Libre opinion - Le Canada anglais et le rapatriement: calomnie, Québec bashing et déni

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La mauvaise foi et la bassesse du ROC atteignent de nouveaux sommets

Mon dernier livre lève le voile sur les manoeuvres douteuses de la Cour suprême lors du rapatriement constitutionnel et de l’adoption de la sacro-sainte Charte des droits. La preuve repose sur des milliers de documents d’archives et la démonstration remet en question la légitimité et la légalité de cette opération. Cela dérange plusieurs politiciens et commentateurs dans le reste du pays. Tous les moyens semblent permis pour me discréditer.

Le coup le plus bas a été porté par le réputé politologue Peter Russel, professeur émérite de l’Université de Toronto et compagnon de l’Ordre du Canada. Il m’accuse d’antisémitisme. Son raisonnement est simple : Bora Laskin était Juif et je le critique. Une telle chose ne saurait donc s’expliquer autrement que par les relents antisémites de La bataille de Londres, rien de moins.

Ce genre de dérive se produit souvent au Canada anglais. Quand quelque chose venant du Québec dérange les certitudes de nos concitoyens anglophones, en l’occurrence l’impartialité de la Cour suprême, cela ne peut s’expliquer que par la xénophobie des Québécois. En bon français, on appelle ça du Québec bashing.

Outre cette calomnie, certains juristes affirment que ma démonstration repose sur du ouï-dire, entre autres parce que les protagonistes des événements sont morts. Le fait que deux des neuf juges aient transmis de l’information confidentielle au pouvoir politique est pourtant attesté par plusieurs documents britanniques. Balayer ainsi des faits avérés revient à nier toute pertinence à l’histoire. Ce serait comme dire qu’Hitler ne s’est pas suicidé en 1945 […].

Pour leur part, certains de ceux qui admettent le sérieux de ma documentation s’emploient à banaliser la conduite des juges Bora Laskin et Willard Estey, laquelle n’aurait rien changé au cours des événements. La preuve serait que le jugement rendu par la Cour suprême en septembre 1981 a été défavorable à Trudeau.

Cette façon de voir revient en quelque sorte à dire que les deux magistrats ont tenté de voler une banque, mais ayant échoué, leur crime n’est pas grave. Elle passe aussi sous silence le fait que le jugement du plus haut tribunal, rendu en septembre 1981, a permis le rapatriement sans l’appui du Québec. Les juges ont en effet décrété que le consentement unanime des provinces n’était pas nécessaire, ce qui constituait un gain important pour Ottawa. Les fédéraux ont pu ainsi passer outre l’opposition des Québécois. Quand on sait que ce jugement a été rendu alors qu’au moins deux juges sur neuf ont violé le principe fondamental de la séparation des pouvoirs, comment peut-on conclure que le processus est valide ?

On a aussi accusé mes écrits de verser dans les théories de complot. […] Mon livre démonte pourtant un événement ayant atteint des proportions mythiques chez nous : la Nuit des longs couteaux. Je souligne à quel point cette expression, utilisée à l’origine pour décrire une purge orchestrée par Hitler en 1934, est complètement excessive. J’explique surtout que René Lévesque n’a pas été trahi par les provinces anglophones de la Bande des huit. Est-ce l’attitude d’un adepte du complot que d’apporter de telles nuances ?

Une autre façon de jeter le doute consiste à discréditer l’un des principaux témoins à charge, John Ford, l’ancien haut-commissaire britannique à Ottawa. Ce dernier a entre autres écrit que Trudeau était « un voyou frappant en bas de la ceinture… qui se livre à une tentative de coup d’État ». Comment un homme intelligent et de bonne foi pourrait dire une telle chose ? Le représentant britannique a donc été décrit comme un personnage imbu de lui-même et nourrissant une haine personnelle envers le premier ministre.

Cette thèse ne résiste toutefois pas à l’analyse. Lord Moran, le successeur de Ford, est devenu lui aussi un adversaire acharné du chef du gouvernement fédéral et de son projet de charte. Même si ce dernier avait fait preuve d’égard à son endroit, Moran pensait que Trudeau n’avait « que du mépris pour les gouvernements provinciaux », les traitant comme s’ils étaient « de simples conseils municipaux ». Pour le diplomate anglais, les deux ordres de gouvernement devaient faire preuve de respect l’un envers l’autre, « ce qui s’est rarement produit sous le règne de Trudeau », notait-il. Il faut beaucoup de mauvaise foi pour balayer du revers de la main les conclusions non pas d’un, mais bien de deux représentants britanniques au Canada. Ils n’avaient aucune raison de ne pas aimer Trudeau et en sont venus pourtant à le détester.

Mais qu’importe la vérité. Plusieurs au Canada anglais vivent dans le déni. Indifférents au fait qu’Ottawa refuse de déclassifier plusieurs fonds d’archives sur la Constitution, ils préfèrent une histoire à l’eau de rose, celle d’un Trudeau héroïque nous ayant dotés d’une Charte qui protégerait nos droits et unirait le pays. S’il existe un mythe sur le rapatriement, c’est bien celui-là.

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Frédéric Bastien167 articles

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Titulaire d'un doctorat en relations internationales de l'Institut universitaire des hautes études internationales de Genève, Frédéric Bastien se spécialise dans l'histoire et la politique internationale. Chargé de cours au département d'histoire de l'Université du Québec à Montréal, il est l'auteur de Relations particulières, la France face au Québec après de Gaulle et collabore avec plusieurs médias tels que l'Agence France Presse, L'actualité, Le Devoir et La Presse à titre de journaliste. Depuis 2004, il poursuit aussi des recherches sur le développement des relations internationales de la Ville de Montréal en plus d'être chercheur affilié à la Chaire Hector-Fabre en histoire du Québec.





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