La différence est acceptable si elle est bonne

Notre intérêt pour «la différence» est suspect

La différence de l'autre est parfois détestable

Tribune libre

De nos jours, il est de bon ton de se dire «ouvert à la différence de l’autre». Cette ouverture est tenue comme un principe incontestable qu’il convient d’adopter d’emblée à défaut de paraître intolérant. Elle est promue aussi bien dans les politiques officielles que dans les programmes scolaires. Même dans les discours de la vie quotidienne, on entend fréquemment ce genre de propos complaisants: «Ces personnes agissent et pensent autrement. C’est différent, c’est leur droit, je ne dois pas les juger.» En vertu de ce principe de l’ouverture inconditionnelle à la différence, on en arrive à célébrer sans aucun discernement la diversité, en ne prenant même pas la précaution de s’interroger sur la nature des éléments qui la composent.
Dans le débat actuel sur la laïcité de l’État, l’ouverture à la différence, en l’occurrence aux croyances et aux pratiques religieuses, constitue le principal argument des détracteurs de la charte qui, se drapant dans leur dignité de tolérants bien-pensants, dénigrent leurs adversaires pour leur prétendue étroitesse d’esprit qui serait à la source de la xénophobie dont ils les soupçonnent. Cette attitude de supériorité morale issue de l’adoption tous azimuts de l’ouverture à la différence s’observe chez les gens de droite, mais encore davantage chez les gens de gauche, spécialement chez les partisans de Québec solidaire.
En raison notamment de l’idéologie multiculturelle qui s’est répandue au Canada et au Québec, toute forme d’opposition aux coutumes ou aux opinions des communautés immigrantes est souvent vue comme suspecte et porteuse d’intolérance, ce qui conduit à l’acceptation aveugle de la différence. On est amené ainsi à tolérer et même à accepter n’importe quoi, jusqu’aux coutumes religieuses les plus rétrogrades. Une telle attitude enfonce les esprits dans un relativisme si intransigeant qu’il paralyse le jugement.
Disons-le franchement: l’ouverture absolue à la différence est une absurdité qui peut conduire aux pires égarements sociaux. Comme toute autre chose, la différence doit être traitée et évaluée de façon critique et dans une perspective progressiste. Une différence n’est pas en soi acceptable. Elle ne l’est que si, après examen, elle s’avère bonne. Si au contraire elle apparaît comme mauvaise, elle doit être condamnée et combattue, qu’elle relève de la politique, de la religion ou de la culture dans son sens le plus large.
Pour nous en convaincre, considérons deux exemples illustrant des formes d’ouverture très différentes, la première irrecevable, la seconde recevable.
Le code de la route de la pétromonarchie musulmane qu’est l’Arabie saoudite interdit aux femmes de conduire. Celui du Québec fait totalement abstraction du sexe tant il va de soi ici que les femmes peuvent conduire. La différence entre les codes routiers des deux États est profonde. Par soumission à la dictature de la différence, faut-il considérer comme acceptable que la conduite automobile soit interdite aux femmes ou, au contraire, faut-il s’insurger contre un code aussi sexiste? Comme on dit, poser la question, c’est y répondre…
Dans ma carrière de professeur à l’Université Laval, j’ai eu le plaisir de diriger au doctorat des étudiants provenant du Gabon. J’ai eu avec eux d’intéressantes conversations sur leurs perceptions de la société québécoise. Un sujet qui les troublait beaucoup était le sort que nous réservons ici aux personnes âgées. En Afrique noire, les vieillards sont vus comme des sages à qui les plus jeunes doivent égards, reconnaissance et assistance. Mes étudiants gabonais concevaient difficilement que nous puissions abandonner nos aînés dans des hospices qui les déracinent de leur milieu. Ils regrettaient l’existence plus ou moins avouée chez nous de préjugés qui diminuent les gens âgés. Ils m’ont ainsi amené à prendre conscience du manque de considération de ma société envers nos aînés. Le très grand respect qu’ils vouent aux gens âgés constitue assurément un exemple nous invitant à revoir nos comportements et nos mentalités. L’humanisme intergénérationnel de l’Afrique noire peut en effet nous servir de leçon pour mieux traiter nos propres personnes âgées. Ce genre de différence doit non seulement être accueilli, mais il gagnerait à être intégré à nos valeurs.
Oui à la différence qui grandit, non à celle qui fait régresser! Pour nous prémunir contre les dangers de dérive que recèle l’ouverture absolue à la différence, nous devons faire preuve d’ouverture seulement pour les différences recevables et savoir en même temps faire preuve de fermeture pour toutes les différences irrecevables.


