par Shields, Alexandre
Les affirmations de la gouverneure générale du Canada, Michaëlle Jean, sur le fait que les Québécois sont «déconnectés» du reste du Canada et s'intéressent plus au reste du monde qu'à leur propre pays, ont fait bondir les partisans de la souveraineté au cours de la fin de semaine. Selon eux, même si la représentante canadienne de la reine d'Angleterre s'est donné pour mission de «briser les solitudes», elle ne fait que les entretenir en tenant de tels propos.
Mme Jean a néanmoins renchéri sur ses déclarations hier. Elle a ainsi déploré que les Canadiens entretiennent bien souvent des «a priori» les uns envers les autres, alors que «nous avons le défi de vaincre cet espace immense qui nous sépare». «C'est une réalité qui est brutale, on a un individualisme qui est galopant dans le monde. Nous avons intérêt vraiment à apprendre à travailler ensemble et à être ensemble, et surtout à dialoguer», a-t-elle déclaré depuis la Citadelle de Québec.
Selon elle, «l'état d'urgence dans le monde aujourd'hui, c'est d'amener les gens à sentir leur capacité de faire, et de faire ensemble. Parce que dans l'isolement, dans l'atomisation, on est fichus». Mme Jean s'est en outre dite attristée que les citoyens du pays aient «peu la possibilité de faire connaissance» et ainsi de «savoir ce que nous avons en commun».
La gouverneure générale a cependant nuancé quelque peu ses propos de la veille sur le fait que les Québécois ont tourné le dos au reste du Canada. «Je trouve que les Canadiens qui vivent au Québec sont souvent très déconnectés du reste du Canada», avait-elle alors expliqué dans une entrevue à la Presse canadienne. Hier, elle a cru bon d'ajouter que «les gens de la Colombie-Britannique auraient intérêt à mieux connaître ce qui se passe à Terre-Neuve-et-Labrador. Dans la même mesure que les gens du Manitoba auraient intérêt à mieux connaître tout ce qui se passe au Québec. C'est une situation qui est globale.»
Dans ses déclarations publiées samedi, Mme Jean faisait en outre valoir qu'elle avait rencontré «de nombreux Québécois qui, très souvent, vont se tourner vers l'Europe, vers ailleurs dans le monde, mais qui ne réalisent pas tous les efforts de solidarité possibles et nécessaires qui sont là et qu'il nous faut partager au sein même de ce pays réel dans lequel nous vivons».
Souverainistes mécontents
Ce vibrant plaidoyer fédéraliste a évidemment fait bondir les souverainistes. Réagissant aux propos de Michaëlle Jean, le chef péquiste, André Boisclair, mais aussi celui du Bloc québécois, Gilles Duceppe, l'ont tous deux invitée à faire le saut en politique active si elle souhaite poursuivre dans cette voie. «Si elle veut engager un débat public, qu'elle embarque dans l'arène [politique], qu'elle se fasse élire, et les Québécois trancheront», a lancé M. Boisclair. «En attendant, elle ne siège pas à l'Assemblée nationale et on ne peut pas lui poser des questions», a noté M. Boisclair, soulignant que la représentante de la reine a donc «un devoir de grande réserve».
Selon lui, «au lieu de briser les solitudes» entre le Québec et le Canada anglais, «elle les entretient». Le leader des troupes souverainistes a aussi envoyé un avertissement à Michaëlle Jean en affirmant que si cette dernière souhaitait se bâtir une «carrière politique sur le dos des Québécois, elle nous trouvera sur son chemin».
Pour M. Duceppe, les déclarations de la gouverneure générale n'ont aucune utilité. Samedi, il a ainsi déclaré qu'en effet les Québécois sont différents, «pas meilleurs ni pires». Le chef bloquiste a estimé que les Canadiens et les Québécois forment deux nations qui ont des valeurs différentes, mais ont aussi des valeurs en commun, comme la démocratie et la justice. Il a dit sentir des reproches dans les propos de Mme Jean lorsqu'elle affirme que les Québécois doivent passer par le Canada pour participer à la mondialisation. Gilles Duceppe a souligné que les Québécois sont capables de «participer au monde par eux-mêmes» et qu'ils l'ont prouvé, notamment, dans le domaine culturel.
Autres réactions
Le ministre québécois des Relations intergouvernementales, Benoît Pelletier, a pour sa part nuancé les propos de la gouverneure générale, même s'il reconnaît le «but noble» poursuivi par Mme Jean. S'il a admis la nécessité pour les Québécois de «montrer de l'ouverture [envers le reste du pays], l'inverse aussi est nécessaire». M. Pelletier a notamment souligné que le Canada anglais devait prendre acte de la «spécificité québécoise», le «seul État francophone en Amérique du Nord». Selon lui, cet aspect constitue une «une grande richesse pour l'ensemble du pays». Le gouvernement du Canada n'a pas réagi aux propos de Mme Jean hier publiés samedi.
Le professeur de droit constitutionnel de l'Université Laval, Henri Brun, a pour sa part qualifié hier d'«incorrecte» l'implication de la gouverneure générale du Canada sur la question des relations Québec-Canada et de la présence militaire canadienne en Afghanistan. Pour M. Brun, cette «incursion politique est difficilement conciliable avec la fonction» de représentante de la reine. Henri Brun estime que ce comportement ne cadre pas avec la Constitution canadienne puisque la monarchie au pays n'a aucun pouvoir politique.
Avec la Presse canadienne
Michaëlle Jean fait bondir les leaders souverainistes
La gouverneure générale soulève une polémique en déplorant le manque d'intérêt des Québécois pour le reste du Canada
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