L’auteur s’exprime en son nom personnel.
Si, même chez les communistes, les puissants vivent dans le luxe, c’est parce que la plupart d’entre eux se servent du pouvoir pour voler. Quand un groupe d’amis contrôle l’armée, la police, la loi, les juges et les ressources de l’Etat, il est en effet extrêmement facile de détrousser le reste de la population. Cela est d’autant plus vrai que les spécialistes de la fraude et de l’arnaque rôdent en permanence autour des centres du pouvoir et sont toujours disponibles pour montrer aux politiciens toutes les ficelles de leur métier.
Ce processus de concentration de la crasse d’une société est responsable du fait que, lors des grandes crises du passé, de petits groupes d’idéalistes sont souvent parvenus à renverser des régimes solidement établis, mais corrompus. Les philosophes du siècle des Lumières ont ainsi provoqué la fin de la féodalité française; une poignée de bolcheviques ont détruit le tsarisme; Mao et ses guérilleros déguenillés ont vaincu un Tchang Kaï-chek qu’appuyait le puissant Occident, etc.
Pour obtenir la création du pays dont ils rêvent, les indépendantistes québécois devront eux aussi vaincre une vaste coalition d’exploiteurs formée d’entrepreneurs capitalistes accourus du monde entier, du Canada anglais, des Anglo-Québécois et de leur parti, le PLQ, et de chefs souverainistes qui, depuis seize ans, finassent avec l’option et les abreuvent de promesses ambigües pour tenter de les convaincre de travailler gratuitement à leur élection.
Cette lutte contre le vol devra cependant être livrée dans le contexte de la crise économique qui commence. Or, celle-ci promet d’être nettement plus grave que celles des siècles passés. En fait, elle a des causes si fondamentales que les principaux pays du monde ont déjà gaspillé en pure perte la quasi-totalité de leurs réserves financières pour essayer de la contrer. On peut donc s’attendre à ce qu’elle favorise non seulement le projet souverainiste mais également une refonte en profondeur de notre mode de vie. Voyons brièvement pourquoi :
La fin d’un monde en croissance
Aucune espèce vivante ne pourrait survivre en restant isolée parce que tous les êtres vivants consomment des ressources et produisent des déchets. Pour le dire autrement, aucune plante ou animal n’est capable de consommer ses propres déchets. Pire, dans un univers où tout a naturellement tendance à se défaire, tous sont obligés, pour survivre, de générer un profit; c’est-à-dire qu’en plus de les faire vivre, leurs activités doivent produire un surplus qui permette de compenser la détérioration naturelle de leurs corps et de leurs biens. Tout cela fait que, partout sur la planète, des espèces ayant des besoins complémentaires ont été obligés de cohabiter; les plantes rejetant par exemple l’oxygène que les animaux consomment en produisant le gaz carbonique dont les plantes ont besoin.
L’existence de ces cycles naturels, qui ont permis à la vie de se perpétuer pendant quatre milliards d’années, a d’énormes implications pour la survie d’une espèce comme la nôtre qui se développe en suivant une logique de croissance linéaire illimitée. Au point de vue écologique, deux choses caractérisent en effet l’humanité et ce, depuis des millions d’années(sic) : sa production sans cesse croissante de déchets et la destruction des milieux naturels capables de les absorber ou de les recycler. Si, pendant longtemps, cela n’a pas eu de graves conséquences, ce n’est plus le cas de nos jours où le déclin accéléré de nos écosystèmes planétaires montre que des limites ont été définitivement atteintes et dépassées.
Le problème est d’autant plus sérieux que l’humanité, en plus de continuer sa folle croissance démographique, s’est donné l’objectif délirant d’enrichir ses innombrables pauvres. Pour y parvenir, la plupart des peuples ont d’ailleurs adopté un mode de vie industriel basé sur les notions de progrès et d’expansion sans fin. Au niveau spatial, cette course à l’enrichissement a amené nos semblables à occuper et à exploiter la plupart des territoires utilisables, même dans les parcs nationaux. Au niveau matériel, elle a provoqué, à une extrémité de la chaîne de production, l’épuisement des sources de matières premières et, à l’autre extrémité, le rejet d’une quantité prodigieuse de déchets. Au niveau énergétique, elle a forcé nos industriels à concentrer des quantités sans cesse croissantes d’énergie dans le moins d’espace et de matière possible. Au niveau temporel enfin, elle a amené la consommation de cette énergie concentrée dans des temps toujours de plus en plus courts.
