Les médias sociaux constituent une machine à rumeurs souvent incontrôlable, mais leur impact sur l’accès à une information instantanée et variée est susceptible d’améliorer la liberté de la presse s’ils sont utilisés adéquatement.
Voilà ce qu’a convenu la majorité des panélistes réunis jeudi soir au Coeur des sciences de l’UQAM lors d’un débat organisé à l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse avec la collaboration de l’Association des Amis du Devoir.
Accès à l’information
Entre la vision pessimiste de la « cyberapocalypse » et celle, plus optimiste, du « nirvanet », comment les médias sociaux influencent-ils la pratique journalistique actuelle et la liberté de la presse de manière générale, s’est demandé d’entrée de jeu l’animateur du débat de la soirée, l’éditorialiste du Devoir Antoine Robitaille.
Pour le directeur général de Vélo Québec Éditions, Pierre Sormany, les réseaux sociaux sont bien sûr synonymes de rapidité, mais il ne croit pas qu’ils représentent avant tout une économie de temps. « C’est une question d’accès à l’information plus qu’une question de temps. Ce que les nouveaux médias ont permis, c’est d’avoir accès à l’information à laquelle on n’avait pas accès auparavant », a-t-il lancé, s’appuyant notamment sur les exemples émanant du printemps arabe.
« Je n’aurais pas pu survivre sans les réseaux sociaux », a affirmé sans hésiter la journaliste du Devoir Lisa-Marie Gervais, pour qui les médias sociaux ont été une mine d’or d’informations lors du conflit étudiant du printemps dernier. Les médias sociaux peuvent finalement être une forme de fil de presse à partir duquel on s’alimente, a abondé l’éditrice et rédactrice en chef du magazine L’actualité, Carole Beaulieu.
Pas la panacée
Les « nouveaux médias » ne sont toutefois pas systématiquement garants de la liberté de la presse, ont avancé la plupart des intervenants réunis sur scène devant une centaine de personnes. Le chroniqueur David Desjardins a utilisé l’exemple du récent attentat de Boston pour illustrer les dangers que peut représenter l’instantanéité de l’information virtuelle. « Les médias sociaux sont fascinants, mais ils ne remplacent pas le travail des journalistes », a-t-il expliqué.
« Oui, on a accès à beaucoup d’informations, mais on entre aussi dans une ère de grande complexité », a pour sa part résumé Jean-Jacques Stréliski, également chroniqueur au Devoir.
Laisser les citoyens faire le tri entre l’information et la rumeur, « c’est leur demander beaucoup d’efforts », a ajouté Mme Beaullieu, insistant sur l’essentielle vérification journalistique.
Les réseaux sociaux sont-ils des « chapelles fermées ? », s’est toutefois questionné M. Sormany. Pas plus que dans la vie de tous les jours, a répliqué M. Desjardins. « Les gens n’aiment pas être remis en doute, ils aiment être reconduits dans leurs certitudes », a-t-il néanmoins précisé.
En guise de conclusion, le journaliste et chroniqueur Fabien Deglise a tenté de mettre en perspective le débat dans lequel s’insèrent médias sociaux et liberté de la presse. Le « culte de l’instant » est selon lui très récent. « On est comme un enfant qui vient d’entrer dans un magasin de bonbons où tout est gratuit. On ne fait que commencer à s’adapter. »
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Une journée pour la liberté de la presse
La Journée mondiale de la liberté de la presse, soulignée le 3 mai de chaque année, a été proclamée en 1993 par l’Assemblée générale des Nations unies. L’objectif officiel de cette journée est « de célébrer les principes fondamentaux de la liberté de la presse, d’évaluer la liberté de la presse à travers le monde, de défendre l’indépendance des médias et de rendre hommage aux journalistes qui ont perdu leur vie dans l’exercice de leur profession. »
La liberté de la presse a encore une fois été mise à l’épreuve au cours de la dernière année à travers le monde : on compte 879 journalistes arrêtés, 38 enlevés et 89 tués en 2012 selon Reporters sans frontières. Cette dernière statistique représente une hausse de 33 % par rapport à 2011. Le groupe Journalistes canadiens pour la liberté d’expression (CJFE) a par ailleurs publié jeudi un rapport attribuant la note de D - à la performance du gouvernement fédéral canadien en raison de son manque de transparence et de sa « culture du secret ».
Le meilleur de la presse étudiante
Le débat sur la liberté de la presse à l’heure des médias sociaux s’est conclu par la remise des prix de la première édition du Devoir de la presse étudiante, un concours de journalisme récompensant les meilleures publications collégiales et universitaires au Québec.
Dans la catégorie collégiale, le journal Noir sur Blanc du cégep Gérald-Godin (en haut) a remporté les honneurs pour la solidité de son contenu accordant une importance à la fois aux nouvelles locales et internationales.
Du côté universitaire, le Quartier Libre de l’Université de Montréal (en bas) s’est distingué par « ses sujets originaux, parfois inédits », et son regard critique sur l’actualité. Les artisans des deux journaux se sont vu remettre une bourse de 2000 $ accompagnée d’un certificat de mérite et d’un dessin original du caricaturiste du Devoir, Garnotte.
Le Devoir de débattre – Liberté de la presse
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