Ce n'est pas tous les jours qu'on voit un député contredire publiquement son chef, qui est de surcroît premier ministre.
C'est pourtant ce que le député de Chomedey, Thomas Mulcair, ne s'est pas gêné de faire, dans le dossier de la privatisation partielle du parc du Mont-Orford, au cours d'une série d'entrevues au cours des derniers jours.
Cette fronde contre le premier ministre Jean Charest jette le caucus des députés libéraux dans l'embarras, mais pas encore cependant au point de menacer M. Mulcair d'expulsion.
Vendredi, les députés cherchaient à minimiser les faits et à attribuer les propos incendiaires de M. Mulcair à son amertume d'avoir quitté le conseil des ministres et à son caractère bouillant.
«M. Mulcair n'a peut-être pas été dans son état normal et a fait des déclarations qu'il peut regretter éventuellement», a déclaré le président du caucus libéral, David Whissel, lors d'un entretien téléphonique à La Presse Canadienne.
«On va laisser Tom reprendre le contrôle de ses esprits», a-t-il ajouté, en qualifiant son collègue de «bouillant, explosif et impulsif».
M. Mulcair soutient qu'il n'a jamais approuvé la vente partielle du parc du Mont-Orford, alors que le premier ministre Charest soutient que la décision annoncée récemment par son successeur au Développement durable, Claude Béchard, est en tous points semblable à ce que le député de Chomedey avait proposé.
Qui dit vrai ?
«Entre les deux, je crois plus au premier ministre. Je sais pertinemment que la proposition qui est sur la table, c'est lui qui l'a amenée comme elle est là», assure M. Whissell, qui assiste au conseil des ministres et qui estime que son collègue «joue avec les mots». «Il n'y a pas d'ambiguïté dans mon esprit.»
Le whip du gouvernement, Norman MacMillan, donne lui aussi la même version des faits que le premier ministre Charest.
Quant à savoir si ses propos méritent une sanction, voire l'expulsion du caucus, M. Whissel ne voit venir «rien pour l'instant. On n'est pas rendu là.»
«On va laisser le côté bouillant de Tom se refroidir, et on verra», a-t-il ajouté.
Le whip du gouvernement a renchéri. «On n'est pas rendu au point de dire : on va mettre quelqu'un à la porte», a indiqué M. MacMillan, lors d'un entretien téléphonique.
Ce dernier reproche à l'ex-ministre du Développement durable de laver son linge sale sur la place publique, au lieu de faire part de ses critiques au cours des réunions hebdomadaires du caucus.
«Ce n'est pas acceptable, dans le sens qu'on a un caucus, alors ces choses-là devraient être discutées au caucus. C'est clair», a-t-il tranché.
Sauf que M. Mulcair n'a pas mis les pieds aux réunions du caucus libéral, depuis la fin février, quand il a refusé l'offre du premier ministre de laisser le Développement durable pour les Services gouvernementaux. M. Mulcair a préféré redevenir simple député.
Quant à lui, le député de Brome-Missisquoi, Pierre Paradis, ne voit pas pourquoi M. Mulcair devrait être chassé du caucus, n'ayant à ses yeux transgressé aucune règle.
Cela est d'autant plus vrai, à ses yeux, du fait que le dossier du Mont Orford n'a jamais été discuté lors des réunions du caucus.
Le premier ministre Charest, de même que le ministre du Développement durable, Claude Béchard, se sont refusés à tout commentaire vendredi.
Lors d'un point de presse sur un autre sujet, le ministre de la Santé, Philippe Couillard, s'est lui aussi abstenu de commenter les sorties publiques de son collègue.
«Il y a un respect qu'il doit y avoir», quant au code de confidentialité que doivent suivre les ministres, a fait valoir de son côté le député de Vimont, Vincent Auclair, qui reproche aussi au député de Chomedey ses sorties sur la place publique.
La députée de Chambly, Diane Legault, estime que M. Mulcair est «intense» et devra vivre avec les conséquences de ses déclarations. «Il va certainement mûrir dans les prochains jours», selon elle.
Le principal intéressé, le député de Chomedey, n'a pas donné suite à une demande d'entrevue.
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