Un important anniversaire de l'émancipation économique du Québec moderne est passé inaperçu, tout récemment. Il devrait pourtant mériter autant d'éclat que les multiples journées consacrées à des causes méritoires ainsi que les célébrations de nos victoires collectives. Car, il s'agit de la récupération de l'hydroélectricité pour le développement du Québec et, surtout, celui de ses régions productrices. C'est, en effet, le 24 février 1926 que le gouvernement libéral de l'époque adoptait, avec l'appui unanime de l'Assemblée nationale, la loi Taschereau, du nom du premier ministre Louis-Alexandre Taschereau, qui rendait dorénavant illégale l'exportation d'électricité «hors du Canada».
Non à l'exportation
Cette nouvelle loi stipulait notamment que «toute vente, tout bail, toute concession quelconque des forces hydrauliques, appartenant à la province de Québec, doit contenir une clause prohibant l'exportation en dehors du Canada. L'installation sur les domaines de la Couronne de lignes de transmission doit contenir une pareille clause prohibitive.»
L'hydroélectricité appartenait alors à des compagnies privées qui réalisaient des bénéfices mirobolants en la vendant en vrac à de grandes entreprises américaines et ontariennes. Cette exploitation de notre potentiel hydraulique et forestier a fait, longtemps, du Québec, une république de bananes. De puissants intérêts étrangers, avec la complicité de rapaces locaux, exportaient ainsi les emplois rattachés à la mise en valeur de nos ressources naturelles.
Politique suicidaire
Une politique démographiquement catastrophique. Elle est grandement responsable de la diaspora québécoise au 19e siècle. La vente, sans valeur ajoutée, de nos ressources a poussé des millions de Québécois à s'expatrier aux États-Unis à la recherche d'un emploi décent. Il faut reconnaître à Maurice Duplessis, le fondateur de l'Union nationale, et premier ministre le plus sévèrement critiqué par nos pamphlétaires contemporains, le mérite d'avoir eu le courage de modifier un comportement aussi socialement suicidaire.
Paradoxalement au symbole de la «grande noirceur» accolé à son nom, c'est aussi Duplessis qui a fondé Hydro-Québec, le 14 avril 1944. René Lévesque, avec l'assentiment des libéraux de Jean Lesage, a mené et remporté le combat de la nationalisation de l'électricité. Celui qui fonda plus tard le Parti québécois voulait que cette richesse naturelle serve au développement des régions du Québec. Ce qui explique, d'ailleurs, pourquoi le réseau hydroélectrique de Rio Tinto Alcan a échappé à la nationalisation. L'exception, d'ailleurs, avait échappé à l'attention de la majorité des Québécois.
130 000 emplois
Malgré la robotisation et les effets pervers de la mondialisation, les industries de la forêt et de l'aluminium génèrent pas moins de 130 000 emplois essentiellement dans les régions du Québec. Un mouvement tenace émanant de la métropole voudrait revenir à l'époque d'avant Taschereau et Duplessis en incitant le gouvernement à privatiser Hydro-Québec.
L'Institut économique de Montréal, qui manifeste une méconnaissance dangereuse des régions-ressources, vient d'offrir sa tribune à Claude Garcia, ancien président de la Standard Life, un adepte de cette thèse. Les médias nationaux approuvent parce qu'ils y voient la solution aux graves problèmes économiques de la métropole. La société d'État pourrait ainsi tripler les redevances versées au trésor public.
Ce monsieur Garcia et tous les autres révisionnistes des acquis de la Révolution tranquille flairent le trésor de nos ressources naturelles sans se soucier du péril qui menace les populations établies hors Québec et Montréal. Il faut en prévenir nos leaders.
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