La semaine dernière, les libéraux avaient fait adopter à l’Assemblée nationale leur projet de loi 62 sur la neutralité religieuse. L’adoption n’avait pas été un grand moment, le gouvernement n’ayant pas réussi à rallier un seul des partis d’opposition. Malgré tout, le sentiment général chez les libéraux était : une bonne chose de réglée.
Philippe Couillard espérait sincèrement que cette question qui lui donne de l’urticaire soit mise derrière lui, permettant à son équipe de repartir sur d’autres thèmes. Nous savons maintenant que rien n’était réglé. Le gouvernement libéral est demeuré embourbé dans les suites de cette loi toute la semaine.
D’abord, le week-end dernier a permis de mesurer toute l’opposition générée par cette image d’une femme portant un voile intégral pouvant être éjectée d’un autobus. Les réactions ont été virulentes au Canada anglais. Dans le Montréal non francophone habituellement favorable au PLQ, des critiques acerbes se sont aussi fait entendre.
Alliés outrés
Des alliés naturels de monsieur Couillard aux autres paliers de gouvernement, des libéraux comme Justin Trudeau et Denis Coderre, ont aussi conspué la nouvelle loi. En contrepartie, pas une seule voix ne s’est levée pour soutenir le gouvernement.
Entre le jour de l’adoption de la loi la semaine dernière et les explications sur son application cette semaine, la version du gouvernement a dramatiquement changé. Sur un cas aussi précis que la passagère d’autobus, nous sommes passés de l’obligation du visage découvert pendant tout le trajet au devoir de lever son voile cinq secondes pour ceux qui ont une carte rabais.
La ministre s’est excusée pour une mauvaise interprétation, belle humilité. En réalité, il s’agit bien plus que d’un écart d’interprétation. C’est un changement d’idée radical qui affecte complètement la compréhension de la loi.
Gênant
Pour compléter la parodie, la ministre de l’Enseignement supérieur est venue contredire sa collègue de la Justice concernant le port du voile dans les salles de cours des universités. Un double vaudeville. Vaudeville numéro 1 : deux collègues qui se contredisent de façon gênante dans la même journée. Vaudeville numéro 2 : le descriptif du vécu dans une université d’une étudiante qui enlèverait et remettrait son voile selon les circonstances.
Derrière toutes ces tristes péripéties se cache à mon avis une donnée fondamentale : le gouvernement libéral n’a pas présenté ce projet de loi en phase avec ses convictions. Il n’y croit pas vraiment lui-même.
Il y a 10 ans, le même parti avait commandé le rapport Bouchard-Taylor. Celui-ci préconisait l’interdiction des signes religieux pour les représentants de l’État en position d’autorité. Les libéraux n’ont pas voulu faire cela. Depuis ce jour, ils essayent de faire semblant de faire quelque chose sans faire la vraie chose.
Le premier qui n’a jamais donné l’impression de croire à sa propre législation, c’est Philippe Couillard lui-même. On sent qu’il a été poussé là à reculons...
La pauvre Stéphanie Vallée paye le prix d’un gâchis prévisible. Les partis politiques réussissent rarement de grands coups lorsqu’ils agissent sans convictions.