Accordons un dernier sursis à Tony Blair : il doit témoigner début 2010, pas avant, sur la décision qu'il a prise, en 2003, d'entraîner la Grande-Bretagne aux côtés des Etats-Unis dans la guerre d'Irak. L'ancien premier ministre sera entendu par une commission gouvernementale chargée de faire la lumière sur cet épisode. Il pourra expliciter en détail ce qui l'a amené à "coller" à l'homme qui était alors à la Maison Blanche, George W. Bush. Mais, M. Blair n'a pu tenir sa langue. Il a déjà parlé. Et ses premiers propos sont accablants.
Même s'il s'était avéré à l'époque que le dictateur irakien ne possédait pas d'armes de destruction massive (ADM), a confié M. Blair à la BBC, "j'aurais continué à penser qu'il était juste de le renverser". Pour comprendre à quel point cette déclaration a stupéfié les Britanniques, il faut revenir en arrière. Fin 2002, début 2003, toute la machine de communication du gouvernement Blair est mobilisée sur un seul thème : Saddam Hussein a constitué un terrifiant arsenal d'ADM - chimique et peut-être même nucléaire - qu'il pourrait mettre à la disposition d'Al-Qaida. On est moins de deux ans après les attentats de New York et la menace irakienne est assénée à l'opinion de manière péremptoire. C'est sur cette seule nécessité de démanteler les ADM que la Chambre des communes autorise l'entrée en guerre du pays.
Or, les services britanniques avaient de sérieux doutes sur la réalité de ces fameuses ADM, qui se révéleront inexistantes. Mais rien n'en sera dit. C'est sur ce qui ressemble à un très gros mensonge que M. Blair entraîne la Grande-Bretagne dans la guerre ; un de ces mensonges qui devrait conduire un homme public à la retraite et à la méditation silencieuse sur les conséquences de ses actes. En l'espèce, une invasion qui, en mars 2003, renversa effectivement un effroyable dictateur, mais provoqua une non moins effroyable guerre civile, responsable de la mort de dizaines de milliers d'Irakiens (et de 179 Britanniques).
ADM ou non, argumente M. Blair à la BBC, Saddam représentait "une menace pour l'ensemble de la région". Rien n'est plus faux. L'Irak était alors un pays exsangue, épuisé, neutralisé, sous embargo international. Bagdad n'avait rien à voir avec Al-Qaida. M. Blair a suivi M. Bush par obséquiosité, adhérant aux fariboles néoconservatrices sur l'exportation par les armes de la démocratie jeffersonienne dans le monde arabe... Erreur dramatique, historique. Et que l'on paye encore : la guerre en Irak s'est faite au détriment de la priorité qu'il eût fallu accorder à l'Afghanistan.
Edito du Monde
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