En tout domaine, notre espèce a pratiquement épuisé ses possibilités d’expansion; d’où la crise actuelle.
Au Québec, la tendance à l’autodestruction qui travaille notre espèce s’est récemment exprimée dans le Plan Nord et dans cette industrie des gaz de schistes qui, pour permettre à quelques étrangers de faire un profit immédiat, s’apprête à injecter des quantités astronomiques de poisons industriels directement sous les terres agricoles et les sources d’eau qui sont censées nous nourrir et nous abreuver pendant des millénaires.
Ce simple exemple montre que le moment approche à grands pas où nous devrons nous réorganiser pour empêcher que l’égoïsme d’individus sans conscience ne détruise les parties encore viables de la planète.
Les vols capitalistes
Face à la gigantesque crise environnementale qui débute, nos entrepreneurs capitalistes, qui sont incapables de voir au-delà d’un horizon de quelques années ou de quelques mois, vont réagir comme au Québec en tentant de maximiser le rendement de leurs petites magouilles traditionnelles.
Un de leurs trucs favoris est celui qui consiste à profiter avant tout le monde d’informations stratégiques qu’ils achètent à ceux qui sont les premiers à savoir; par exemple aux comptables qui préparent les états financiers des grandes entreprises ou aux fonctionnaires qui décident où, quand et comment seront dépensés les fonds publics. Cette très simple combine est à l’origine des immenses fortunes accumulées par les ¨grands génies¨ de la bourse. Quand ils entendent de pareilles évidences, les pigeons qui investissent leurs économies à la bourse affirment ordinairement que personne n’oserait s’accaparer ainsi de dizaines de milliards de dollars à cause du risque de se voir emprisonné pendant quatre ou cinq ans. Ben voyons!
Les jeux monétaires sont un autre moyen efficace pour voler le grand public. Pour dégager d’immenses profits, les puissants n’ont en effet qu’à acheter massivement une devise sûre pour ensuite demander à leurs amis au pouvoir de faire varier les taux de change dans un certain sens. (Les petits services rendus par les politiciens sont ordinairement rétribués, après leur retraite, par l’octroi de postes honorifiques grassement payés dans les conseils d’administration des grandes entreprises.)
On n’en finirait pas d’énumérer les trucs inventés par les entrepreneurs capitalistes pour profiter de la désorganisation du monde : les multinationales qui exportent leurs profits vers les pays où les niveaux de taxation sont les plus bas; le cartel déguisé des compagnies pétrolières qui font toujours varier leurs prix en même temps sans que personne ne puisse expliquer la logique économique suivie; les banques en faillite qui, après avoir exigé pendant des années une déréglementation poussée de leurs activités, exigent maintenant d’être renflouées avec l’argent des contribuables ; etc.
Les vols gouvernementaux
A la corruption des employés de l’Etat s’ajoutent tous les vols que les gouvernements organisent pour leur propre compte. Un des plus productifs est le très traditionnel vol par inflation; un stratagème qui, depuis l’invention de la monnaie, a permis à d’innombrables gouvernants de s’enrichir en créant tout simplement l’argent dont ils avaient besoin. A l’époque de la monnaie métallique, les chefs d’Etat en mal d’argent diminuaient la teneur en or des pièces de monnaie qu’ils émettaient. Du temps de la monnaie de papier, ils faisaient fonctionner la planche à billets. A notre époque dominée par l’argent électronique, ils jouent avec les taux d’intérêt. Dans tous ces cas, les gouvernants ont réalisé un transfert massif de richesse en créant une inflation qui réduisait la valeur des salaires, des rentes et des biens des classes sociales les moins favorisées.
Pour faire face à la crise, le gouvernement américain vient tout juste de se servir de ce type de vol en décrétant qu’il allait maintenir les taux d’intérêts à presque 0% jusqu’en 2013; une stratégie qui aura l’avantage supplémentaire d’attirer encore plus de gogos vers la bourse.
On pourrait penser qu’un gouvernement ne pourrait faire pire que d’abaisser les taux d’intérêt à 0%. Or, il le peut comme l’a montré celui de l’Argentine qui, en 2001, a interdit à ses citoyens de retirer leurs économies des banques pendant un temps suffisamment long pour que l’inflation puisse les réduire à presque rien.
