En écoutant Pauline Marois présenter son plan de « gouvernance souverainiste », tous se rendront compte que le Parti Québécois est devenu, au fil des ans, beaucoup plus autonomiste-adéquiste que souverainiste. Plusieurs indépendantistes sincères se sentiront ainsi trahis par la formation fondée par René Lévesque. Ils auront tort. Il y a déjà belle lurette que la réalité est telle au PQ; la trahison a eu lieu quelque part au cours du règne de Lucien 1er et non pas en 2009 comme les derniers événements semblent le faire croire.
La seule différence d’avec les régimes péquistes précédents, c’est que la direction actuelle, toute maroissienne qu’elle est, est si peu passionnée de liberté qu’elle ne met même plus de gants blancs lorsque vient le temps de parler de l’article 1 du programme du PQ. Faire du Québec un pays, cela n’est aucunement une priorité pour Pauline Marois, et elle le dit clairement. Pour elle, tout ce qui compte, c’est le pouvoir provincial. Devenir la première femme premier ministre du Québec, voilà l’objectif de Madame. Et pour y parvenir le plus rapidement possible, elle est prête à brader l’idéal indépendantiste et se retrouver à la tête d’un Québec sur la voie rapide de la déliquescence. Enfin, les masques tombent!
Le problème est que, tout en repoussant l’indépendance aux calendes grecques, le PQ met de l’avant un plan profondément bancal. Ils sont si peu habitués à se battre à la direction du PQ, ils sont si naïfs lorsque vient le temps d’analyser lucidement la nature même du palier fédéral, que tout cela a permis à Pauline Marois de présenter un plan qui ne serait en rien profitable au mouvement indépendantiste et au Québec dans son ensemble. Concrètement, la chef péquiste présentera le 13 juin prochain, dans le cadre d’une assemblée des présidents de circonscription de laquelle les militants de la base seront évidemment exclus (que c’est beau la démocratie au PQ!), sa stratégie de gouvernance souverainiste. Par le truchement de celle-ci, le PQ réclamera des morceaux de pouvoirs qui sont pour l’instant, en partie du moins, sous le contrôle du fédéral. Première folie : les compétences en question que le PQ a identifiées au journaliste Denis Lessard sont toutes provinciales. Ce qui veut dire que Pauline Marois accepterait de négocier le rapatriement de pouvoirs que le fédéral a grugés peu à peu au fil des ans et qui, selon la constitution canadienne, appartiennent déjà au Québec! C’est complètement schizophrène comme position! Depuis quand doit-on négocier avec le voleur pour récupérer ce qu’il nous a illégalement pris? Faudrait que Pauline Marois nous l’explique…
Qui plus est, Pauline Marois a d’emblée confirmé qu’elle rejetait l’approche dite des gestes de rupture dans le cadre de cette stratégie. Ce que cela signifie, dans les faits, c’est que le PQ se présentera face au fédéral en quémandant des concessions au lieu de les exiger en usant d’arguments démontrant sa force. Les péquistes arriveront donc à Ottawa, désireux de récupérer ce qui leur appartiennent, en ne bénéficiant d’aucun rapport de force pour ce faire, et ce, parce qu’ils auront laissé les armes de la souveraineté et des gestes de rupture à la maison. Ils auront l’air de véritables perdants, incapables d’avoir le courage de leurs « convictions ». Il arrivera conséquemment ce qui doit arriver : ils se feront rire une nouvelle fois en pleine face par des gens qui auront raison de ne pas les prendre au sérieux. Le PQ n’obtiendra rien, c’est pratiquement écrit dans le ciel.
