COLLISION FERROVIAIRE DANS SAINT-HENRI

Mise en garde contre les grands convois pétroliers

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Les bombes roulantes circulent dans votre quartier

Passée pratiquement inaperçue l’an dernier, une collision entre deux trains dans le quartier Saint-Henri n’en ravive pas moins les craintes sur la sécurité de ce mode de transport. C’est en effet dans ce secteur résidentiel, l’un des corridors ferroviaires les plus achalandés au Canada, que passent de plus en plus de convois pétroliers. Selon ce qu’a constaté Le Devoir, c’est aussi là que transiteront les wagons chargés de brut des sables bitumineux en direction de Belledune, dès 2017.

Il était à peine passé minuit, le 23 février 2014, lorsqu’un train de triage a heurté directement un train de marchandises qui circulait sur une voie principale du CN, dans le sud-ouest de Montréal. Les conducteurs du convoi de 25 wagons, qui circulait à une vitesse inférieure à 30 kilomètres-heure, n’ont pas vu à temps le signal qui leur ordonnait pourtant de s’arrêter pour céder le passage à un train porte-conteneurs.

Les dommages aux deux convois ont été importants, selon ce qu’on peut lire dans le rapport du Bureau de la sécurité des transports (BST), publié en août 2015. La locomotive de tête du train fautif a été déclarée « irréparable » par le CN, qui l’a démantelée sur place. Son réservoir de carburant, perforé, a laissé fuir « environ 4000 litres de diesel ». Il a d’ailleurs fallu plus de deux mois pour réaliser le nettoyage. Quant au train percuté de côté, « il a subi des dommages sur une longueur de 475 pieds », note le BST. Quelques conteneurs ont aussi été « défoncés » sous la force de l’impact.

Soulignant que tous les signaux fonctionnaient normalement, le rapport du BST conclut que plusieurs éléments ont pu contribuer à cet accident. Il souligne notamment que les chefs du train de triage ont mal priorisé les tâches à effectuer pour s’assurer de la sécurité des opérations, et ainsi éviter la collision.

Le BST remet aussi en question l’utilisation du système de « loco-commande », qui permet de contrôler à distance une locomotive. Même si ce système a déjà fait l’objet d’un rapport critique en 2006 aux États-Unis, « les recommandations de cette étude n’ont pas été suivies ». Le CN a certes effectué « plusieurs évaluations des risques » liés à cette technologie depuis 2001. Mais au moment de l’accident, aucune analyse de ce type n’avait encore été menée pour la subdivision de Montréal, et ce, « même si l’exploitation des trains sur cette subdivision présente des conditions uniques ».

Le BST souligne pourtant clairement que ce secteur « est l’un des corridors les plus achalandés au Canada, comprenant des voies multiples où circulent une cinquantaine de trains par jour, dont des trains de voyageurs à grande vitesse ». Qui plus est, le quartier Saint-Henri « compte surtout des édifices résidentiels qui, à certains endroits, se trouvent à la limite de l’emprise du chemin de fer ». Le déraillement s’est d’ailleurs produit dans un couloir bordé de rues résidentielles.

Appelé à réagir au rapport du BST sur l’incident survenu sur ses voies, le CN a renvoyé Le Devoir au rapport en question. « Comme l’indique le rapport, à la suite de l’incident, le CN a revu les éléments pertinents du Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada avec tous les employés concernés sur l’ensemble du territoire », a précisé son porte-parole, Pierre-Yves Boivin.

Place au pétrole

Pour le candidat du Parti vert Daniel Green, cet accident sonne toutefois comme une sérieuse mise en garde. « Le train automatique a percuté un train de grains. Je ne veux même pas imaginer la tragédie si le train avait été un des nombreux trains de pétrole qui passent ici. On voit régulièrement des trains blocs pétroliers circuler sur ces voies, en moyenne un par jour. »

En fait, cette voie du CN empruntée par des convois de pétrole brut de l’Ouest permet de traverser une bonne partie de l’île de Montréal en arrivant, par l’ouest, du secteur de Vaudreuil-Dorion. Et tout le long du tracé, la voie ferrée longe des zones résidentielles, que ce soit à l’île Perrot, le long de l’autoroute 20, à Beaconsfield, à Dorval et à Montréal-Ouest. Elle passe aussi à un peu plus de 50 mètres du Beaconsfield High School et à quelques centaines de mètres de l’aérogare de l’aéroport Pierre-Elliott-Trudeau.

C’est sur cette voie que passent les trains transportant du brut des sables bitumineux à destination du quai de Kildair, à Sorel-Tracy. C’est aussi sur cette voie que devraient circuler, dès 2017, les convois de pétrole qui se rendront à Belledune, au Nouveau-Brunswick. Deux convois feront le voyage chaque jour, pour un total d’environ 220 wagons. C’est trois fois le nombre de wagons que comptait le convoi qui a provoqué une tragédie humaine, environnementale et économique il y a deux ans à Lac-Mégantic.

Un wagon-citerne ayant une capacité habituelle d’un peu moins de 720 barils, chaque convoi transportera près de 80 000 barils. Au total, les livraisons quotidiennes atteindront près de 160 000 barils. Cela signifie près de 58 millions de barils par année.

Pour Projet Montréal, la situation apparaît pour le moins inquiétante. La formation politique municipale souhaite donc que l’information concernant la nature des convois et le moment de leur passage soit connue en temps réel, ce qui n’est pas le cas actuellement. On redoute aussi les impacts d’un incident qui surviendrait avec les wagons DOT-111, toujours en circulation plus de deux ans après la tragédie de Lac-Mégantic.

Par ailleurs, le projet de Belledune suscite lui-même de vives inquiétudes dans plusieurs municipalités du Québec, de Montréal à la Gaspésie. Malgré cela, le gouvernement Couillard ne prévoit pas de mener de consultations ou d’audiences publiques spécifiques au projet avant le passage des convois. Toute la question du transport du pétrole au Québec doit être traitée dans le cadre de l’évaluation environnementale stratégique portant sur les hydrocarbures.


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