Menace de plainte contre deux juges de la Cour suprême

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« L'annulation de l'événement démontre bien qu'une faute avait été commise par les juges Russel Brown et Rosalie Abella. »

L’auteur est historien


Le 6 février, le juge de la Cour suprême Russel Brown doit présenter une conférence à l’association de juristes Lord Reading. Il sera présenté par sa collègue Rosalie Abella.  Cet événement est payant et permet à Lord Reading de se financer. Le prix d’entrée varie de 0$ pour les stagiaires jusqu’à 125$ pour les membres.


Le dîner avec les deux juges est sponsorisé par la firme d’avocats IMK. Cette firme représente le Conseil national des Canadiens musulmans (CNMC) et l’Association canadienne des libertés civiles (ACLC), qui contestent la loi 21 en Cour supérieure et qui, en attendant le résultat de cette procédure, demandent à être entendus par la Cour suprême pour que la loi soit suspendue.


Lord Reading agit en ce moment comme un lobby anti loi 21. Elle a dénoncé le projet de loi dans un mémoire déposé en commission parlementaire en 2019. Elle est intervenante dans la contestation de la loi 21 en Cour supérieure du Québec.


La Cour suprême doit décider bientôt si elle entendra ou pas en appel les opposants à la loi 21 qui demandent sa suspension. Ceux-ci ont été déboutés en Cour d’appel du Québec et espèrent que la Cour suprême renverse le jugement de la Cour d’appel. Ce processus est actuellement en cours, le plus haut tribunal écoute les arguments des partis pour décider s’il se saisit de la cause ou si le jugement de la Cour d’appel sera final.


Comment deux juges de la Cour suprême peuvent, dans un tel contexte, aider au financement de Lord Reading et prétendre être neutres et impartiaux dans les décisions qu’ils auront à prendre?


 Le Mouvement laïque québécois est aussi intervenant en Cour supérieure pour défendre la loi 21. Viendrait-il un seul instant à l’esprit des juges Russel et Abella d’accepter de donner une conférence organisée par le Mouvement laïque dans le but de l’aider à se financer? Comme dit l’adage, poser la question c’est y répondre.


Je demande donc aux deux juges de la Cour suprême d’annuler leur participation à l’événement du 6 février. S’ils ne le font pas, je porterai plainte au Conseil de la magistrature pour dénoncer leur implication dans un organisme partisan, ce qui est incompatible avec leur devoir de réserve et d’impartialité qu’exigent les fonctions qu’ils occupent.


Par ailleurs, le juge de la Cour suprême Nicholas Kasirer était toujours, aux dernières nouvelles, un membre de Lord Reading. Il doit clarifier son statut par rapport à cette organisation. Est-il toujours membre? S’il ne l’est plus, depuis combien de temps?



Chers amis, je suis heureux de vous annoncer que ma menace de plainte a porté fruit. L'événement à la Lord Reading a été annulé, les deux juges n'y vont pas. L'annulation de l'événement démontre bien qu'une faute avait été commise par les juges Russel Brown et Rosalie Abella.


Je demeure toutefois estomaqué que deux juges aient accepté d'y aller alors qu'il est de notoriété publique que Lord Reading est un lobby anti loi 21, intervenant contre cette loi en Cour supérieure et levant des fonds grâce à la venue des deux suprêmes. De plus, la firme d'avocats IMK, commanditaire de l'événement annulé, demande à la Cour suprême d'être entendue pour faire suspendre la loi.


Comment une telle erreur est possible? Soit ils n'ont aucun jugement soit ils se croient tellement dans leur bon droit, celui de la charte, celui du multiculturalisme canadien, qu'il ne leur est même pas venu à l'esprit que leur participation posait problème. Je privilégie cette deuxième hypothèse.


Une question demeure sans réponse toutefois, le juge Nicholas Kasirer était, aux dernières nouvelles, toujours membre de l'association Lord Reading. La Cour suprême doit clarifier cette situation. Est-il encore membre ou pas?


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Frédéric Bastien167 articles

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Titulaire d'un doctorat en relations internationales de l'Institut universitaire des hautes études internationales de Genève, Frédéric Bastien se spécialise dans l'histoire et la politique internationale. Chargé de cours au département d'histoire de l'Université du Québec à Montréal, il est l'auteur de Relations particulières, la France face au Québec après de Gaulle et collabore avec plusieurs médias tels que l'Agence France Presse, L'actualité, Le Devoir et La Presse à titre de journaliste. Depuis 2004, il poursuit aussi des recherches sur le développement des relations internationales de la Ville de Montréal en plus d'être chercheur affilié à la Chaire Hector-Fabre en histoire du Québec.