Il y a encore un mois c’est Justin Trudeau, dans son interview à Radio Canada, qui promettait une politique étrangère progressiste et audacieuse, pensant être en conversation avec ses alliés et voici que le Canada n’est pas invité à Paris pour la prochaine rencontre de la coalition internationale combattant Daech.
Le ministre canadien de la Défense, Harjit Sajjan ne verra pas le ciel gris de Paris, mercredi 20 janvier, alors que les ministres de la Défense français, britannique, allemand, italien, hollandais, australien et américain, se retrouveront dans la capitale française pour faire l'état des lieux de l'opération menée contre le groupe terroriste en Syrie et en Irak.
La décision prise par le gouvernement de Justin Trudeau de retirer les CF-18 du Moyen Orient et d'arrêter les frappes, a été vivement critiquée par les conservateurs à l'intérieur du pays et les médias se posent désormais la question de savoir si cette décision est la raison pour laquelle les canadiens ne sont plus considérés comme des alliés « sûrs ». D'après Ronald Hatto, expert des relations internationales au sein de l'Institut d'Etudes Politique de Paris et originaire de Montréal, cette décision en serait en effet la raison majeure:
« C'est la seule raison que je vois qui permet d'expliquer cette étrange décision, surtout qu'on sait que les Australiens, les Néerlandais seront présents. Donc je ne comprends pas que le Canada ne soit pas invités, sauf justement on peut l'expliquer peut-être par le fait que Trudeau et son gouvernement ont décidé dès l'élection en octobre dernier de retirer les CF-18 des frappes contre Daech. Je pense que c'est la raison qui explique même si bien entendu on dit que ce n'est pas la raison qui explique, je ne vois aucune autre raison à cette absence du Canada des négociations. Le Canada a envoyé des forces spéciales dans le nord de l'Iraq pour entrainer les Kurdes, ils ont envoyé une trentaine d'hommes je pense pour essayer d'entrainer les Kurdes pour lutter efficacement contre Daech mais sinon concrètement à part cette poignée de soldats des forces spéciales Canadiennes, il ne reste pas grand-chose je pense dans la lutte contre l'Etat Islamique ».
Le porte-parole de l'opposition canadienne en matière de défense, James Bezan, estime que le Canada a été « snobé » en raison de l'incohérence des libéraux. Peut-être est-ce de la jalousie? Mais la presse canadienne comme les conservateurs n'arrivent pas à oublier les selfies du good-looking premier ministre pendant le sommet du G20, alors que les autres chefs d'état étaient occupés par « des affaires sérieuses ». Bien-sûr ce n'est pas la présence sur les réseaux sociaux qui caractérise la politique menée par Justin Trudeau mais c'est bien elle qui énerve ses adversaires.
Quant à Paris, le Canada ne se vexe pas puisque ce n'est qu'une réunion « spontanée » d'après le secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères Omar Alghabra. On la reconnait bien, la célèbre spontanéité des ministères de la Défense, qui réunit les sept chefs de l'armée pour avancer sur une des questions les plus importantes de l'actualité internationale — la lutte contre Daech. Quel rôle le Canada joue-t-il alors dans cette lutte? Ronald Hatto explique qu'Ottawa compte avant tout de rassurer ses alliés:
« C'est important pour entretenir de bonnes relations avec les alliés, je pense que oui, je pense que c'est important de montrer qu'on est aux côtés des alliés. C'est un peu ce que les libéraux à l'époque de Jean Chrétien avait fait au cours des années 2000 avant l'élection des conservateurs en 2006. On se souvient tous que le gouvernement libéral de Jean Chrétien s'était aligné avec la France, l'Allemagne et la Belgique contre l'invasion de l'Iraq par les Etats-Unis en 2003. Ça a eu des répercussions fortes sur les relations économiques entre le Canada et les Etats-Unis et quand on sait que 85% des échanges commerciaux du Canada se font avec les Etats-Unis c'est un levier que les Américains n'ont pas hésité à utiliser contre le Canada qui s'était montré mauvais allié. Donc ce que les libéraux ont fait tout de suite après avoir refusés de participer à la coalition en Iraq et Jean Chrétien, son gouvernement libéral a tout de suite décidé d'envoyer des troupes Canadiennes à Kandahar en Afghanistan pour montrer aux Américains que si on n'est pas avec vous en Iraq, on démontre qu'on est avec vous en Afghanistan. »
C'est aussi la relation diplomatique et surtout commerciale du Canada avec l'Arabie Saoudite qui inquiète la communauté internationale. Ce n'est pas Paris qui se pose ce genre de question avec Riyad comme premier partenaire commercial dans la région…mais la décision d'Ottawa de vendre les armes pour 15 milliards de dollars à la pétromonarchie ne rassure personne, d'après Ronald Hatto:
« Les libéraux ont passé leur temps à critiquer les conservateurs pour leur realpolitik alors que là ce qu'on voit c'est le triomphe de la realpolitik au sein même d'un gouvernement libéral qui se veut plus moral, plus éthique dans son comportement et effectivement le contrat d'armes à l'Arabie Saoudite fait grincer des dents au plus haut point au Canada et je pense que c'est tout à fait dans la droite ligne du comportement d'un gouvernement qui fait de la realpolitik, c'est-à-dire si c'est pas nous qui vendons des blindés aux Saoudiens ce sera les Belges, les Suisses ou quelqu'un d'autres donc je pense que c'est exactement ce que les libéraux ont compris. Ils font la même politique étrangère, si vous voulez que les conservateurs, ce qui parait assez mal dans la mesure où eux-mêmes dénonçaient ce genre de comportement sur la scène internationale. »
Le retrait des avions ne causera pas un cout financier très important, mais le cout politique pour Justin Trudeau peut être très élevé, en commençant par la non invitation à la réunion de la coalition internationale anti-Daech à Paris.
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