Le gouvernement Couillard décaissera deux milliards de dollars de plus sur dix ans pour rémunérer les médecins spécialistes — et ce montant pourrait bien augmenter, révèlent les grandes lignes de l’entente avec la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) qui ont été dévoilées vendredi. Le marché conclu avec les médecins prévoit en effet que le gouvernement devra se rasseoir à la table de négociations si l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS) établit que les médecins canadiens gagnent davantage que leurs homologues québécois. Voici quatre questions pour comprendre l’accord.
Quel montant sera versé aux médecins ?
Québec consacre deux milliards de dollars aux augmentations salariales des médecins spécialistes. Ils obtiennent des hausses de 11,2 % sur huit ans, équivalant à une dépense récurrente de 511 millions, étalée sur huit ans. Québec octroie aussi un montant non récurrent de 1,5 milliard aux médecins spécialistes. Le gouvernement prétend que ce montant est « dû » aux médecins en raison de l’étalement répété d’une première entente, intervenue en 2007 entre Gaétan Barrette et Philippe Couillard, respectivement président de la FMSQ et ministre de la Santé à l’époque. « On est dans le rattrapage du rattrapage du rattrapage. Alors, c’est pour ça que les chiffres ont l’air astronomiques. Mais quand on les décortique, on voit la logique derrière ça », a fait valoir le président du Conseil du trésor, Pierre Arcand.
En 2007, l’entente Couillard-Barrette prévoyait un rattrapage salarial de 25 %, jusqu’en 2016. Or Gaétan Barrette a reconnu jeudi que cet accord a été conclu sur la base de prévisions erronées, qui surestimaient la rémunération des médecins hors Québec pour les années à venir. « Personne n’aurait pu prédire qu’il allait y avoir un ralentissement [de la rémunération des médecins au Canada]. Comme l’entente ne prévoyait pas de réouverture, on en est là ! » a admis le ministre de la Santé. À plus de 400 000 $, le salaire moyen des médecins spécialistes québécois se classe troisième parmi les plus élevés au pays. Dans l’entente qu’il a conclue la semaine dernière avec la FMSQ, le gouvernement n’a, encore une fois, pas prévu de clause de réouverture. Il se félicite néanmoins d’avoir stabilisé, à 20 %, la part des dépenses du ministère de la Santé destinée à la rémunération médicale.
Le gouvernement pourrait-il verser davantage d’argent aux médecins ?
Oui. Québec confie à l’ICIS le mandat de comparer les salaires des médecins spécialistes avec ceux de leurs homologues canadiens. Si l’organisme indépendant constate une différence défavorable aux médecins spécialistes québécois, Québec devra combler l’écart. « Cette décision-là lie le gouvernement », a confirmé la secrétaire associée du Conseil du trésor, Édith Lapointe. « Par contre, elle ne peut pas imposer au gouvernement la façon dont le [il] va corriger cet écart-là. […] La façon dont le gouvernement va le verser et à quel moment il va le verser, ça demeure [sa] prérogative », a-t-elle ajouté. Si l’ICIS conclut plutôt que les médecins spécialistes québécois gagnent plus que ceux du reste du Canada, le gouvernement ne réclamera pas les sommes excédentaires payées aux médecins. « Il faut respecter les ententes », a indiqué Pierre Arcand, ajoutant qu’il n’est « pas inquiet ».
Le gouvernement affirme avoir réalisé 3 milliards d’économies. Pourquoi ?
« Nous allons générer, avec l’abandon de cette clause remorque, des économies de plus de 3 milliards », s’est félicité le ministre Arcand devant les médias. Il faisait référence à la clause de parité que le ministre Gaétan Barrette a concédée aux médecins spécialistes en 2014. Celle-ci prévoyait des augmentations de 5,25 % ; des hausses au moins aussi importantes que celles obtenues par les employés du secteur public. Les médecins spécialistes ont accepté d’y renoncer. Autre « économie » soulignée par Québec : la FMSQ a accepté de « prendre, à même son enveloppe, une somme de 105 millions pour améliorer l’accès aux services », a annoncé Pierre Arcand. La continuité des services de spécialité de base, comme l’anesthésiologie ou la chirurgie, devra donc être assurée, sous peine de sanctions pouvant atteindre 3000 $ par jour, par médecin. Les médecins qui se déplaceront en région pour combler les besoins empocheront des primes de 750 à 1500 $.
La somme de 2 milliards inclut-elle les primes qui ont fait les manchettes ?
Oui. Les enveloppes globales négociées entre les fédérations médicales et le Conseil du trésor comprennent toutes les formes de paiements versés aux médecins : paiement à l’acte, frais de cabinets, primes, activités administratives, salariat ou paiement mixte pour certains médecins. Les fédérations médicales déterminent, en collaboration avec le gouvernement, comment les sommes seront dépensées — par exemple, quelles spécialités toucheront quelles augmentations ou quels incitatifs seront mis en place pour les régions éloignées ou pour faire diminuer les listes d’attente.
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