Chers amis français,
Mon nom est Daniel Lévesque. À titre de Québécois favorable à la souveraineté du Québec, je vous écris aujourd’hui pour vous fournir un complément d’informations essentielles dans le cadre de ce qu’il est convenu d’appeler l’affaire Ségolène Royal.
Notez d’abord que les raisons qui me poussent à adhérer à la souveraineté du Québec sont multiples. Je me bornerai essentiellement à dire qu’à mon avis, notre peuple ne présente que peu d’affinités avec la société canadienne et, surtout, que nos aspirations sont diamétralement opposées. Quoi qu’il en soit, il existe mille et une raisons de vouloir la souveraineté, comme il en est tout autant de désirer demeurer au sein du Canada.
Le mouvement souverainiste dont je fais partie a de lointaines origines. Toutefois, au cours des années récentes, il a organisé dans la plus stricte observance des règles démocratiques, deux référendums au cours desquels les Québécois se sont prononcés en faveur de la souveraineté dans une proportion sans cesse grandissante, mais sans atteindre le seuil de la majorité nécessaire à l’enclenchement du processus de réalisation de la souveraineté. Par contre, les appuis en faveur de la souveraineté du Québec vont en s’accentuant. De près de 40% qu’ils étaient en 1980, ils sont passés à plus de 49% en 1995.
Le mouvement souverainiste du Québec est aussi un mouvement dont la légalité a été reconnue par les tribunaux ainsi que les différentes instances internationales.
Or, comme vous le savez sûrement, la candidate socialiste Ségolène Royal a récemment pris position dans le débat, s’affichant publiquement en faveur de la souveraineté du Québec. Incidemment, des gens l’ont fortement prise à partie l’accusant, entre autres, de s’ingérer dans les affaires d’un pays étranger. Il est important de savoir ici que le grand bruit causé par les propos de la candidate socialiste a été répercuté par des médias dont les positions éditoriales n’ont aucune équivoque et qui sont largement sinon unanimement en faveur du fédéralisme canadien.
Les Français doivent cependant savoir que Madame Royal n’a outrepassé aucune règle. La France a, au contraire, le devoir de réitérer son attachement de voir la démocratie et le droit être respectés partout à travers le monde et c’est ce que Madame Royal a fait.
Les donneurs de leçon qui ont rabroué Madame Royal sont entre autres :
1) le premier ministre actuel du Québec Jean Charest qui était vice-président du comité du Non à la souveraineté du Québec lors du référendum de 1995. Ce comité disposait d’une caisse occulte par l’intermédiaire d’un organisme nommé Option-Canada. Lors de la campagne référendaire de 1995, cet organisme a dépensé en secret plus de 4 millions de dollars des contribuables canadiens et québécois et ce, en violation des règles de la loi sur les consultations populaires du Québec. Des gens qui ont travaillé dans cet organisme et encaissé de l’argent dans l’illégalité œuvrent d’ailleurs toujours aujourd’hui au sein du cabinet du premier ministre.
2) L’actuel chef fédéral de l’opposition à Ottawa Stéphane Dion. Cet homme a fait voter la loi C-20, mieux connue sous le vocable de « loi sur la clarté référendaire ». Comme je l’ai écrit plus tôt dans ce texte, l’appui au mouvement souverainiste croit sans cesse. Et ainsi donc, comme les fédéralistes sentent que le tapis leur glisse sous les pieds et qu’ils craignent de perdre le prochain référendum, ils ont changé les règles démocratiques qui ont toujours eu cours afin qu’elles soient davantage favorables à l’option fédéraliste. Ainsi, la loi C-20 donne maintenant au gouvernement du Canada un droit de regard sur la question référendaire. De plus, elle impose arbitrairement un seuil minimum au résultat référendaire. Elle parle de majorité claire… Or aucun chef fédéraliste ne s’est risqué jusqu’ici à définir ce qu’est une majorité claire…
Cela s’appelle de la démocratie à géométrie variable. Il se peut en effet, qu’une minorité puisse imposer sa volonté à la majorité, comme l’a récemment fait l’Union européenne en obligeant la Macédoine à recueillir plus de 55% des votes pour pouvoir proclamer son indépendance. Mais au Québec, la règle de la majorité simple de 50% plus une voix s’est toujours appliquée. Changer les règles à ce stade, c’est pervertir le processus démocratique et aller à l’encontre du droit international. Il existe ainsi un risque réel que cela entraîne éventuellement des troubles sociaux importants.
