Les films bien faits réservent des surprises. Au dénouement final, lorsque le suspense tombe, le spectateur découvre qui sont les gagnants et les perdants de l’histoire. La dissidence de Pierre Moreau dans la saga Ouellette/UPAC s’inspire probablement de sa conviction que ce scénario pourrait finir autrement que ce que la majorité des parlementaires semblent imaginer aujourd’hui.
Officiellement, c’est l’avocat Moreau qui aurait été dérangé par certains écarts du président de l’Assemblée nationale du point de vue strict du droit. Cela est sûrement vrai. Mais j’ai également l’impression que le politicien habile et instinctif a senti l’occasion de se positionner pour renforcer sa crédibilité lors du dénouement de cette affaire.
Pierre Moreau s’est choqué lorsque notre chef du Bureau d’enquête parlementaire Antoine Robitaille a utilisé le mot dauphin, sous-entendant qu’il se positionnait pour remplacer Philippe Couillard. C’est clair qu’il ne prépare pas un putsch. C’est aussi clair que sa dissidence de mercredi n’était pas planifiée. La motion sur laquelle il a voté seul, à l’encontre du premier ministre et de tous les autres députés, émanait du PQ. Il ne pouvait pas planifier le coup.
Fidèle à son idée
Néanmoins, lorsque cette motion d’appui au discours historique du président fut soumise au vote, il a suivi ses instincts et fait à sa tête. Il ne s’est pas levé comme les autres. Un fait très rare pour un ministre généralement soumis à la ligne de parti.
Faisant cela, monsieur Moreau a accompli trois choses. Premièrement, il a rappelé à quel point l’autorité de Philippe Couillard n’est pas forte sur son équipe.
Deuxièmement, il s’est positionné comme un sage qui se retient de rejoindre un élan d’enthousiasme des parlementaires alors que des notions de droit plus complexe sont en jeu.
Troisièmement, il s’est assuré d’être protégé, hors du lot, si des accusations tombent contre Guy Ouellette et que beaucoup de gens perdent la face à l’Assemblée nationale. Dans un tel cas, on dira que Pierre Moreau avait fait preuve d’une grande sagesse. Si c’était ça, la fin du film ?
Posture forte
Se positionner de la sorte en dehors de la meute, penser à son positionnement dans l’avenir, Pierre Moreau pense comme un chef en devenir. Peut-être même inconsciemment. Malgré la grogne temporaire que sa sortie va générer dans le caucus, il s’est donné une dimension plus grande et a démontré une hauteur de vue que tous ont remarquée.
Il y a un prix. Dans un caucus secoué, les joueurs ont besoin de discours de motivation du genre « la dureté du mental » dans Les Boys. Moreau n’a pas offert ce côté rassembleur et solidaire de l’équipe. Par contre, dans un navire perdu en haute mer, il vient un moment où l’on cherche un capitaine dont la posture lui permet de voir un peu plus loin devant, afin de ramener tout le monde à bon port.
Même si ça l’indispose, Pierre Moreau ne pourra pas empêcher les libéraux et les autres de voir en son geste un positionnement de potentiel chef. Surtout que, comme par hasard, ces événements surviennent dans la semaine suivant un sondage horrible.