Malraux : la plus mauvaise prédiction faite par une célébrité du 20e siècle...

Tribune libre

Chacun a son idée sur la place de l'autre. Et chacun a son idée sur la place qu'il doit ou devrait occuper dans la vie. En général, d'un point de vue personnel, on détient soi-même une place de choix, importante. L'autre peut être quelqu'un qui devrait faire ceci ou cela. Et s'il ne fait pas ce que nous, nous pensons qu'il devrait faire de sa vie, il est un raté ou quelque chose du genre.
Au départ, l'être humain est contrôlant. Là est le drame de nos sociétés. Quelquefois, avec l'âge et la maturité, certains apprennent à vivre et laisser vivre. Mais pas tous, car un bon nombre d'entre nous vivent leur vie d'adulte dans une éternelle adolescence.
Apprendre à vivre en société devrait être une priorité pour nos sociétés. Mais, le 21e siècle avec ses médias de masse, sa publicité, ses films, sa culture, infantilise davantage qu'il incite à la réflexion.
Car on nous l'a enseigné au cegep en philosophie. J'ai eu personnellement la chance d'avoir comme professeur monsieur Gilles Lane, auteur de plusieurs ouvrages philosophiques, conférencier émérite, et homme d'une sagesse hors de l'ordinaire. Il insistait sur l'importance de la réflexion.
La vie d'aujourd'hui nous fait courir comme des queues de veau. Ainsi, pas beaucoup de temps est consacré à la réflexion. Cela contribue certainement à créer une société d'éternels adolescents.
Et ce qui est remarquable, c'est cette superficialité que l'on retrouve chez les gens d'âge mûr. L'utilitarisme qui est la base de nos strutures socio-économiques ne mène-t-il pas directement à cette superficialité? Pourtant, l'auteur français André Malraux avait prétendu que ce 21e siècle ne serait pas superficiel mais bien marqué par une certaine spiritualité. N'est-ce pas la plus mauvaise prédiction faite par un homme célèbre du 20e siècle?
Ainsi, il n'y a pas à se surprendre de voir comment se déroulent les débats parlementaires dans nos parlements. C'est le "high school". Tous voient la situation sociale strictement à partir de l'idée de la perpétuation de leur prospérité personnelle et tous s'appliquent à faire qu'il en soit toujours ainsi.
C'est ainsi qu'on arrive à avoir comme décideurs politiques et économiques ceux-là mêmes qu’on ne pouvait sentir lorsque nous étions sur les bancs d’école au secondaire ou au cegep : les contrôlants, les ambitieux, les opportunistes, les m’as-tu-vus, les peu sincères, les égocentriques etc...
Tant et aussi longtemps que la superficialité issue de l'utilitarisme ambiant ne cèdera pas la place à la compassion et au souci de l'autre, cette sorte de décideurs obtiendra l'appui d'une majorité de la population dans nos sociétés du chacun pour soi et du au plus fort la poche.


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6 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    23 juillet 2012

    On a dit à la sortie des « Antimémoires » publiées en 1967 que Malraux aurait déclaré : « Le 21ème siècle sera religieux ou il ne sera pas », dans un livre intitulé : « L’enfant du rire » écrit par Pierre Bockel publié en 1973 et préfacé par Malraux, l’auteur aurait prétendu que dans le cours d’une conversation il aurait fait dire à Malraux : « Le 21ème siècle sera métaphysique ou ne sera pas ».
    André Frossard qui a été le premier à publier cette formule déclare précisément : « Il a dit, le 21ème siècle sera mystique ou ne sera pas. Ce qui n'est pas tout à fait la même chose ».
    Malraux s’est quant-à lui expliqué sur plusieurs tribunes sur cette soi-disant phrase qui varie dépendamment des interlocuteurs en voici quelques exemples :
    – « Si le prochain siècle devait connaître une révolution spirituelle, ce que je considère comme parfaitement possible, je crois que cette spiritualité relèverait du domaine de ce que nous pressentons aujourd'hui sans le connaître, comme le 18ème siècle a pressenti l'électricité grâce au paratonnerre. Alors qu'est-ce que pourrait donner un nouveau fait spirituel (disons si vous voulez : religieux, mais j’aime mieux le mot spirituel), vraiment considérable ? »
    – « on m'a fait dire : Le 21ème siècle sera religieux ou ne sera pas. La prophétie est ridicule ; en revanche je pense que si l'humanité du siècle prochain ne trouve nulle part un type exemplaire de l'homme, ça ira mal. Et les manifestations (*) et autres ectoplasmes ne suffiront pas à l'apporter. »
    (*) Il s’agit des : Journées insurrectionnelles de mai 68.
    – « On m'a fait dire: "le 21ème siècle sera religieux". Je n'ai jamais dit cela bien entendu, car je n'en sais rien. Ce que je dis est plus incertain. Je n'exclus pas la possibilité d'un évènement spirituel à l'échelle planétaire. »
    Malraux comme philosophe et comme être humain nous ramène essentiellement à ce que nous sommes. D’autre part, s’il y a bien dans certaines régions du monde, une espèce de perte du sens, c’est le cas au Québec pour la population de culture franco-catholique, on relève que d’autres communautés ont un regain en matière de spiritualité. Notez bien que je fais usage du mot spiritualité à l’instar de Malraux.
    Je lisais récemment dans un blogue que l’hyper laïcisation du Québec que nous vivons, résulte aussi de la réaction de la population face à l’ère Duplessis pendant laquelle l’église catholique romaine exerçait un pouvoir plus que discrétionnaire. Aussi dans ce cas la laïcité devient réactionnaire et non pas source de lumière et de progrès.
    – Ce qui est en péril ce n’est pas la spiritualité car c’est comme l’explique Malraux une force encore difficile à expliquer ; le péril est bien dans la manière suivant laquelle nous sommes gouvernés. Nous recherchons des gouvernants qui ressemblent à notre « condition humaine » pour mieux nous conserver dans une zone de confort qui colle à s’y méprendre avec la condition d’esclave.

