Dix points. Emmanuel Macon a perdu dix points de confiance dans le mois qui a suivi les élections législatives. Fin juin déjà, le nouveau président entamait sa mue – de manière subreptice – de la présidence jupitérienne façon De Gaulle-Mitterrand à l’hyperprésidence sauce Sarko. Une tendance qui semble bien se confirmer.
Dès la première semaine de la nouvelle Assemblée, un fameux épisode nous avait mis sur la piste : la majorité parlementaire, cornaquée par les deux porte-flingues de l’Elysée Ferrand et Castaner, avait privé Eric Ciotti du poste à la questure, traditionnellement réservé au groupe le plus nombreux de l’opposition, pour le confier à Thierry Solère, chef de file des « Constructifs ». Cet événement en disait déjà long sur cette propension à abandonner la hauteur monarchique et à vouloir se mêler de tout.
La questure en péché originel
« Les Français se foutent bien de Ciotti », nous rétorquait-on à l’époque, arguant que cette histoire de questure passerait largement au-dessus de la tête des citoyens et n’aurait aucune influence sur leur avis sur le président de la République. Outre que cet événement s’inscrivait dans un contexte de marginalisation du Premier ministre en décidant de s’exprimer à Versailles devant les parlementaires, l’affaire de la questure semble bien constituer le point de départ des ennuis du président.
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Christian Jacob, ce jour-là, a décidé en rétorsion que le groupe LR ne participerait pas au bureau de l’Assemblée nationale et que les vice-présidences réservées à LR ne seraient donc pas occupées. Richard Ferrand avait alors déploré « la bouderie », tentant de reporter la faute sur l’opposition et Christian Jacob. Toujours est-il que plusieurs vice-présidences ont donc été confiées à des députés LREM novices qui n’étaient prévus au départ pour cette fonction. Et que cette inexpérience s’est fait sentir lors des débats qui ont eu lieu pendant tout le mois de juillet, suscitant dans les journaux, la télévision et plus encore sur internet, l’accusation d’amateurisme qui colle désormais à la peau de la majorité parlementaire.
L’amateurisme de LREM comme un boomerang
Le Jurassien que je suis ne peut que déplorer qu’on ait, par exemple, confié ce cadeau empoisonné à la députée Danielle Brulebois, originaire des mêmes terres que les miennes, qui était sans doute prête à devenir parlementaire mais certainement pas à passer du statut de conseillère départementale à la présidence de séances au Palais-Bourbon. Séances d’autant plus sensibles qu’elles concernaient des textes essentiels du début du quinquennat Macron. Là-dessus, la responsabilité des hommes du président, Ferrand et François de Rugy est écrasante. Beaucoup plus que ces pauvres députés LREM envoyés ainsi au casse-pipe.
Les conséquences de la satisfaction du caprice de Thierry Solère, validée en haut lieu, se sont donc avérées catastrophiques. L’un des gestes qui pourrait apaiser cette situation serait d’obtenir la démission du chef des « Constructifs » de la fameuse questure afin que tout rentre dans l’ordre à la rentrée. Ce serait à la fois une manière d’apaiser la situation, de permettre le retour de vice-présidents à la hauteur de la situation1, et enfin de donner des signes à l’opinion selon lesquels on a enregistré son message.
Un vrai chef n’a pas besoin de rappeler qu’il l’est
Le second événement qui a fragilisé la position d’Emmanuel Macron est plus difficilement rattrapable. Il se situe dans le même esprit que l’histoire de la questure, en ajoutant l’inconvénient supplémentaire pour Emmanuel Macron de s’être personnellement exposé: il s’agit de la séquence menant à la démission du général De Villiers, chef d’état-major des armées. Là encore, le président n’a pas fait preuve de la hauteur nécessaire, confondant autorité et autoritarisme. Le rabrouer comme Emmanuel Macron l’a fait, sur le mode « c’est moi le chef », constituait une erreur politique majeure. Là encore, il a été rétorqué que le pouvoir civil devait s’imposer sur le pouvoir militaire, que le général De Villiers n’était pas à son coup d’essai, qu’il avait déjà critiqué Emmanuel Macron pendant la campagne électorale. Mais dans ce cas, pourquoi l’avoir reconduit dans ses fonctions ?
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Christophe Castaner en a fait des tonnes à ce sujet, entretenant la polémique, et on a fini par assister à ces images où le président s’exhibait en tenue militaire pour saluer les soldats, ne se rendant pas compte qu’elles ajoutaient non seulement au ridicule de la situation mais aussi au doute qu’il avait lui-même instillé sur ses qualités de chef, contraint qu’il était d’affirmer qu’il était bien le chef.
On lèche, on lynche, on lâche
Si Emmanuel Macron a pu s’imposer lors de l’élection présidentielle, c’est qu’il semblait avoir compris que les Français, après cinq ans de hollandisme, étaient en demande de verticalité. Ainsi avait été théorisé ce retour à une présidence de style gaullo-mitterrandien. Mais que l’on sache, ni Charles De Gaulle ni François Mitterrand n’avaient besoin de rappeler qu’ils étaient les chefs. Et si De Gaulle portait parfois l’uniforme, ce n’était pas pour ressembler à Tom Cruise dans Top Gun.
Cette perte de popularité, symptomatique d’un changement de style, commence également à faire évoluer l’attitude de la presse à son égard. Le président n’est plus autant protégé d’autant qu’il a eu aussi par rapport aux médias des gestes maladroits sur la forme, même si on pouvait les comprendre sur le fond. Et l’on en vient à se demander si – une fois de plus – le théorème des trois L (on lèche, on lâche, on lynche), créé par Jean-François Kahn, ne va pas s’appliquer plus que rapidement prévu à Emmanuel Macron, la phase du lâchage définitif intervenant dès cet automne.
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