retarder indéfiniment la tenue des élections. Les québécois se souviendront.
Par ailleurs, il est fort possible que Pauline Marois soit enfin élue comme première Première Ministre du Québec. Plusieurs facteurs jouent en sa faveur : Elle a su tenir tête à ses adversaires dans son propre parti. Elle en sort plus que jamais forte. Elle, ainsi que ses collègues du PQ ont su intervenir lors de cette crise avec des discours d’une grandeur politique, notamment durant la nuit blanche avant l’adoption de la loi 78. Je salue notamment les discours de Véronique Hivon, de Bernard Drainville, de Monique Richard et celui de Pauline Marois qui pour la première fois m’est apparue digne du poste qu’elle rêve d’occuper. Disons qu’elle est prête..! http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=_GL_2TQZsSA
À 5000 kilomètres du Québec, j’ose devancer les évènements en souhaitant bonne chance à Pauline Marois et son équipe. En lui disant cependant ceci :
Pauline, tu auras devant toi, des québécoises et des québécois qui ne voudront plus se faire passer une petite vite. J'ose espérer que le Québec sortira grand et grandi de cette crise qui n’est rien d’autre qu’un accouchement, aussi douloureux soit-il.
Pauline, l'heure de la fin d'un régime a sonné et je ne fais pas uniquement allusion aux libéraux. Je parle d’un nouveau régime où la démocratie est à parfaire chaque jour. Celle dont les jeunes du Québec sont en train de faire la démonstration. Une démocratie directe et participative. Bientôt un livre fort intéressant apparaîtra sur le sujet. Je te recommande, ainsi qu’à tous tes collègues de l’Assemblée Nationale de le lire et de le méditer.
Pauline, tu seras ce que les québécois en feront de toi. De la même manière, Charest a été ce que les québécois ont fait de lui. Nous nous souviendrons de l’actuelle crise comme quelque chose que le Québec ne devra plus revivre. Je n'adhère nullement aux prophéties de malheur qui nous annonce déjà que le PQ sera tout aussi pire que le PLQ.
C'est par leurs actions, par leur vigilance ou par une léthargie collective que les québécois détermineront la nature du pouvoir qui les gouvernera. Désormais, nous avons et nous aurons les gouvernants que nous méritons... Aussi pénible et aussi amer, il faut reconnaître cette vérité. Le Québec, initié par sa jeunesse est en train de nous servir une autocritique collective.. Un réveil, un sursaut. J'en suis plus que jamais fier. Fier d'appartenir au Québec des lumières..
À nous maintenant, québécoises et québécois, de corriger et d'améliorer notre démocratie. Pauline, Véronique, Monique, Bernard, Maka, Amir et les autres, vous nous accompagnerez.
Je nous souhaite courage et espoir.
Mohamed Lotfi
Rabat, Maroc 22 mai 2012.
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3 commentaires
Mario Boulet Répondre
23 mai 2012Ah! Ce choix collectif qui nous tient tous!
Les temps plus durs et incertains nous font se serrer la ceinture. Ceux-ci nous l'imposent et nous contraignent. À l'heure des nombreuses décisions, nous nous devons de faire des choix.
Autant que les syndicats sont forts, les patrons d'entreprises le sont tout autant. De par leurs agissements, ils nous insufflent leurs doléances à chacun de nous. En gros, cela se résume à ce qu'ils ne peuvent payer plus leurs employés parce qu'ils ont déjà trop de taxes et impôts à payer. Lorsque l'on voit qu'un patron s'achètent toujours des objets (autos, maisons, chalets, bâteau, etc.) de plus en plus luxueux, on se dit: Pourquoi pas! Nous nous achetons également la plus grosse télévision ACL ou Plasma, nous faisons un voyage, etc. On prend goût au luxe nous aussi. Donc, on entre dans sa mire qui tend à nous faire voir que si nous paierions moins de taxes et impôts, nous pourrions tous vivre mieux.
