Avec de plus en plus de cas de gens contaminés par le SARS-CoV-2 causant la maladie de la COVID-19 dans les prisons, est-ce que libérer des détenus est la solution pour freiner la propagation du virus? Est-ce qu’on règle un problème ou est-ce qu'on en crée un plus gros en mettant en danger la société?
Le virus se propageant rapidement, on se rend compte qu’on aura peut-être un gros problème dans les prisons. La prison est un milieu fermé, exception faite des visiteurs, des employés et des nouveaux détenus. Il est peut-être plus facile d’empêcher le virus d’entrer dans ce milieu «fermé», mais, une fois qu’il y est, il devient très difficile de le freiner.
J’ai reçu en entrevue à l’émission Avocats à la barre, sur les ondes de QUB radio, la présidente de l’Association des avocats et avocates en droit carcéral du Québec, Me Rita Magloé Francis. Elle m'a fait part d'une solution qui ne fera pas l’unanimité mais qui doit tout de même être envisagée, étant donné la crise.
Des mesures ont été mises en place pour contrer la COVID-19 dans les prisons du Québec, par exemple la suspension des visites et d'autres mesures d’hygiène.Cependant mon invitée m'a expliqué que, depuis le début de la crise, les détenus des pénitenciers fédéraux et provinciaux éprouvent une crainte extrême.
Cette crainte est justifiée, puisqu’on dénombre de plus en plus de cas dans ces établissements. Or si les gardiens sont surtout touchés pour l'instant, il est très probable que la propagation s'étende aux détenus. Le problème est qu'il est presque impossible de respecter les règles d'éloignement social en prison, surtout dans les ailes surpeuplées, sans mesures de confinement radicales qui imposeraient aux détenus de rester presque 24h sur 24 en cellule.
Me Francis rappelle que, selon ce que la Cour d’appel nous enseigne, ce type d’isolement est cruel et inusité. La crise pourrait-elle le justifier? Me Francis, qui défend les droits des prisonniers, nous prévient: il ne faut pas comparer les gens qui doivent rester dans le confort de leur maison à la suite de mesures mises en place par le gouvernement à une personne qui reste 24h sur 24 dans une pièce close, même s’il s’agit d’un criminel.
Je sais que le débat que je lance choquera beaucoup de gens, puisqu’on parle ici d'individus qui ont commis des crimes et qui doivent payer leur dette à la société, mais il faut se rappeler que les détenus ont eux aussi des droits. Ne pas agir équivaut-il à les condamner à contracter une maladie potentiellement mortelle? D’après les prisonniers de l’établissement carcéral de Bordeaux, qui ont lancé un cri d’alarme, c’est le cas.
Une des solutions proposées est de libérer massivement certains détenus, par anticipation de leur libération conditionnelle et en appliquant des critères rigoureux, comme on l’a vu dans certains pays, pour faire de la place et rendre possible des mesures d'éloignement afin d’éviter la propagation du virus. Mon but, ici, n’est pas de pardonner les gestes de ces détenus, mais de vous faire voir l’autre côté de la médaille. Bien que certains bandits ne soient pas «réchappables», et ce n’est évidemment pas d’eux dont je parle ici, le but du système judiciaire est la réhabilitation: ça fonctionne pour certains.
Avant de s’insurger, il faut comprendre qu’un milieu carcéral est comme une mini-société. On y trouve, comme ailleurs, des gens qui sont plus vulnérables à la maladie. Des gens malades et des personnes âgées. La COVID-19 pourrait être dévastatrice en prison également. Comme Me Francis l’a bien expliqué dans l’entrevue que vous pouvez écouter ci-dessous, il faut garder en tête que le but de la manœuvre n’est pas de libérer des personnes potentiellement dangereuses ou présentant un risque de récidive. C’est davantage d'avancer la date de libérations qui auraient lieu de toute façon.
D’après elle, les détenus visés devraient remplir certains critères, comme:
Le ministre de la Sécurité publique du Canada, Bill Blair, serait d'accord avec cette solution.
Qu'en pensez-vous? S'agit-il d'une bonne idée ou cette disposition vous ferait-elle perdre confiance dans le système judiciaire?