Climat, liberté animale, multiculturalisme radical... l’année 2020 sera marquée par les nouveaux intégristes BCBG.
La chose peut paraître anecdotique. Quelques militants véganes font irruption dans le restaurant réputé Joe Beef de Montréal. Pancartes à la main et slogans à l’avenant: «On veut la libération animale maintenant», disait l’une de ces affiches.
Rien de nouveau sous cette froide soirée de janvier; je me souviens très bien de mes amis cégépiens, il y a longtemps de ça, qui choisissaient d’être végétariens, voire véganes. On respectait ça et on le fait encore. On adapte nos menus pour s’assurer que végétariens et végétaliens peuvent partager les mêmes tables que nous.
Le copropriétaire du Joe Beef, David McMillan, a d’ailleurs réagi de la bonne façon en refusant de jeter de l’huile sur le feu:
«À l’intérieur du resto, c’est un peu raide, mais ils ont le droit. Je trouve juste que c’est un peu bizarre comme cible quand on sait qu’on travaille avec des producteurs québécois et qu’il y a des McDo partout.»
En effet, le choix de Joe Beef par nos Che Guevara véganistes en culottes courtes peut surprendre quand on prend en compte l’éventail des cibles possibles parmi lesquelles plusieurs seraient pas mal plus pertinentes.
Mais viser Joe Beef assure le maximum de visibilité. On est ici au cœur de la gastronomie in de la métropole.
Ironique quand même de viser un restaurant qui se fait un devoir d’encourager les producteurs locaux et qui ne rechigne pas le bio non plus! Mais viser McDo... ça fait tellement ringard.
Et le Vegan Order préfère être un peu plus in...
L’économie locale
Je le répète, pas de problème à ce que quiconque choisisse d’être végane, c’est la prérogative de chacun de se nourrir comme il ou elle l’entend. Aussi, pour accommoder ce choix, de plus en plus de tables et de restaurants proposent des menus qui s’adaptent à ce choix alimentaire.
Conséquemment, il est impératif de respecter le choix de ceux qui ne sont pas véganes. Sans compter que dans une région comme celle que j’habite, la consommation responsable de la viande est un moteur économique intéressant.
Il y a par ici des fermes bios qui profitent de la proximité d’un abattoir afin de commercialiser des produits nichés dans un rayon de moins de 120 km de Montréal, Mont-Tremblant et Gatineau.
On parle ici de plus d’une centaine d’emplois directs et indirects, de fermes et de producteurs locaux, de boucheries de proximité et bios, de restaurants qui s’approvisionnent de ces sources locales.
Et cette industrie locale florissante a permis à de nombreuses familles de faire non seulement le choix de consommer moins de viande, mais de privilégier celle qui est produite, de bout en bout, ici, chez nous.
Je sais, je sais... On se parle de ça entre nous, mais cela n’aura aucun impact sur le militantisme des intégristes véganes. Ceux-ci continueront leur combat pour la «libération animale».
Personnellement, je préfère la nuance. S’il est vrai que les grandes exploitations industrielles de viande dérangent et sont même nocives, pourquoi s’en prendre à un restaurateur qui privilégie l’achat local et qui est très loin d’être un cancre en la matière! Pourquoi ne pas viser plutôt ceux qui sont partie prenante de ces exploitations industrielles plutôt qu’une bannière locale?
Ça me fait penser à Greta Thunberg qui s’attaque au tennisman Roger Federer en lui reprochant son partenariat avec le Crédit suisse, un établissement bancaire qui investit dans l’industrie pétrolière. Ça fait sourire quand on se rappelle que le bateau écolo, au sein duquel la jeune militante écologiste a traversé l’Atlantique, a été fabriqué à un prix faramineux pour l’un des Rothschild et qu’il est désormais la propriété de la famille princière de... Monaco!
Mais bon, le mouvement végane compte son lot d’intégristes BCBG et ceux-ci s’inscrivent tout à fait dans la logique de notre époque, ce militantisme hyper engagé, qui se soucie moins d'être pertinent que de se projeter avec un certain esthétisme.
Ça passe tellement mieux sur Instagram.