La majorité libérale a imposé hier, sous le bâillon, une loi indigne et contraire à la volonté exprimée par tous les gouvernements du Québec depuis 1982 jusqu'à ce 18 octobre, la loi 115, Loi faisant suite aux décisions judiciaires en matière de langue d'enseignement.
Le Québec n'a pas signé la Loi constitutionnelle de 1982 essentiellement parce que cette loi empiétait sur les pouvoirs de l'Assemblée nationale en matière de langue et d'éducation. Or, voici que l'Assemblée nationale dominée par une majorité libérale accepte en 2010 de se plier à un arrêt — un jugement qui a tout d'une prise de position politique plutôt que constitutionnelle — de la Cour suprême du Canada portant précisément sur la langue d'enseignement et allant à l'encontre des prescriptions de la Charte de la langue française en la matière, prescriptions qui ont servi de base à la rédaction de l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés intégrée à la Loi constitutionnelle de 1982.
Les enfants francophones et allophones n'ont pas droit à l'enseignement en langue anglaise ni en vertu de la Charte de la langue française ni en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés. C'est là un fait incontestable que la Cour suprême ne pouvait évidemment pas contester directement, mais elle l'a fait indirectement en invitant l'Assemblée nationale à permettre l'achat de ce droit par un séjour dans une école privée non subventionnée de langue anglaise. C'est tout comme si la Cour suprême avait proposé d'entrer par la porte arrière pour signer en catimini la Loi constitutionnelle de 1982...
Affaiblissement
Le gouvernement Charest a choisi d'entériner le nouvel affaiblissement de la Charte de la langue française comme formulé par la Cour suprême. Il a refusé de choisir la seule voie conforme, dans les circonstances, aux objectifs de la Charte de la langue française, objectifs qui reçoivent l'appui de la presque totalité de la société québécoise: la voie de l'assujettissement du maintien ou de l'octroi du permis de l'école privée non subventionnée aux dispositions de la Charte de la langue française en matière de langue d'enseignement, en vertu de la compétence exclusive du Québec à cet égard.
Le recours à cette voie n'aurait enfreint aucun droit fondamental et pouvait être retenu sans faire état de la dérogation permise par la Charte canadienne des droits et libertés relativement aux droits visés dans les articles 2, et de 7 à 15 de cette charte. En matière de langue d'enseignement, le droit est défini par le seul article 23 de la même charte.
Quand le Parti québécois reviendra au pouvoir, il pourra abroger la loi 115 et appliquer la solution rejetée par le gouvernement Charest sans craindre les foudres fédérales ou internationales — à moins que la Cour suprême ne trouve une nouvelle astuce du genre «parcours authentique» pour réinterpréter à sa manière la volonté des constituants de 1982 qui était la même (sous réserve du remplacement de la clause Québec par la clause Canada) que celle de l'Assemblée nationale telle qu'exprimée dans la Charte de la langue française en 1977.
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Yves Martin - Ex-sous-ministre de l'Éducation et sous-ministre associé à la politique linguistique
Loi 115: une indigne capitulation
Écoles passerelles - Loi 115
Yves Martin4 articles
Ancien sous-ministre de l’Éducation et sous-ministre associé à la politique linguistique
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