Brian Mulroney, premier ministre du Canada de 1984 à 1993, conseille aujourd’hui le gouvernement Trudeau sur les relations canado-américaines. M. Mulroney, à l’instar des Lucien Bouchard et Pierre-Marc Johnson, fait partie de cette engeance d’anciens politiciens déchus, repêchés par les grands cabinets d’avocats, qui profitent allègrement des succulentes opportunités en contrats qu’offrent les gouvernements. Le réseautage est si précieux quand on fait partie de l’oligarchie.
Cette semaine, le père du libre-échange entre le Canada et les États-Unis a déclaré que le moment était venu d’abolir la gestion de l’offre pour le lait, les œufs et la volaille. Ce n’était pas la première fois qu’il y allait d’une telle prescription, mais, cette fois, ses paroles ont su attirer l’attention au Québec.
Les membres du gouvernement du Québec ont joué aux vierges offensées, nous faisant croire qu’ils allaient se battre corps et âmes pour défendre le système. S’ils étaient minimalement sérieux, le ministre de l’Agriculture n’aurait pas annoncé son départ de la politique le jour même où Donald Trump, en plein sommet du G7 à La Malbaie, a lancé la plus grande offensive verbale contre la gestion de l’offre que nous ayons jamais vu de la part d’un président américain.
Le gouvernement de Philippe Couillard a aussi rejeté, en juin 2017, une proposition du Parti québécois pour que la ratification de l’Accord économique et commercial global (entre le Canada et l’Union européenne) soit reportée de six mois afin que le Québec négocie avec Ottawa pour obtenir des compensations à l’endroit des agriculteurs floués par le traité. Les libéraux voulaient une ratification immédiate, et ainsi signer un chèque en blanc à Ottawa. À l’automne de cette même année, nous avons appris que la banque destinée aux compensations pour les producteurs québécois était vide, après seulement... sept jours. La posture du cocu content n’a, encore une fois, pas été payante.
Ça fait longtemps que la gestion de l’offre, aussi fondamentale soit-elle, obsède les fanatiques du marché, qui l’ont dans leur ligne de mire. Les libéraux, à Québec et à Ottawa, savent probablement qu’elle est appelée à être passée à la déchiqueteuse.
Un conseiller gouvernemental, ce qu’est Brian Mulroney, s’il a à aller sur des tribunes publiques, ne colporte généralement pas de positions qui ne soient pas celles du gouvernement. Dans le cas présent, si la clique de Justin Trudeau appuie ouvertement la gestion de l'offre, il semble clair que la sortie de M. Mulroney est un test, une manière d’évaluer la réaction population et de préparer les esprits à ce qui s’en vient. M. Mulroney n'est ici que le messager.
La gestion de l’offre se voulait une manière d’exempter les produits agroalimentaires des règles du commerce agressif, une façon de rassurer certains segments de la population en promettant qu’un secteur aussi fondamental ne sera pas traité comme s’il s’agissait d’une usine d’automobiles.
Or, le libre-échange s’inscrit dans une dynamique d’expansion perpétuelle. On cherche en permanence à l’amplifier, à l’étendre, à le radicaliser. Toutes les exceptions, exemptions et protections sont appelées, un jour ou l’autre, à sauter. C’est inévitable dans l’empire du libre-échange illimité. Regardez l’agriculture : il y avait exception, il n’y en a plus.
La classe politique affiche une foi religieuse (et même sectaire) à l'endroit du libre-échange, à un niveau presque indécent dans une démocratie, et fera toujours tout pour le renforcer à l’encontre du gros bon sens le plus élémentaire.