  • Archives de Vigile Répondre

    10 juillet 2012

    @ Éric,
    Merci pour vos bons mots. Ça me touche beaucoup.
    Je vais jeter un coup d'oeil aux liens que vous m'avez suggérés.

  • Archives de Vigile Répondre

    9 juillet 2012

    Pour pousser un peu la réflexion, je prends l'exemple de la musique québécoise. Il y a présentement régression dans la chanson québécoise. Ce n'est plus la poésie des Vigneault, Ferland, Léveillée, Rivard, Gauthier.
    La superficialité a aussi atteint la chanson québécoise d'aujourd'hui alors que le quétaine est devenu un peu la norme et les chansons avec des paroles d'une poésie inspirante l'exception.
    De plus, les chansons en anglais ont de plus en plus la cote au Québec. Il est cependant à remarquer que la qualité poétique des chansons en anglais s'est aussi dégradée depuis les dernières décennies.
    L'utilitarisme dominant ne semble vraiment pas propice à la poésie.

  • Patrice-Hans Perrier Répondre

    8 juillet 2012

    il est trop tôt pour juger, le 21e siècle vient à peine de débuter ...
    laissons-lui la chance d'entamer quelques décennies au moins ...
    s'il est vrai que nos élites médiatiques et politiques nous proposent la «Grande séduction» de la porcherie et de ses subterfuges hédonistes et veules, il n'en demeure pas moins que le commun des mortels a «soif» de justice, de spiritualité et de transcendance.
    Il n'y a qu'à voir la cohorte de diseurs de bonne-aventure, l'horoscope, les jeux de divination et la remontée en force de la magie pour comprendre que les gens ont soif de SENS.
    Malraux avec les historiens et philosophes FERNAND BRAUDEL et HENRY CORBIN considérait - sans doute - l'ère post-moderne comme un malencontreux avatar matérialiste de l'histoire depuis le Moyen-Âge.
    Il faisait allusion au temps «long» de l'histoire, corpus d'évènements qui nous renvoie invariablement à la spiritualité, source des savoirs, des sciences et, même, des techniques.
    Le néolibéralisme, stade suprême du capitalisme impérial, nous conduit droit dans le mur.
    Malraux pensait, et j'en suis, qu'après quelques siècles de matérialisme et d'utilitarisme, le balancier de cette histoire «longue» allait nous ramener vers une nouvel âge d'Or spirituel.
    Laissons cette première décennie s'écouler, et les oligarchies financières s'écrouler... et, qui vivra verra.

  • Archives de Vigile Répondre

    8 juillet 2012

    Bonjour Didier
    c'est toujours agréable de vous lire.
    Votre papier va exactement dans le sens d'un documentaire génial que j'ai .couté il y a quelque temps et qui m'as marqué beaucoup pour sont explication cl;aire de la situation.
    J'ai même trouvé un conférencier qui en faisait en français le résumé.
    En gros le documentaire nous explique qu'à la fin de la Première Guerre mondiale, le neveu de Freud, Bernais, ayant travaillé a la propagande Américaine avait décidé d'aider les compagnies a utiliser ses connaissances pour influencer l'opinion publique a leur avantage..
    Le résultat a été la société de consommation que nous connaissance. Elle a été instituée pour contrer les révoltes bolchévique de 1917 en remplaçant les citoyens par des machine a satisfaire leur désires, des consommateurs…
    À écouter absolument:
    Le siècle du moi:http://www.dailymotion.com/video/x3jw3r_1-3-le-siecle-du-moi-www-321hypno-c_news
    The century of self : http://topdocumentaryfilms.com
    /the-century-of-the-self/

  • Archives de Vigile Répondre

    7 juillet 2012

    Avant de dire que Malraux s'est trompé, je vous invite à attendre à la fin du siècle. On a à peine 10% du siècle de passé. Cela dit, je vous donne raison sur le reste pour l'instant. Le réveil se fait; après le réveil, le monde bouge. Et ça va bouger dans le bon sens.