Pour un Etat, l’inflation est également avantageuse parce qu’elle provoque une hausse généralisée des salaires; ce qui accroît la charge fiscale des contribuables en augmentant leurs taux d’imposition. (Au Québec, les gens disent qu’ils changent de ¨braquette d’impôt¨.)
Remarquons que le vol par inflation fonctionne également entre pays puisque, par exemple, les Etats-Unis actuels comptent honorer une partie de leurs dettes internationales avec des dollars fortement dévalués. En quelque sorte, ils s’apprêtent à payer le pétrole et les produits qu’ils ont jadis consommés avec de la paperasse sans valeur.
Les procédés utilisés par les gouvernements pour voler des ressources sont parfois nettement plus subtils. C’est le cas du système déguisé de taxation qui consiste à faire croire aux travailleurs qu’ils investissent chaque mois dans ¨LEURS¨ fonds de pension alors qu’en fait, l’argent qu’ils y déposent sert à payer les pensions des retraités. Ce système de taxation indirecte, qui réduit de beaucoup les charges financières de l’Etat, a le grand avantage d’endormir les payeurs de taxes (qui contribuent sans rouspéter) jusqu’au jour lointain où ils réalisent enfin que, par le jeu du vieillissement de la population, ¨LEURS¨ fonds de pension ont été complètement vidés et ce, qu’ils soient privés ou non. Bye bye, les pensions!
Le Canada anglais a les deux mains dans notre boîte à biscuits
Au Québec, les vols commis par les puissants sont particulièrement productifs parce que le pays a été organisé par des envahisseurs qui y sont venus, non pour libérer la population, mais pour la détrousser.
Au niveau territorial, cela a commencé par le dépeçage des basses-terres du Saint-Laurent dont la partie occidentale a été confiée à l’Ontario, une province dont les frontières sud-est, anormalement rectilignes, s’approchent à quelques kilomètres seulement du Montréal métropolitain. Ce tracé artificiel des frontières, qui a été décidé pour réduire notre puissance, ne change bien sûr rien aux lois de la géopolitique qui font de Montréal le pôle d’attraction naturel de tout ce qui se passe dans les basses-terres du Saint-Laurent.
Profitons-en pour mentionner que la structure radiale du territoire québécois et de ses annexes ontariennes est typique d’un pays de producteurs et s’oppose à la structure démesurément allongée d’un pays de prédation comme le Canada anglais. Les biologistes ont en effet remarqué que les organismes vivants qui produisent de la richesse, les plantes notamment, avaient une symétrie radiale alors que les prédateurs, qui doivent se déplacer pour capturer des proies, avaient une structure allongée à symétrie bilatérale (ils ont un avant et un arrière). Dans le cas du Canada anglais, ce vestige du 19ème siècle impérial, l’arrière fut longtemps la Grande-Bretagne. Il va sans dire qu’une telle organisation du territoire n’a plus sa raison d’être à une époque où le développement technologique fait évoluer l’ensemble de l’Amérique du Nord vers une intégration continentale de type radial où tout finira par être centré sur les Etats-Unis.
Evidemment, comme cette évolution ne s’est pas encore exprimée dans le domaine politique, le Québec est encore aujourd’hui encerclé et pénétré par une impressionnante quantité de parasites : les Mohawks qu’on laisse libres de voler notre électricité et de faire de la contrebande; les Crees et les Inuit qui vivent des fruits de notre travail; Terre-Neuve qui, avec la connivence d’Ottawa, cherche à gruger notre territoire maritime et nos ressources pétrolières dans le golfe du Saint-Laurent; les anglophones du West-Island montréalais qui doivent l’essentiel de leur richesse à un quart de millénaire de discrimination, etc.
Le parasitisme le plus flagrant auquel le Québec soit soumis est certainement celui de la ville d’Ottawa, cette ville qui, en plus de faire concurrence à Montréal pour le contrôle de la partie ouest des basses-terres du Saint-Laurent, détournent au profit de l’Ontario la richesse du bassin hydrographique de l’Outaouais (qui est un affluent du Saint-Laurent). Pourquoi, dans un pays vaste comme un continent, les Canadiens anglais ont-ils construit leur capitale à moins d’un millimètre de la frontière québécoise? Pourquoi ont-ils déposé cette ville artificielle directement sur l’épiderme du Québec? C’est, bien sûr, pour tirer à eux le plus possible des richesses que nous produisons; c’est le principe de la sangsue!
