Les paroles de Denis Coderre coûtent cher aux Montréalais. Le maire omniprésent a dépensé plus de 250 000 $ pour faire rédiger des centaines de discours par des pigistes en trois ans, soit neuf fois plus que ses prédécesseurs de 2010 à 2013.
Allocution pour la soirée «District Party» à 1454 $, notes pour une conférence sur le plan d’action à la radicalisation à 1000 $ et discours d’inauguration du parc Émilie-Gamelin à 950 $, la facture grimpe rapidement.
Pour 2016 seulement, elle frôle les 184 000 $, selon des documents obtenus par Le Journal.
Les anciens maires Gérald Tremblay, Michael Applebaum et Laurent Blanchard avaient dépensé ensemble 28 563 $, de 2010 à 2013.
Sur les 400 discours prononcés par M. Coderre depuis son arrivée à la mairie de Montréal en novembre 2013, la moitié a été écrite par des pigistes.
Le reste a été rédigé par deux fonctionnaires assignés à temps plein à cette tâche sur la centaine d’employés de la division des communications de la Ville.
Le personnel de son cabinet politique rédige également certains de ses discours à saveur politique.
La facture de M. Coderre pour la composition de ses allocutions fracasse aussi des records au pays.
Plus qu’ailleurs
Le maire de Montréal dépense en pigistes plus que le premier ministre Philippe Couillard, qui, lui, n’a eu recours qu’à trois reprises au service d’un rédacteur à l’externe depuis son élection, en avril 2014, pour un total de 14 850 $.
Au cabinet du premier ministre, on indique que ses discours sont rédigés par deux membres de son personnel. Il compte aussi sur l’appui de fonctionnaires des différents ministères.
M. Coderre coûte aussi plus cher en pigistes que le premier ministre canadien Justin Trudeau.
Ce dernier n’a dépensé aucun sou pour l’écriture de ses textes depuis son arrivée au pouvoir en novembre 2015. Ses discours sont écrits par quatre des 17 membres de son équipe de communications.
Du côté des autres grandes villes du pays, aucun des maires de Québec, du Saguenay, d’Ottawa et de Toronto n’ont eu recours à des pigistes pour écrire leurs discours, a constaté Le Journal.
La mairesse de Longueuil a quant à elle eu recours à des rédacteurs à 25 reprises depuis les élections de 2013, pour un total de 18 300 $, soit 13 fois moins que M. Coderre.
Sans précédent
La Ville concède que ce sont des sommes sans précédent pour un maire de Montréal.
«On a une administration qui a fait le choix d’être très présente et très, très impliquée. On voit le maire toujours sur le terrain et, nous, on le soutient en l’alimentant avec le contenu rédactionnel», explique Louis Beauchamp, directeur des communications de la Ville.
Même si deux fonctionnaires sont à temps plein affectés à la rédaction de discours, la Ville doit quand même donner des contrats à des pigistes.
«C’est un choix de gestion. Même si j’embauche une personne, ça ne suffirait pas pour pouvoir bien répondre aux besoins de la Ville. On travaille dans des délais serrés, on gère un grand volume de communications et parfois, il faut livrer rapidement et c’est là qu’un pigiste nous amène cette flexibilité», souligne M. Beauchamp.
Au cabinet du maire Coderre, on n’a pas voulu commenter les coûts des discours.
«Le Service des communications de la Ville offre un service professionnel à l’administration», indique Marc-André Gosselin, attaché de presse du maire.
Les dépenses de ses prédécesseurs
Gérald Tremblay (2011)
- 2848,13 $
Gérald Tremblay, Michael Applebaum et Laurent Blanchard (2012-2013)
- 25 715,29$
Coûteuse omniprésence critiquée
La présence de Denis Coderre est justifiée mais trop coûteuse, déplorent certains.
«Normalement, ce type de communications devrait se faire à l’interne par les employés de la Ville», dit Danielle Pilette, spécialiste des affaires municipales.
Selon Mme Pilette, cette situation traduit le contrôle que veut exercer le maire dans toutes les sphères publiques.
Une opinion que partage l’opposition officielle à l’hôtel de ville. «Le pouvoir monte à la tête du maire et malheureusement, ça se passe aux frais des Montréalais», déplore Guillaume Lavoie, conseiller chez Projet Montréal.
«Le scandale c’est qu’on ne parle pas d’un ou deux discours, on parle de dizaines de discours qui ont atteint 184 000 $ pour seulement une année. Ça n’a aucun sens, c’est plus que les deux premiers ministres réunis», souligne l’élu.
Les chiffres sont impressionnants reconnaît Stéphanie Yates, titulaire adjointe de la Chaire de relations publiques et communications marketing de l’UQAM, mais il est sain pour une administration publique de confier la rédaction de discours à des pigistes.
«On sait que M. Coderre est très présent sur différentes tribunes non seulement à Montréal, mais aussi à l’étranger, souligne Mme Yates. Ça peut donc être justifié d’aller chercher une expertise spécifique en rédaction, même s’il a plusieurs employés.»
Exemples de facture
Le Journal a mis la main sur certaines copies des factures
- Notes de l’allocution du maire à l’occasion de la conférence de presse du plan d’action contre la radicalisation (737 mots, 5 pages) : 1006 $
- Allocution pour le dévoilement des résultats sommaires du rapport de travail mené à la suite du premier dénombrement des personnes itinérantes (1141 mots, 8 min, 7 pages) + un communiqué de presse : 1609, 65 $
- Notes de l’allocution pour le Sommet de l’AQtr, le grand triangle transport, Turcot, Champlain et Bonaventure (3034 mots, 18 pages, 24 minutes) : 2213, 27 $
- Notes de l’allocution pour la cérémonie d’intronisation 2015 du Temple de la reconnaissance de Pointe-Saint-Charles (2084 mots, 13 pages, 16 min) : 1092, 26 $
- Allocution pour la Soirée District Party : 1454, 43 $
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