3) le premier ministre du Canada Stephen Harper. Il a appuyé la loi C-20. Celui qui se dit contre l’ingérence dans les affaires d’un pays étranger a imposé aux Canadiens l’engagement militaire dans des opérations offensives dans un pays étranger qui ne nous a jamais attaqués. Cette décision va également à l’encontre de la volonté majoritaire des Canadiens, et surtout des Québécois qui s’opposent farouchement à cette guerre en Afghanistan. À noter que les soldats canadiens engagés au combat remettent les prisonniers qu’ils capturent aux autorités américaines et afghanes. Une pratique totalement illégale en vertu de la convention de Genève.
4) L’ex-premier ministre Jean Chrétien. Cet « honorable individu » fut le chef du gouvernement canadien qui est à l’origine du plus grand scandale de l’histoire canadienne. Le scandale des commandites était à l’origine un programme de visibilité pour convaincre les Québécois de demeurer au sein du Canada. Lancé par le ministère du Patrimoine du Canada ce programme fut un gouffre financier dans lequel plus de 300 millions de dollars des fonds publics ont disparu au profit d’agences de publicité, le tout en violation de toutes les règles d’attribution de contrat.
Les Français doivent également savoir que l’ex-président américain Bill Clinton est venu au Canada lors de la campagne référendaire de 1995. Il a alors réitéré son attachement pour un Canada uni. Pourtant, personne ne s’est plaint à cette époque de l’ingérence du président américain dans les affaires internes du Canada. Par contre, lors de la visite du Général De Gaulle, il en fut tout autrement, comme on le sait… À l’instar de Madame Ségolène Royal, il fut cloué au pilori par ceux qui défendent le Canada, même dans l’illégalité.
Finalement, des intervenants « intéressés » ont pris position dans ce débat. Nous aurions grand intérêt à considérer leurs interventions avec les nuances qui s’imposent. Quand le clan de Monsieur Nicolas Sarkozy abonde dans le même sens que les fédéralistes de chez nous, cela s’apparente à mon humble avis à une méconnaissance de la réalité de la société francophone d’ici. En effet, la France ne peut rester silencieuse devant un Canada qui méprise le droit des individus et des peuples.
Car le Canada ne respecte aucune règle. En 1970, il a bafoué les droits de milliers de personnes par une loi d’exception qui s’appelait à ce moment : Loi sur les mesures de guerre. Cette loi a permis l’emprisonnement sans procès ni accusation de milliers de Québécois pour la plupart des souverainistes et des gauchistes.
Aujourd’hui, rien n’a changé. Et les autorités canadiennes continuent de mépriser le droit international avec des lois comme celles sur les certificats de sécurité qui permet la détention et la déportation arbitraire de personnes soupçonnées d’appartenance à des mouvements terroristes. Des gens innocents ont ainsi été déportés vers des pays où ils ont subi la torture. Le cas de Maher Arar est particulièrement révoltant. Suite à un échange secret d’information entre la Gendarmerie royale du Canada et les services secret américains, ce citoyen canadien d’origine arabe fut déporté en Syrie où il fut torturé pendant plus d’un an.
Quant à la loi C-20, elle attaque de manière sans équivoque le droit des Québécois à leur autodétermination et restreint les prérogatives de l’Assemblée nationale du Québec. C’est une attaque sans précédent contre la démocratie, et cela est inacceptable.
Comme on le constate ici, le Canada est loin d’être un exemple de respect de la démocratie et des droits humains. Aussi, j’estime que le principe de non-ingérence ne s’applique pas lorsque de telles violations ont cours. J’invite donc la France et les Français et particulièrement les candidats à la présidence à prendre connaissance des faits et à rester vigilants. La France doit exiger du Canada qu’il respecte les règles de droit et de démocratie reconnues internationalement. Elle doit exiger le respect des droits des citoyens et des institutions qui les représentent. Il y va de la crédibilité de la France dans son vœu constitutionnel de fraternité.
Daniel Lévesque
Québec 24 janvier 2007
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
2 commentaires
Archives de Vigile Répondre
30 janvier 2007Tout à fait d'accord avec vous monsieur Lévesque. Ségolène Royal avait tout à fait le droit de donner son opinion sur l'indépendance de notre nation. Le Québec et le Canada se prononcent bien sur des pratiques douteuses dans certains pays, les Français ont droit de savoir ce qui se passe ici, y compris les pratiques douteuses qui se déroulent pour soi-disant "préserver l'unité canadienne".
Félicitations!
Fernand Lachaine Répondre
25 janvier 2007Votre message à Mme Royale-- tout à fait formidable
Merci
Fernand Lachaine