On apprenait il y a quelques jours dans Le Devoir que les milieux anglophones s’étaient vigoureusement opposés à la réforme des programmes d’histoire engagée il y a quelques années. Pour quelle raison ? Essentiellement, parce que cette histoire serait trop « nationale ». Elle serait trop centrée sur la majorité historique francophone.
Anglophones
Le lobby anglophone, sans surprise, voulait réécrire l’histoire dans une perspective multiculturaliste. C’est à cette condition seulement qu’elle deviendrait inclusive.
Par exemple, il faudrait cesser de présenter la Conquête anglaise comme un événement central et traumatique, mais plutôt la dissoudre dans une pluralité d’interprétations la relativisant. Un peu comme si l’histoire pouvait se réduire à une série de discours désincarnés ne touchant pas intimement l’existence des peuples.
Faut-il vraiment s’en étonner ? Certains feront semblant que oui. Ils veulent nous faire croire à la bonne entente naturelle entre la majorité francophone et la minorité anglophone, comme s’il n’y avait pas de rapports de pouvoir entre les communautés. Mais la réalité reprend ses droits, et les tensions qu’on veut rendre invisibles finissent toujours par resurgir.
Ce dont il est question ici, c’est du rôle de la majorité historique francophone dans la définition du Québec. Est-ce qu’elle représente le pôle identitaire fondateur du Québec ? Est-ce qu’elle constitue sa culture de référence et de convergence ? Elle ne le sera qu’en décidant de s’assumer dans ce rôle, sans honte.
Soyons honnêtes. On aura beau tricoter le récit historique le plus inclusif qui soit, on ne peut pas s’identifier à la fois aux gagnants et aux perdants de la bataille des plaines d’Abraham.
On ne peut pas se voir à la fois dans le rôle des travailleurs canadiens-français dominés et dans celui des patrons anglais du Golden Square Mile qui les dominaient.
On ne peut pas être du côté de ceux qui virent dans la loi 101 un formidable élan de reconquête et ceux qui y virent la fin de leurs privilèges, au point où ils furent nombreux à s’exiler vers l’Ontario tellement ils ne pouvaient tolérer l’idée de vivre dans une société de langue et de culture françaises.
C’est le retour aux évidences. Sur le plan identitaire, la minorité historique anglophone se sent appartenir au Canada anglais et non pas au Québec français.
Majorité
On ne saurait le lui reprocher. Nous devons respecter les droits de la minorité anglaise, et nous le faisons admirablement. Mais renoncer à notre propre histoire pour se dissoudre dans la sienne ne relève pas de ces droits. En fait, ce serait un suicide culturel collectif.
Un peuple qui devient étranger à son histoire et qui n’est plus capable de l’aborder à partir de sa propre expérience devient étranger à son identité. Il programme sa disparition.
Les Québécois ne devraient pas hésiter à assumer leur histoire, à la transmettre, et en faire un ciment identitaire fédérateur, en poussant les nouveaux arrivants à se l’approprier. Trop souvent, pour l’instant, ils adoptent une perspective canadienne-anglaise plutôt que québécoise. La bonne intégration, quoi qu’on en pense, passe aussi par la mémoire.