En voyant Jean Charest, visiblement combatif en cette fin d'été, multiplier les annonces et voyager dans tout le Québec pour vanter son bilan, la question ces temps-ci dans les communautés politique et journalistique est: aura-t-on des élections précipitées cet automne?
Les deux élections partielles d'hier soir, dans Pointe-aux-Trembles et Taillon, auraient pu fournir un début de réponse aux journalistes et, surtout, quelques signaux au premier ministre.
Premier constat: le résultat décevant dans Taillon devrait refroidir l'ardeur des députés et militants libéraux, qui voulaient prendre André Boisclair de court en déclenchant des élections dans les prochaines semaines.
Mais, comme c'est souvent le cas avec les élections partielles, la première leçon à tirer de cette soirée est, justement, de ne pas trop tirer de conclusions.
La seule chose dont Jean Charest puisse être certain ce matin (excusez l'évidence), c'est qu'il aura maintenant André Boisclair en face de lui à l'Assemblée nationale.
Sans surprise, André Boisclair a remporté le siège laissé par Nicole Léger dans une élection partielle qui aura surtout démontré la faiblesse de Québec solidaire, pitoyable troisième derrière les Verts.
Il n'y a pas eu de "boisclairmanie" dans Pointe-aux-Trembles mais, à la décharge du chef péquiste, il n'y a jamais de manie, quelle qu'elle soit, dans les partielles. Parfois des surprises, comme en avril 2001 quand les libéraux ont pris la mythique Mercier ou, plus récemment en septembre 2004, quand Elsie Lefebvre avait remporté la très libérale Laurier-Dorion. Mais des grands mouvements de l'électorat, non.
Le taux de participation dans PAT a été très faible - encore là, pas de surprise - mais il serait malhonnête de dire que c'est parce que les électeurs ont tourné le dos à André Boisclair. D'abord, une partielle en août, avec une campagne pendant les vacances estivales, c'est étirer dangereusement l'enthousiasme des électeurs. Et puis, comme les péquistes étaient certains de gagner la circonscription, il est évident que bon nombre d'entre eux ne se sont pas donné la peine de se déplacer.
Pour le reste, que nous a appris la bataille de Taillon?
D'abord que les libéraux, malgré un été plus paisible que ne l'a été la fin de session à Québec, ne remontent toujours pas au sein de l'électorat francophone. Bien sûr, Taillon n'est qu'une éprouvette dans le grand laboratoire politique québécois, mais le résultat est néanmoins clair: cette circonscription composée à plus de 90% de francophones n'a donné que 31% de ses voix aux libéraux. Ce qui fait mal, c'est que c'est 3% de moins de votes que lors des élections de 2003, contre Pauline Marois.
Mais ce qui fait doublement mal, c'est que les libéraux ont mis la gomme pour aider leur jeune candidate Véronique Mercier, envoyant sur le terrain les Philippe Couillard, Monique Jérôme-Forget, Raymond Bachand, Jean-Marc Fournier et autres membres du Conseil des ministres. Même Jean Charest a passé quelques heures dans Taillon ce samedi. Rien n'y a fait: les libéraux n'ont pas réussi à faire lever la pâte.
Une victoire dans Taillon, bien improbable il est vrai, ou juste un bon score, aurait permis aux libéraux de conclure avec enthousiasme à une embellie. Mieux encore, ils auraient pu se servir de cette performance pour assombrir celle d'André Boisclair et faire un peu oublier leurs problèmes, comme Orford. Mais il ne fallait tout de même pas rêver: prendre le comté de René Lévesque quand on stagne sous les 40% de taux de satisfaction, ç'eût été un miracle.
Le plus ironique, c'est que les libéraux ont fait campagne dans Taillon sur le goût du changement des électeurs de Taillon, représentés par le PQ depuis plus de 30 ans. Il ne faudrait pas que Jean Charest se trompe de slogan lors des générales...
Cela dit, une partielle ne donne, faut-il le rappeler, que des conclusions... partielles. Les libéraux rêvaient de Taillon mais ils pourront dire, comme ils ont commencé à le faire hier soir, que cette circonscription était imprenable de toute façon. L'élection partielle d'hier était un peu comme un "gratteux" gratuit pour les libéraux: s'ils gagnaient le gros lot, ou même un lot secondaire, c'était tout bénéfice. Ils ont plutôt trouvé le traditionnel "meilleure chance la prochaine fois". C'est donc dire que depuis qu'il est pouvoir, en avril 2003, Jean Charest n'a gagné que deux partielles sur neuf et ce, dans deux forteresses (Outremont et Nelligan).
Parlant de chance, celle de l'ADQ ne semble toujours pas vouloir lui sourire de nouveau. Le résultat d'hier soir dans Taillon est mieux que ceux enregistrés dans les dernières partielles, mais le parti de Mario Dumont stagne toujours sous les 15%.
Quant à Québec solidaire, c'est l'effondrement d'un phénomène qui semble avoir plus d'ampleur dans les médias que dans l'électorat. Finir troisième dans PAT derrière les Verts, quand on rêve de faire perdre des plumes au PQ, ce n'est pas très convaincant.
Pour joindre notre chroniqueur: vincent.marissal@lapresse.ca
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