Les yeux tournés vers Charlevoix

Climat politique au Québec

Inutile de faire de grandes dissertations, la rentrée politique se résume à trois questions cet automne : Jean Charest va-t-il se rendre jusqu’aux prochaines élections? Pauline Marois sera-t-elle élue dans Charlevoix ? Et y aura-t-il des élections au Québec en 2008 ?


Le reste, c’est de la broutille : la Commission Johnson va confirmer que nos routes et viaducs sont mal entretenus, la Commission Castonguay va recommander de faire appel au privé pour réduire les coûts de la santé, et la Commission Bouchard-Taylor va constater que les Québécois n’aiment pas l’immigration lorsqu’elle leur impose des valeurs religieuses et des accommodements qui dérangent.
Il est trop tôt pour prendre vos paris sur l’avenir de Jean Charest. Les dés ne sont même pas lancés. En se portant candidate dans Charlevoix, Pauline Marois a lié le sort du PQ, et par la même occasion celui des autres partis, aux résultats des élections complémentaires du 24 septembre. Une défaite de Mme Marois jetterait les péquistes dans un profond désarroi qui changerait totalement la donne pour Jean Charest et Mario Dumont. Par contre, une victoire éclatante contre l’ADQ lui vaudrait l’admiration de ses militants, le respect de ses adversaires et l’attention des Québécois. Il est toujours plus facile de rallier les électeurs derrière un gagnant qu’un perdant. Bref, c’est un peu l’avenir du PQ qui se jouera dans deux semaines dans la grande région de Québec.
Cette élection complémentaire pourrait déterminer s’il y aura ou non des élections au Québec au printemps de 2008. Si le PQ sort affaibli dans Charlevoix, il se retrouvera dans une situation similaire à celle du Bloc québécois à Ottawa, forcé d’appuyer le gouvernement Harper afin d’éviter des élections dont il ne veut pas. Mais si Pauline Marois gagne haut et fort, il lui sera plus difficile d’appuyer le prochain budget libéral comme le printemps dernier. Retour aux urnes en mai prochain? La réponse appartient peut-être aux électeurs de Charlevoix...
Il n’est pas dit, cependant, que les Québécois partageront l’impatience des politiciens à se lancer en campagne électorale. L’élection successive de gouvernements minoritaires à Ottawa et à Québec a multiplié les possibilités d’appels au peuple. Même si Jean Charest ne gagne pas de concours de popularité dans les sondages d’opinions, il faudrait que le climat politique se détériore pour que les Québécois réclament une chance de le remplacer par Mario Dumont ou Pauline Marois. L’économie roule assez rondement, le taux de chômage est à son plus bas depuis plusieurs années, on ne parlera plus des algues bleues avant l’été prochain, et les viaducs semblent tenir le coup...
Le menu législatif de Jean Charest sera mince cet automne : cinq des huit engagements pris dans le discours inaugural de mai ont été remplis : baisse des impôts, dégel des droits de scolarité, bulletins chiffrés, redevances sur les hydrocarbures pour le financement d’un Fonds vert et Loi sur les armes à feu automatiques. Les trois autres seront remplis cet automne : élimination de la malbouffe dans les écoles, solution au problème des agglomérations et ouverture de cliniques privées affiliées au réseau public de santé. Le gouvernement voudra aussi légiférer pour accroître la sécurité sur nos routes et devra répondre aux rapports des commissions Johnson sur le viaduc de la Concorde et Castonguay sur la santé.
Fidèles à eux-mêmes, les libéraux ne s’inquiètent pas publiquement des difficultés de leur chef dans les sondages d’opinions. On entend bien de la grogne, ici et là, mais « il n’y a pas de Brutus », admettent les critiques de Jean Charest. Et à l’interne, on nous répète que le premier ministre a passé un message sans équivoque : ils sera là pour la prochaine campagne électorale, et il ne répétera pas l’erreur de sa dernière campagne, axée sur son bilan, alors que tous les sondages indiquaient que les Québécois n’étaient pas satisfaits de ce bilan.
La grande préoccupation des libéraux en cette rentrée automnale est l’énorme roulement de personnel qui afflige leurs bureaux ministériels. Sous-payés et inquiets de leur avenir personnel face à d’éventuelles élections, les adjoints politiques quittent le bateau à un rythme effréné. Les députés et les militants se butent à de nouveaux adjoints sans expérience qu’ils ne connaissent pas et qui n’ont aucune idée du fonctionnement de l’appareil gouvernemental. Les dossiers traînent, ce qui n’est jamais bon pour un parti qui se réclame de l’efficacité.
Et Mario Dumont, dans tout ça? Lui aussi aura les yeux rivés sur les électeurs de Charlevoix. Parce qu’au fond, c’est l’ADQ et le PQ qui se disputeront les régions aux prochaines élections. Et comme il se doit, c’est dans la grande région de Québec que la bataille est lancée.


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