Dans un contexte où un peu tout le monde a les deux mains plongées dans notre boîte à biscuits, comment s’étonner que les chefs souverainistes se soient joints à la bande des magouilleurs, eux dont les idéaux ont été corrompus par de trop longues années passées au pouvoir? Déformés par un système où la rouerie est systématiquement récompensée, nos chefs ont fini par singer les pires défauts de leurs adversaires fédéralistes. Pour eux, c’est devenu une habitude de tromper la population en utilisant des trucs comptables pour cacher leurs déficits ou en empêchant les taxes ascenseurs de redescendre. Dans ces circonstances, pourquoi se gêneraient-ils pour tromper leurs militants au sujet de leur véritable ferveur indépendantiste?
Ce qu’on nous vole est une énorme réserve de richesse
La crise actuelle a une ampleur telle que le système d’exploitation que nous venons de décrire aura peu de chances de survivre, surtout quand la population aura commencé à souffrir du chômage et de pénuries diverses. Notre système fédéral qui, en situation normale, est déjà en équilibre instable, devrait être un des premiers éléments à sauter.
Pour que la population vote pour l’indépendance, il suffira alors de lui montrer qu’en prenant le parfait contrôle de son territoire, elle profitera non seulement des immenses ressources que lui subtilisent ses parasites actuels, mais aussi de tout ce qui est gaspillé en pure perte par une entité artificielle comme le Canada. Au lieu de payer pour qu’une partie de ses ressources remonte le Saint-Laurent à contre-courant pour enrichir l’Ontario, le Québec s’en servira en effet pour se développer lui-même. Son gouvernement serait alors bien avisé d’investir massivement dans les régions pour que la pente naturelle du territoire fasse ruisseler la richesse sur tout le pays; l’idée étant de développer Montréal à partir des régions. Dans un contexte où l’ensemble de la population québécoise profitera de la richesse qu’elle crée, Montréal cessera alors d’être la pompe à dollars qu’elle n’a pas cessé d’être pour le Canada anglais depuis un quart de millénaire.
On aurait tort de penser qu’une redistribution de la richesse en faveur des régions appauvrirait forcément la métropole, car l’arrêt de la prédation ontarienne aura aussi pour effet de faire ruisseler vers le Québec une partie des ressources produites à l’intérieur du continent. Le seul fait de pouvoir taxer l’utilisation de notre transcanadienne, de notre réseau de voies ferrées et de notre voie maritime (comme le font Panama et l’Egypte avec leurs propres canaux), changera d’ailleurs la vocation internationale de Montréal qui, au lieu d’être la porte d’entrée du continent, comme c’est présentement le cas, en deviendra la porte de sortie.
Si on ajoute à tous ces profits les importants crédits de carbone qui nous seront versés par la communauté internationale en raison de notre peu polluante production hydroélectrique, il est clair que le Québec pourra aisément se passer de la fameuse péréquation canadienne. De façon assez ironique, les crédits de carbone dont nous parlons pourraient bien nous être payés par le Canada anglais lui-même dont la production pétrolière, qui est basée sur l’exploitation de schistes bitumineux, est particulièrement polluante.
A l’intérieur du Québec, la francisation de nombreuses villes, institutions, hôpitaux et universités anglophones aidera les francophones à traverser la crise puisque ce sera désormais eux qui bénéficieront des gros salaires, des subventions et des prêts-bourses qui sont actuellement accaparés injustement par notre petite minorité anglaise.
L’économiste John Stuart Mill a jadis remarqué que, si la production de richesses obéissait à des lois économiques strictes, sa distribution, elle, relevait entièrement de la volonté humaine. Il appartient donc aux Québécois de décider s’ils veulent continuer à se faire voler en restant sous la domination du Canada anglais. Ce dernier, pour paraphraser les Cyniques, veut tellement notre bien qu’il a toujours cherché à s’en emparer.
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Jean-Jacques Nantel, ing.
Août 2011
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1 commentaire
Archives de Vigile Répondre
16 août 2011Bravo ! Cher collègue,
Il importe que les ingénieurs, de par leur formation, participent vigoureusement à la réalisation d'un Québec libre, un Québec enfin maitre chez lui.
Un Québec qui pourra conclure les ententes qu'il voudra, avec qui il voudra, y compris le Canada, car il y a tout de même au Canada de très nombreux citoyens qui ne sont pas intoxiqués par la « harpérite » ou la « trudeauïte » à la sauce Jean Chretien...