C'est fascinant de voir à quel point Mario Dumont et Stéphane Dion, deux chefs de l'opposition officielle aux ambitions de premier ministre, vivent sur deux planètes opposées du point de vue stratégique. Mario opère comme un vieux pro de la politique, alors que Stéphane semble de plus en plus perdu.
Commençons par Mario. Depuis sa récolte miraculeuse de 41 députés et son passage à l'opposition officielle - et pendant qu'André Boisclair était en vacances -, le chef de l'ADQ n'a pas arrêté une seconde. Sa lune de miel, il y tient.
Premièrement, depuis le fiasco de 2003, Mario a repris le contrôle de son parti. Comme chef de l'opposition officielle, il s'est aussi entouré de conseillers fidèles qui, qu'on aime ou non leur penchant à droite, ne sont pas des deux de pique. Ce qui inclut Nicolas Mazellier, une très grosse prise venant du ministère des Finances, et Gilles Taillon, son chef adjoint.
LA LOYAUTÉ
Mario dirige une députation certes inexpérimentée, mais il sera le seul chef à l'Assemblée nationale à pouvoir compter sur une denrée qui n'a pas de prix: la loyauté absolue de ses troupes. Ces nouveaux députés sont jeunes, idéalistes et croient au programme de l'ADQ. Mais ils doivent aussi leur carrière politique à Mario. Et ils le savent!
Cette loyauté des troupes et de l'entourage, c'est un puissant carburant que ni Jean Charest, ni André Boisclair n'auront. Contrairement à eux, le dos de Mario ne recevra aucun coup de poignard de ceux qui voudraient prendre sa place. Personne ne veut sa job. Son monde l'aime, l'aime vraiment.
Mario fait aussi déjà du maraudage. Son entourage multiplie les approches auprès de libéraux et de péquistes déçus. Alors que le PQ sort ruiné financièrement de sa pire campagne, Mario courtise les milieux d'affaires qui se montrent déjà généreux. Certains tournent même le dos aux libéraux! Et que dire d'Anglos influents, en furie contre Charest d'avoir congédié "leurs" ministres anglophones, et qui se disent: l'ADQ, why not?
En attendant le début de la nouvelle session parlementaire, le 8 mai, Mario a aussi choisi de surprendre. Voilà que le gars de droite est sorti contre la privatisation du Mont-Orford et dénonce certaines pratiques dégueulasses contre les assistés sociaux qui se font couper leur chèque s'ils ont le malheur de recevoir de l'aide de leur famille!
STÉPHANE ET SA BULLE
Quant à Stéphane Dion, son problème est simple: il fait rigoureusement le contraire de Mario. Et son parti en paie le prix. L'homme avait pourtant réussi à passer de Bonhomme sept heures de l'unité nationale à Monsieur Environnement avant de remporter la direction du PLC.
Mais contrairement à Mario, il a dilapidé l'effet "lune de miel" qui a suivi son élection-surprise. À la Chambre des communes, il s'est entouré d'une meute d'adversaires restants de la course à la direction qui, couteau à la main, attendent de le voir perdre l'élection pour le dépecer et se le servir en brochette. Dans les sièges autour de Stéphane, c'est loyauté zéro.
Même erreur du côté des conseillers. À une ou deux exceptions près, Stéphane a aussi invité dans sa bergerie des loups d'autres camps. Résultat: on l'éloigne donc d'Ottawa le plus souvent possible en l'envoyant en tournée constante dans son beau Canada qu'il aime tant! Pendant que le chat est parti, les souris dansent dans son bureau...
Autre problème: comme chez Paul Martin, la plupart de ses conseillers sont des Canadiens anglais, plus ou moins unilingues, pour qui Toronto est le centre de l'univers. Face à Stephen Harper, Stéphane n'a aucune position sur le Québec. Et il ne s'en rend même pas compte.
Dans d'autres dossiers cruciaux, dont le bourbier afghan - avec une facture qui s'élève maintenant à 17 milliards $ -, on sent aussi de la confusion, une difficulté à prendre des positions claires. L'ironie est cruelle pour le père de la Loi sur la clarté...
TOUT CE QU'IL NE FAUT PAS FAIRE
Ce n'est pas compliqué. Stéphane fait tout ce qu'il ne faut pas faire. Il vit dans une bulle. Et personne ne réussit à la percer. C'est pourquoi, du côté de Stephen Harper, qu'on aille ou non en élections ce printemps, on croit que Stéphane a peu de chances de remonter la pente.
Par effet de contraste, et au-delà des préférences idéologiques qu'on puisse avoir, comparer Mario et Stéphane est donc un exercice d'analyse politique édifiant.
Conclusion: Stéphane ne semble pas posséder une qualité pourtant essentielle à qui aspire à gouverner: le jugement.
Stéphane est un persévérant. C'est vrai. Comme les chats, il semble avoir neuf vies. Mais s'il ne répare pas ses erreurs de jugement, il pourrait arriver bientôt au bout de ses neuf vies.
Et avant que vous vous disiez "Stéphane a ce qu'il mérite!", pensez à l'alternative s'il ne se réveille pas: des années et des années de Stephen Harper et de la droite. La VRAIE droite.
Voix publique
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