Au fond de soi, on se dit: Quand est-ce la dernière fois que je suis tombé gravement malade? Jamais! Pourquoi payer pour l'éducation? C'est désuet car mes enfants sont déjà instruits et grands. Pourquoi s'offrir des garderies à 7$? Parce que ça ne fait qu'aider des familles à modestes revenus. Ils ne paieront pas plus d'impôts car ils ont des déductions fiscales en grand nombre. Ainsi de suite! La liste pourrait être très longue.
Alors, nous nous attaquons à tenter de voter collectivement pour le gouvernement qui répondra le mieux à nos attentes. Malheureusement, ce que nous oublions, c'est qu'un jour ou l'autre, les aléas de la vie nous rattraperont. On se plaindra que le temps d'attente est trop long dans les urgences. Que nos petits-enfants n'ont pas l'occasion de s'instruire.
On tente de colliger une situation à court terme en tronquant les résultats qui surviendront dans le futur. Le patron libéral aura toute sa pleine jouissance car il se fera encore plus d'argent pendant sa vie qu'un salarié pendant la sienne. On parle de 10 fois plus en moyenne. Il pourra s'acheter une assurance santé si celle du gouvernement ne lui suffit pas. Tandis que le salarié, ayant la corde au cou, ne pourra pas le suivre dans cette pleine liberté.
Je ne dis pas d'entrer en guerre contre les patrons. Bien sûr que non. Mais faisons seulement attention à leur raisonnement fallacieux ne faisant, encore plusieurs fois, qu'à le servir lui et se servir de nous comme levier économique dans son entreprise. Faisons en sorte que le peuple ne se fasse plus rouler. Tout le monde devrait payer des taxes et impôts.
Joseph Berbery Répondre
22 mai 2012Merci, Monsieur Lotfi, pour ce magnifique regard jeté sur la ligne d'horizon. Il faut regarder ces événements pour ce qu'ils sont : les signes avant-coureurs d'une profonde mutation. Nous avons à faire à une nouvelle génération qui a complètement largué les peurs, les atermoiements, les complaisances et les compromissions des anciens.
Il nous appartient à nous, les ancêtres, de ne pas entraver leur cheminements par notre crainte de tout ce qui bouge.
C'est un ancêtre septuagénaire qui signe
Joseph Berbery
Serge Charbonneau Répondre
22 mai 2012La constitution du Québec accorde trop de pouvoir au Premier Ministre
Au Québec notre Premier ministre est:
• le chef de son parti;
• le chef du gouvernement;
• le chef du Parlement;
• le chef de l’administration publique;
• le décideur final au Conseil des ministres;
• celui qui convoque et dissout l’Assemblée nationale comme il l’entend;
• celui qui fixe la date des élections générale dans un cadre limite de cinq ans;
• celui qui détermine la date des élections complémentaires;
• celui qui nomme et révoque les ministres et les sous-ministres, le secrétaire général du gouvernement, le leader, le whip et le secrétaire général de l’Assemblée nationale;
• celui qui nomme les juges de la cour du Québec, le directeur de la Sureté du Québec et le chef de la Police de Montréal, les dirigeants des sociétés d’État, de commissions, de comités de tous genres;
• celui qui « propose » à l’Assemblée nationale, le directeur général des élections, le Protecteur du citoyen, le Vérificateur général, le président de la Commission d’accès aux documents des organismes publics;
• celui qui prépare et livre le discours inaugural (politique d’ensemble du gouvernement);
• celui quidétermine l’agenda gouvernemental, préside le Comité interministériel des priorités, répond en priorité aux questions à l’Assemblée nationale;
• celui qui possède le pouvoir, qu’il partage avec les autres premiers ministres provinciaux, de modifier la constitution.
( Compilation faite par Réjean Dumais, ancien candidat de QS dans Charlesbourg )
Serge Charbonneau
Québec