La nostalgie n’a pas bonne réputation.
La nostalgie, ce n’est pas positif, ce n’est pas constructif, ce n’est pas winner.
Je m’en fous.
Si la nostalgie, c’est le regret d’une époque, alors, oui, je suis nostalgique.
Souvenirs
Jeudi dernier, cela faisait exactement 25 ans, jour pour jour, que j’étais élu député, le 12 septembre 1994.
J’étais un parfait inconnu. La vague en notre faveur fut moins forte qu’espérée, mais assez forte pour m’emporter avec elle.
Neuf mois auparavant, j’avais terminé mon doctorat.
Nous n’étions pas là parce que nous cherchions des jobs, mais pour faire l’indépendance.
Mon chef, Jacques Parizeau, n’était pas parfait, mais c’était un géant.
À ses côtés, Bernard Landry, Pauline Marois, Camille Laurin et tant d’autres figures exceptionnelles.
Je les regardais et je me sentais comme un nain.
Lucien Bouchard était le chef de l’Opposition officielle à Ottawa, à la tête d’un Bloc qui faisait trembler le Canada anglais.
Mario Dumont avait quitté le PLQ sur une question de principe – imaginez cela aujourd’hui : partir au nom d’une idée ! – et avait fondé l’ADQ.
Même nos adversaires étaient impressionnants. Jean Chrétien parlait drôlement, mais il n’était pas insignifiant comme Justin Trudeau.
En mars 1990, le président du Mouvement Desjardins déclarait devant 3500 délégués : « Le Québec dispose de tous les outils économiques nécessaires à son indépendance ».
Bernard Lemaire, président de Cascades, dit qu’il faut faire l’indépendance au plus vite : « On est prêt, on a une économie et des entreprises viables ».
La Chambre de commerce du Québec dit qu’elle peut vivre avec la souveraineté.
Le journal Les Affaires publie un sondage selon lequel 48,5 % des gens d’affaires estiment que l’indépendance serait positive à long terme.
Pierre Anctil, directeur général du PLQ, déclare, à l’été 1990, que « si on ne s’engage pas dans la voie de la souveraineté, on va vivre dix ans de médiocrité ».
Il s’est trompé de quelques décennies.
À l’automne 1990, la Commission jeunesse... du PLQ devient officiellement... souverainiste. Fou, hein ?
En décembre 1990, le sondeur Maurice Pinard dévoile que l’appui des Québécois à la souveraineté atteint 65 %.
En janvier 1991, un sondage CROP trouve que 57 % des Canadiens hors Québec disent de nous : « Let them go ! »
Longtemps
Ça fait si longtemps que le Canadien venait de gagner la Coupe (1993).
Ça fait si longtemps que la gauche défendait tous les pauvres, peu importe leur couleur de peau.
Ça fait si longtemps que le féminisme défendait l’émancipation des femmes et non leur soumission à la religion.
Ça fait si longtemps qu’avant de partir chasser le mammouth pour nourrir la famille, on lisait dans Le Devoir les éditoriaux de Lise Bissonnette en faveur de la souveraineté !
Les jeunes ne me croiront pas, c’est sûr...
En 1994, quatre ans après l’échec de la négociation constitutionnelle du lac Meech, une partie de l’élan était retombée, mais il en restait assez, pensions-nous, pour atteindre le rivage.
Nostalgique ? Comment ne pas l’être ?