Avec près des deux-tiers des suffrages, François Fillon a donc remporté une victoire impensable il y a un mois. Il avait véritablement construit sa victoire lors des dix derniers jours précèdent le premier tour, où il avait écrasé la concurrence, en éliminant Nicolas Sarkozy et en mettant seize points dans la vue d’Alain Juppé. Lors de l’entre-deux-tours, il a essuyé le réveil de son adversaire, qui lui a lancé quelques boules puantes, lesquelles ont mobilisé autant sinon davantage d’électeurs droitiers choqués de ces manœuvres que d’électeurs de gauche à qui étaient adressés les appels du pied. François Fillon a donc réussi d’envoyer à la retraite Nicolas Sarkozy et Alain Juppé en sept jours. Chapeau l’artiste ! L’ancien président de la République a complètement mésestimé la défiance qu’il inspirait dans le peuple de droite. Comment pouvait-il en être autrement, cajolé par ses fans qui se pressaient pour obtenir une dédicace dans les Espaces culturels Leclerc transformés en autant de villages Potemkine, lui faisant croire ainsi qu’il était encore en phase avec ceux qui viendraient voter à la primaire ? Quant à Juppé, il n’a pas su profiter de l’appui de François Bayrou qui, en indiquant qu’il ne serait pas candidat contre lui, donnait une prime substantielle dans les sondages présidentiels du premier tour, et faisaient de lui le candidat qui donnait les meilleures chances de victoire à la droite.
Mais si le nouveau champion de la droite a gagné la primaire, il est encore loin d’avoir gagné la présidentielle, ouverte comme elle ne l’a jamais été depuis 1974. On a beau présenter cette compétition comme un succès démocratique, elle n’a concerné que 4 millions et demi d’électeurs sur les 36 qui devraient participer à la présidentielle, soustraction faite des 20% traditionnels d’abstentionnistes. Le programme économique de François Fillon était sans doute en phase avec l’électorat âgé et CSP+ de la primaire ; il faudra convaincre au moins 14 millions d’autres électeurs de son bienfondé. Ce n’est pas gagné. Si le PS est aujourd’hui en état critique, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon aiguisent déjà leurs couteaux. Le second est aujourd’hui assuré d’être candidat grâce au soutien des militants communistes qui font de lui le candidat officiel du PCF. Le voilà opposé à un candidat de droite comme il en rêvait. Quant à Marine Le Pen, elle peut aujourd’hui donner les clefs de sa campagne à Florian Philippot, qui attaque déjà Fillon, le « candidat de la casse sociale », qui draguera dans une fonction publique dont une partie lui ouvre déjà les bras, et du côté des petits retraités qui oublieront peut-être les propositions frontistes en matière monétaire afin de sauver le remboursement de leurs médicaments dits « de confort ». Marion Maréchal Le Pen devait largement préférer la désignation de Juppé, qui lui aurait permis de faire valoir ses vues en matières sociétale et identitaire.
Nicolas Beytout, le directeur du quotidien L’Opinion, se satisfaisait ce soir du fait que le vote Fillon allait à rebours du vote Brexit chez nos voisins britanniques et du vote Trump aux Etats-Unis, puisqu’il couronnait un programme libéral et ouvert sur le monde. Beytout prend sans doute ses désirs pour des réalités en refusant de voir que ce n’est pas le programme économique de Fillon qui avait permis son décollage mais au contraire l’affichage de convictions sociétales conservatrices, la rédaction d’un livre contre l’islamisme et le rappel de sa généalogie souverainiste. Mais il a le mérite de mettre le doigt sur un malentendu qui pourrait s’avérer explosif lors de la vraie campagne présidentielle voire –et ce serait pire encore – après une éventuelle élection.
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