Les États-Désunis du Canada

Les séparatistes

Plus moyen de nier, alors La Presse minimise, banalise et trivialise. Mais la pression s'accumule sous le couvercle de la marmite...


On connaît la boutade: si le Québec ne se sépare pas, c'est le ROC, le Rest of Canada, qui finira par le mettre à la porte! Elle vient à l'esprit en visionnant Les États-Désunis du Canada, documentaire-choc s'intéressant aux mouvements sécessionnistes des Prairies et des Maritimes*.
La bande-annonce résolument provocatrice mise en ligne, il y a cinq semaines, a été vue 132 000 fois.
Les Québécois y sont qualifiés de «voleurs», de «pleurnicheurs» et de «vermine» dans des extraits tirés de ce qu'il faut bien appeler l'internet-poubelle.
Cependant, le film est plus intelligent, moins... «michael-moorien», que ne le suggère la bande-annonce. Le cours d'Histoire canadienne 101 qu'il offre, aussi sommaire soit-il, constitue une explication économique du pays qui ne manque pas de justesse. La grogne exprimée, tant par un universitaire albertain spécialiste de Platon que par un pêcheur terre-neuvien privé de poissons, n'est pas que le produit du ressentiment: la confédération n'a pas toujours bien traité, en effet, l'Ouest et l'Est.
Or, il est exact que c'est le Québec qui, le plus souvent, est le bouc émissaire choisi par les sécessionnistes de tout le pays. En particulier ceux de l'Alberta, province devenue la vache à lait chargée de nourrir le «socialisme» québécois! Analyse injuste et caricaturale? Bien sûr. Mais les images qu'offre Les États-Désunis du Canada le sont aussi. Lorsqu'elles s'attardent, par exemple, sur ce pasteur des plaines garnissant son pick-up d'une Bible et d'une arme à feu... claire évocation du conservatisme rural américain incarné par le Tea Party.
Tout ce que nous aimons tant détester. Sans toujours résister, nous non plus, à la tentation de l'injure.
***
Cela étant, le film provoque une réflexion plus générale.
Est-il possible d'unir sous un même chapeau politique des sociétés culturellement, socialement et économiquement différentes? Est-ce que ces sociétés, en général consentantes à jouir des fruits d'une union, sont prêtes à en assumer également les contraintes? Celle, par exemple, de la solidarité économique?
C'est difficile, nous ne le savons que trop bien.
Et le fait est que, partout dans le monde, les forces centrifuges agissant au sein des entités politiques, quelle que soit leur forme, sont grandes. La plus récente sécession s'est produite il y a moins de 18 mois, celle du Soudan du Sud. Il existe environ 200 organisations indépendantistes dans le monde. Même l'Union européenne, une forme sophistiquée d'association ayant engendré une monnaie forte, présente des fissures.
La question est donc: un monde fragmenté où se multiplient des frontières souvent élevées par des égoïsmes collectifs offre-t-il un avenir désirable? On peut raisonnablement plaider que ce n'est pas le cas.


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