08 Septembre 2010 Par oblomov - Les récentes dérives « sécuritaires » du gouvernement, dont beaucoup s'accordent à penser qu'elles sont avant tout pourvoyeuses d'insécurité, créatrices de peurs et génératrices de repli et de soumission, se déploient depuis la sphère américaine partout en Europe depuis des années. Ce « joujou électoral», activateur de fantasmes, est avant tout une théorie libérale, assez dépassée qui a montré ses limites. L'ouvrage de Loïc Wacquant : « Les prisons de la misère » paru en 1999 aux éditions « Raisons d'Agir », revient largement sur cette doctrine, sa mise en application et ses conséquences. Il n'est pas inutile de faire à nouveau le point sur le travail du sociologue, au moment où la loi LOPPSI 2 et le projet de loi sur l'immigration agitent à nouveau le spectre du « tout sécuritaire ».
Le projet de Loïc Wacquant, comme il l'exprime en première partie de son étude : « Comment le bon sens pénal vient aux Européens » est de démontrer en premier lieu que « les paniques morales » de l'Europe dont l'objet apparent est « la délinquance des jeunes », « les violences urbaines », « les désordres multiples des quartiers sensibles » dissimulent en réalité un autre enjeu : « la redéfinition des missions de l'Etat qui, partout, se retire de l'arène économique et affirme la nécessité de réduire son rôle social et celle d'élargir, en la durcissant, son intervention pénale ». Ainsi, la criminalisation de la misère « décharge l'Etat de ses responsabilités dans la genèse sociale et économique de l'insécurité » pour en appeler aux responsabilités individuelles. Ce nouveau « sens commun pénal », nous vient tout droit d'Amérique, et du mythe de la « tolérance zéro ». On le retrouve en France dans les déclarations de M. Sarkosy, et dans les dispositions de lois, directement inspirées de faits divers qui visent à développer la sécurité privée, élargir les missions de la police municipale, durcir les peines, instaurer un couvre-feu pour les mineurs, développer un arsenal répressif contre les parents de mineurs délinquants... En stigmatisant les jeunes, les classes sociales les plus défavorisées et les étrangers, « Il faut réaffirmer l'emprise morale de la société sur ces mauvais pauvres ». Loïc Wacquant détaille la mise en place de la doctrine de « tolérance zéro » dans son application par R. Giuliani à New-York et montre que cette politique coûteuse, jamais réellement évaluée en matière de résultat est devenue un dogme adopté dès 1996 dans bon nombre de pays européens. Dogme néo-libéral, car il n'est rien moins comme on l'aura compris qu'un instrument de gestion policière de la misère. En effet, le nouvel « ethos punitif » se développe sur fond de glorification des bienfaits du marché, et du « moins d'état social ». Il s'agit d'entreposer ou d'expulser les indésirables de l'ordre social naissant.
Dans sa conclusion, le sociologue rappelait en 1999 que l'Europe était à un tournant historique où elle devrait choisir entre « l'enfermement des pauvres et le contrôle policier et pénal des populations déstabilisées par la révolution du salariat et l'affaiblissement de la protection sociale et d'autre part la création de nouveaux droits du citoyen ». Il plaidait pour un revenu minimum d'existence, un droit au logement, et une couverture médicale universelle, et appelait de ses vœux un « Etat social européen digne de ce nom ». Ce choix de civilisation, il semblerait qu'il se fasse en ce moment en France, de façon anachronique, alors même que l'Amérique elle-même « commence à douter », comme on peut le lire dans Le Monde Diplomatique -Septembre 2010, p. 13, à la suite de l'excellent article de Laurent Bonelli « Urgences sociales, outrance sécuritaire ».
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