Malgré l’élection de Philippe Couillard à la tête du PLQ en mars dernier, les libéraux ont connu une de leurs pires campagnes de financement de l’histoire récente. À peine 7219 sympathisants libéraux ont versé un total de 596 556 $ au PLQ en 2013, révèlent les chiffres transmis par les partis au Directeur général des élections du Québec (DGE). Même en ajoutant les 550 403 $ amassés par les trois candidats à la direction du parti, entre janvier et mars 2013, on est loin des 3,08 millions encaissés par le PLQ en 2012, année électorale.
De son côté, le Parti québécois a récolté presque deux fois plus d’argent (951 227 $) auprès de deux fois plus de militants (14 244) que le Parti libéral depuis le début de l’année — ce qui reste toutefois nettement inférieur aux 3,7 millions amassés par le PQ en 2012.
La raison de cette baisse du financement populaire (qui frappe tous les partis) est fort simple : la nouvelle Loi électorale, entrée en vigueur le 1er janvier 2013, limite les dons d’électeurs à un maigre 100 $ par année. Le montant maximal des dons était de 1000 $ depuis 2010, et de 3000 $ auparavant.
Les partis provinciaux tirent désormais la majorité de leurs revenus du financement de l’État, qui a été augmenté pour compenser la baisse draconienne de la contribution des électeurs. Les partis obtiennent 1,50 $ par vote obtenu aux élections générales ; ils ont aussi droit à une prime de 250 000 $ pour les premiers 220 000 $ obtenus auprès de leurs sympathisants. Grâce à l’argent des contribuables, même les petites formations comme Québec solidaire peuvent maintenant se payer un autobus pour leur tournée électorale.
Les défis du PLQ
Les partis cherchent malgré tout à élargir leur base de militants, pour recueillir davantage de petits dons auprès d’un nombre accru de sympathisants. De toute évidence, le PLQ, qui sollicitait les importants donateurs du milieu des affaires dans le passé, doit encore s’adapter aux nouvelles règles du jeu, conclut Denis Saint-Martin, professeur de science politique à l’Université de Montréal.
« Les partis du centre comme le Parti libéral, qui attirent les ambitieux et l’élite d’affaires, doivent changer leur culture de financement, dit-il. Le parti a un nouveau leader, ceci sera son test : Philippe Couillard soit susciter un emballement qui rendra les militants plus enthousiastes. »
Le Parti libéral du Canada (PLC) a connu un bouleversement semblable il y a 10 ans, lorsque Jean Chrétien a banni les dons d’entreprises aux partis fédéraux, rappelle le professeur. Les libéraux, qui remplissaient leurs coffres à coups de dizaines de milliers de dollars venus de grandes entreprises comme Bombardier, ont mis des années à s’adapter aux nouvelles règles. Il a fallu l’arrivée de Justin Trudeau, en avril dernier, pour fouetter les troupes et inciter les militants à sortir leur portefeuille.
Le Parti conservateur de Stephen Harper, lui, compte traditionnellement sur des milliers de membres qui n’hésitent pas à verser 10 $, 25 $ ou 100 $ pour « la cause ». Un peu comme le Parti québécois. « C’est le propre des partis dits idéologiques, comme le Parti conservateur ou le Parti québécois, d’avoir des militants plus engagés », explique Denis Saint-Martin.
Permis de garderie et bouquet de roses
Un incident récent illustre les défis de financement du Parti libéral du Québec. Le député Pierre Marsan a déposé une lettre de sollicitation à l’entrée d’une synagogue de Dollard-des-Ormeaux, en septembre. La lettre rappelait que la communauté « a pu profiter de généreuses contributions » et d’un « permis de garderie » sous le règne du gouvernement Charest.
Le député avait dû s’excuser après avoir été rabroué par son chef. « S’il y a une piastre qui rentre dans le parti de même, je ne veux pas la piastre. Ça ne doit pas se produire et ça ne se reproduira pas, avait dit Philippe Couillard. On a plus de 50 000 membres maintenant au parti. Des milliers de contributeurs qui nous soutiennent sur la base de nos idées. C’est comme ça que le financement se fait, c’est comme ça qu’il va se faire, et ça s’arrête là. »
Une autre tradition a pris fin avec le départ de Jean Charest : les ministres libéraux avaient le mot d’ordre d’amasser 100 000 $ chacun par année. Cela a donné lieu à des situations embarrassantes, comme la fois où l’ex-entrepreneur Lino Zambito avait donné 40 roses à la ministre Nathalie Normandeau, en 2008, pour célébrer leur collaboration, notamment dans le financement politique. Le parti fait aussi l’objet d’accusations du DGE pour usage de prête-noms.
Le PLQ a reconnu ses erreurs et a tourné la page avec l’arrivée du nouveau chef, fait valoir Gabrielle Collu, porte-parole du parti. Le gouvernement Charest a lui-même resserré les règles de financement dès 2010, en diminuant les dons de 3000 $ à 1000 $, pour réduire les risques d’irrégularités. « Le parti s’est très bien adapté aux nouvelles règles de financement », dit-elle.
Un casse-tête
En privé, des organisateurs admettent que le financement des partis est devenu un casse-tête. Les électeurs sont désabusés. Plusieurs sont prêts à sortir leur chéquier, mais ne veulent plus voir leur nom dans la liste des donateurs, par crainte de s’associer à un milieu perçu comme « sale ».
La limite des dons à 100 $ par personne par année force aussi les organisateurs à faire preuve d’ingéniosité pour remplir leurs coffres. L’ère des cocktails de financement et des dîners au spaghetti tire à sa fin : « À quoi bon faire un cocktail pour obtenir des dons de 100 $ si l’organisation coûte 45 $ par personne ? », dit un membre influent du PLQ.
Le Parti libéral n’est pas la seule formation à se démener pour solliciter les dons de ses militants. La Coalition avenir Québec (CAQ) de François Legault a amassé à peine 134 455 $ auprès de 1703 donateurs en 2013 (comparé à 1,9 million en 2012, quand le parti avait le vent dans les voiles avant l’élection générale). Québec solidaire a devancé de peu la CAQ en encaissant 152 992 $ de 2227 sympathisants.
Le petit parti de gauche doit changer sa méthode de financement avec les nouvelles règles, a expliqué la députée Françoise David. « Beaucoup de gens faisaient des paiements préautorisés mensuels. On leur a tous écrit pour leur dire que c’est fini, vous ne pouvez plus, parce que les gens donnaient plus que 100 $ par année. » QS a relancé ses membres pour leur rappeler de faire un don avant la fin de l’année.
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