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5 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    9 mars 2014

    Le code de la route de la pétromonarchie musulmane qu’est l’Arabie saoudite interdit aux femmes de conduire. Celui du Québec fait totalement abstraction du sexe tant il va de soi ici que les femmes peuvent conduire. La différence entre les codes routiers des deux États est profonde. Par soumission à la dictature de la différence, faut-il considérer comme acceptable que la conduite automobile soit interdite aux femmes ou, au contraire, faut-il s’insurger contre un code aussi sexiste ? Comme on dit, poser la question, c’est y répondre…
    C'est conduire avec une burqa qui est à proscrire.
    J'ai vu comment c'était terrible une femme musulmane au volant à Toronto. Avec un collant sur le pare-choc : "Islam is the Solution!"
    Par contre, en Iran, non seulement la femme peut conduire une voiture, c'est interdit pour elle de prendre un taxi conduit par un homme. Il existe un système de taxis séparés conduits par des femmes, pour la clientèle féminine seulement. Et non, elles ne portent pas la Burqa.

    Voir après 2 minutes.
    Combien de femmes chauffent des taxis à Montréal ?

  • Archives de Vigile Répondre

    6 mars 2014

    C'est encourageant et intéressant de lire votre texte:
    Notre intérêt pour << la différence >> est suspect.
    C'est bon de savoir qu'il y a encore des gens dont le
    jugement ne fait pas défaut.

  • Archives de Vigile Répondre

    6 mars 2014

    Vous avez raison. J'ajoute aussi que je ne pense pas qu'il y ait une telle opposition à la Charte dite des valeurs n'eut été d'une "religion" rétrograde, réactionnaire, totalitaire qu'est l'islam.
    C'est l'islam la source des problèmes et tout le monde le sait. C'est la seule religion aussi revendicatrice et qui déborde du champ spirituel pour envahir le champ politique et s'attaquer aussi ouvertement et radicalement aux valeurs démocratiques et sociétales que nous avons adoptées avec le temps.
    Enlevez l'islam du décor et la charte aurait passé comme du beurre dans la poêle.
    Pierre Cloutier

  • André Lemay Répondre

    6 mars 2014

    Merci pour ce texte M. Simard qui dit si bien le capharnaüm "multimeltingpoteux" qui sévit aujourd'hui chez-nous.
    Vous écrivez : " Pour nous prémunir contre les dangers de dérive que recèle l’ouverture absolue à la différence, nous devons faire preuve d’ouverture seulement pour les différences recevables et savoir en même temps faire preuve de fermeture pour toutes les différences irrecevables".
    On pourrait toujours commencer par notre steak halal et nos conserves casher. Qu'en dites vous?
    Quand des personnes en sont et ça n'est pas qu'ici chez-nous, à ne même plus savoir que leur steak est comme une hostie, sanctifiée, que leurs pâte de tomate l'est aussi, tabarnak! ça va s'arrêté où si on ne se réveille pas?
    Le voile est visible, le symbole casher, non, ou si peu en fait. Encore moins la méthode d'abattage me procurant ma côtelette de veau.
    Devra-t-on ne plus manger que du cochon et du fromage avec un verre de lait pour s'assurer que notre tête de cochon bien à nous soit celle qui prévaut? Je ne peux arriver à y croire et pourtant, ma consommation de ce délicieux ongulé a vraiment augmenté ces dernières années.
    On résiste comme on peut!
    André Lemay

  • Archives de Vigile Répondre

    6 mars 2014

    Je suis tout a fait en accord avec vous M. Simard, mais cela semble difficile pour nos décideurs, de différencier un atout ou une perte pour notre culture. On dirait qu'ils préfèrent mettre le TOUT dans une même poche, c'est a dire, faire du relativisme, afin de les rassurer de ne pas se tromper.
    Il y a un multiculturalisme SAIN et un multiculturalisme MALSAIN, mais nos décideurs et nos concitoyens les confondent et les mettent tous les deux sur un pied d'égalité, ils font du relativisme.
    http://hesperado.blogspot.ca/2011/06/healthy-multiculturalism-and-unhealthy.html
    Le multiculturalisme; le communisme du 21e siècle.
    http://www.sullivan-county.com/wcva/hm.htm