Cet essai d’Alexandre del Valle et Emmanuel Razavi est essentiel : il est clair, précis, documenté, complet et surtout effrayant. Il détaille « le projet » des Frères musulmans selon le titre d’un document découvert par la police suisse. Ce projet n’est cependant nullement secret ; tout est sur la table depuis 1924, comme l’étaient les desseins d’Hitler dans Mein Kampf.
Le « projet » vise à l’instauration universelle de la charia et l’unification de la planète sous un califat islamique. En réaction à l’abolition du califat ottoman par Atatürk, un jeune instituteur égyptien, Hasan Al-Banna, a fondé « les Ikhwans » (Frères musulmans) et lui a donné son corpus idéologique. Il a soutenu le grand mufti de Jérusalem Al Husseini, qui a combattu Juifs et Anglais en Palestine avant de se réfugier en 1941 à Berlin et d’aider Hitler à recruter des divisions Waffen-SS musulmanes.
Al-Banna a, en 1946, permis au grand mufti de se réfugier au Caire ; il a été assassiné en 1949 par le gouvernement égyptien. Sayyid Qutb, le maître à penser reconnu de tous les djihadistes actuels, a exercé un temps une influence déterminante sur les Ikhwans avant de rompre avec eux. Saïd Ramadan, le gendre d’Al-Banna, a dû s’exiler en Suisse d’où il contrôlait la branche européenne des Frères. Très proche de François Genoud, exécuteur testamentaire d’Hitler et converti à l’islam, Ramadan était soupçonné de terrorisme tout en étant ménagé par les Occidentaux qui espéraient s’en servir contre Nasser. Ses fils Hani et Tarik, eux, se sont rapprochés des milieux de gauche, stratégie désormais appliquée en Occident.
L’essai relativise l’influence de Tariq Ramadan, déjà peu importante avant même que n’éclatent les affaires de mœurs le visant. Les Ikhwans sont une nébuleuse mondiale. Ils contrôlent l’université El-Azhar du Caire, qui joue un peu le rôle du pape chez les sunnites. Ils inspirent des partis au Maghreb et au Moyen-Orient ainsi que l’AKP en Turquie et le Hamas qui contrôle la bande de Gaza. L’ancien président égyptien Morsi appartenait à leur mouvement.
Les Frères sont financés par le Qatar et combattus par l’Arabie saoudite, le Koweït et les Émirats arabes unis, qui les classent parmi les mouvements terroristes. En Occident, les Ikhwans sont représentés par des associations soi-disant modérées et partisanes d’un islam moderne, alors qu’ils veulent revenir à la religion des origines ; ils condamnent les attentats islamiques. Ils sont, de ce fait, favorisés par les gouvernements occidentaux qui voient en eux (à tort) un rempart contre le terrorisme. Ils pratiquent l’entrisme et la dissimulation, s’appuient sur l’islamophobie pour « désarmer » moralement l’Occident.
En France ils inspirent l’UOIF, devenue en 2017 les Musulmans de France et le CCIF, le comité qui multiplie les procès contre de prétendus « racistes ». L’essai présente des fatwas édifiantes prises par des conférenciers invités dans des réunions organisées par les Frères. Elles demandent sans ambiguïté la mort pour les apostats, les homosexuels et conseillent de battre les femmes rétives. En étudiant les Frères musulmans, on retrouve le mode de fonctionnement des totalitarismes léninistes, stalinistes et nazis qui s’appuyaient, eux aussi, sur le mensonge et la dissimulation.