Les femmes et les hommes du syndicalisme en Wallonie n’ignorent pas le rôle joué par les syndicats du Québec dans l’affranchissement du Pays. Les syndicats ont, de fait, dans la vie de tous les pays démocratiques, un rôle capital. Mais il est moins visible que le rôle des hommes politiques qui assument dans les Parlements la responsabilité légale décisive. Il s’apparente à ce que Jean-Luc Dion a un jour souligné : le rôle capital (mais peu connu lui aussi), des ingénieurs dans la vie d’un pays et de son Etat. Les syndicats sont les ingénieurs des attentes concrètes, terre-à-terre - c’est-à-dire aussi politiques - de la communauté des citoyens.
Quel est l'échec québécois et l'échec wallon?
De l’avis, général, le mouvement wallon a connu cet échec dont je reprends la définition au manuscrit de la thèse de doctorat de Christophe Traisnel (2005) qui compare Québec et Wallonie : « En, Wallonie, le succès remporté par le mouvement wallon et ses thèses fédéralistes avec la création de la Région wallonne, le conduit à s’exprimer d’abord par l’intermédiaire des institutions dont il est à l’origine, mais peine à convaincre une population wallonne sceptique quant à l’existence d’une identité wallonne qui viendrait justifier l’existence d’une telle région, et méfiante vis-à-vis de toute forme de nationalisme. » (p.491) Au Québec, « Les souverainistes n’ont pas encore réussi à convaincre une forte majorité de Québécois d’accepter la lecture particulière qu’ils font de l’identité québécoise et la perspective qu’elle suppose… » (p.495) (à savoir l’indépendance). Mais cette identité québécoise existe bel et bien. Si l’identité wallonne est encore mise en doute, paradoxalement, les progrès de l’autonomie wallonne sont fulgurants. Car l’accord gouvernemental qui finira par se trouver placera 70% des compétences de l’Etat belge aux mains d’une Wallonie que les dispositions constitutionnelles belges (égalité des normes, liberté sur le plan international), rendent quasiment indépendante (cela même si l’on maintient une sécurité sociale inter-étatique en Belgique).
Les dirigeants politiques font comme si cette modification radicale n’était que la mise en place d’une « nouvelle Belgique ». Le Mouvement du Manifeste wallon a pourtant réussi, pour après-demain 22 novembre à Charleroi, à réunir un ensemble de syndicalistes de haut niveau et de politiques importants ralliés au thème La Wallonie par choix, non par défaut ! . Ce qui est en contradiction avec l’esprit dans lequel la classe politique agit. Celle-ci est muselée par le système particratique. Un système qui paralyse le Parlement en imposant depuis avant l’élection (les candidats sont choisis par le président de parti) jusqu’après celle-ci (qui ne sert qu'à ratifier le choix présidentiel), et jusque dans la manière de nommer les ministres et de cadenasser les débats parlementaires: la présidentocratie -. La classe politique se résigne à une Wallonie choisie par défaut et défendue sans conviction. La logique politique (celle des présidents de partis et de leurs cours), ce sont les paillettes médiatiques, l’ignorance. Les cours des présidents de partis flattent dans la population l’impression fausse que rien ne change. Plus grave encore, elles flattent dans l’opinion publique le sentiment qu’il n’y a pas à s’intéresser à la politique puisque les partis et leurs présidents s'en occupent. Il n’en va pas de même des syndicats et des acteurs économiques qui savent, eux, au contraire, en profondeur, que la Wallonie doit se tailler la plus large autonomie et qu’elle ne peut compter sur un Etat belge dépassé qui a été depuis trois-quarts de siècle son plus dangereux ennemi. Et qui ont à compter avec leurs mandants tellement la vie sociale, bien plus complexe que la vie politique, est agitée de conflits et de tourbillons à l'infini.
L'engagement des syndicats, réussite québécoise et wallonne
L’assemblée wallonne ouverte de Charleroi le lundi 22 novembre prochain se fera entendre. En revanche, je doute qu’elle ébranle tout de suite tant l’opinion que la présidentocratie. La force de cette assemblée ne changera pas immédiatement la donne politique ni la façon dont l’opinion publique croit encore à une Belgique qui, cependant, détruit le Pays wallon depuis trois-quarts de siècle. Mais les responsables ouvriers, employés, agriculteurs, patrons, intellectuels savent qu’il n’y a de salut que dans une Wallonie l’emportant sur la Belgique. L’éveil wallon disait l’historien Léopold Genicot a toujours été « lent et dur ». Il le demeure. Sans illusions sur une réussite rapide, je crois que, effectivement, la réunion de Charleroi fera progresser l’identité wallonne et la cause d’une Wallonie libre que les militants veulent de manière entêtée depuis plus d’un siècle. Je me permets d’associer les luttes des deux peuples.
Le succès de la pétition contre Charest et le succès escompté de la réunion de Charleroi. Tenons-nous la main par-dessus l’océan qui nous éloigne sans nous séparer. Nous devrons lutter encore longtemps. Approfondissons notre amitié. Elle compte. Comme compte aussi cette représentation non constitutionnelle, non légale, mais concrète et aussi démocratique que le Parlement : la représentation, par les syndicats d’ouvriers, d’employés et de paysans, du peuple wallon et du peuple québécois et au sein de ces peuples, les classes les plus dominées.
Programme de l'assemblée du 22 novembre
Les syndicats aussi constitutionnels que le Parlement
Assemblée wallonne ce 22/11 à 18h30 à Charleroi (Université du Travail)
Chronique de José Fontaine
José Fontaine355 articles
Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur...
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Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur et Mirwart) et directeur de la revue TOUDI (fondée en 1986), revue annuelle de 1987 à 1995 (huit numéros parus), puis mensuelle de 1997 à 2004, aujourd'hui trimestrielle (en tout 71 numéros parus). A paru aussi de 1992 à 1996 le mensuel République que j'ai également dirigé et qui a finalement fusionné avec TOUDI en 1997.
Esprit et insoumission ne font qu'un, et dès lors, j'essaye de dire avec Marie dans le "Magnificat", qui veut dire " impatience de la liberté": Mon âme magnifie le Seigneur, car il dépose les Puissants de leur trône. J'essaye...
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