Mais il faut savoir que l’inverse serait probablement encore pire. C’est-à-dire que s’il fallait que le PQ obtienne une quelconque concession dans le cadre de ce nouveau « combat », les Québécois devraient se poser de très sérieuses questions. Parce que le fédéral ne pourrait être qu’en position de force face à lui, s’il concédait quoi que ce soit, cela ferait très certainement partie d’un plan des plus intéressés et s’accompagnerait donc de nouvelles demandes purement fédéralistes de sa part. Plus le fédéral en concéderait au Québec, et plus les chances seraient fortes qu’il réclame carrément et ultimement que le gouvernement québécois signe en échange la constitution de 1982. Le PQ pourrait même se retrouver dans un contexte où les concessions accordées par le fédéral seraient tellement alléchantes qu’elles satisferaient une majorité de Québécois. Le PQ se retrouverait ainsi complètement piégé, obligé qu’il serait de faire plaisir à son électorat en endossant le scandale de 1982. Le parti nationaliste n’aurait ainsi d’autres choix que d’adopter des positions tellement fédéralistes que même le Parti libéral du Québec les a historiquement rejetées.
Bien sûr, on nous dit que Pauline Marois « pourrait » brandir la menace des référendums sectoriels pour faire plier le fédéral face à ses quémandages. Cela n’est pas davantage acceptable. Premièrement, parce qu’en organisant ces référendums on perdrait des énormes quantités d’énergie à passer à côté de l’essentiel qui est l’indépendance du Québec. Deuxièmement, parce qu’il n’est nullement évident que le fait de rapatrier des morceaux de nos champs de compétence qu’a usurpés le fédéral et que le PQ voudrait bien nous présenter comme de gigantissimes victoires convaincra les Québécois de poursuivre le processus jusqu’à la libération finale. Le danger est bien plus grand que trop de ces mêmes Québécois se satisfassent en cours de route des « gains » obtenus et que la stratégie du PQ fasse finalement reculer le nombre d’appuis que recueille encore aujourd’hui le projet indépendantiste. Troisièmement, il y a fort à parier qu’à l’instar de la grande tricherie de 1995, le fédéral s’assurerait, dans le cadre de ces référendums sectoriels, que le PQ ne puisse gagner. Le fédéral pourrait même détourner le sens de ces référendums, en misant sur la confusion qu’ils provoqueraient, de façon à les faire porter indirectement sur la souveraineté. En perdant sur le rapatriement de toutes nos compétences en éducation, par exemple, le PQ pourrait en fait enregistrer à son corps défendant une dure défaite pour le camp indépendantiste. Et plusieurs pourraient ainsi se dire que si on ne peut même pas gagner un référendum sur le rapatriement d'une compétence, aussi bien oublier le référendum sur l'indépendance...
Nul doute, peu importe à partir de quel angle on analyse la question, ce projet est une calamité. On parle ici d'un piège qui pourrait bien enfermer pour longtemps le Québec dans la fédération canadienne, ni plus ni moins.
En s’entêtant à aller de l’avant avec une telle stratégie, il est bien évident que le PQ nous fera encore perdre un temps ô combien précieux. Il faut bien prendre conscience que le temps nous est compté. Plus nous attendons, et moins l’indépendance sera réalisable. Pourquoi? Tout simplement à cause de la démographie qui évolue de façon à donner toujours plus de place à l’anglais au Québec au détriment du français. Et nous savons que, sociologiquement parlant, moins le Québec parlera français et moins il aura le goût de se libérer. Mais cela ne semble aucunement inquiéter nos bons dirigeants péquistes. Une nouvelle preuve de cela nous a été fournie par l’ineffable député de Marie-Victorin, le « petit caporal » lui-même, c’est-à-dire [Bernard Drainville. Celui-ci a dernièrement fait circuler une inepte lettre->19773] dans laquelle il défendait la décision du PQ d’avaliser une nouvelle fois la construction des deux méga hôpitaux universitaires à Montréal : un pour les francos et un pour les anglos. McGill, on le sait, est un centre d’anglicisation pour le Montréal métropolitain, et pour le Québec par le fait même. Tout le monde en est conscient; Drainville aussi. Mais celui-ci, pusillanime de son état, préfère articuler un discours selon lequel il demande aux Québécois d’être vigilants et de veiller à ce que McGill fonctionne correctement en français aussi! Un peu plus et il nous proposerait d’enfourcher simultanément le vieux combat consistant à réclamer du français dans les services d’Air Canada. Il ne semble pas comprendre que ces vieux combats d’arrière-garde ne sont porteurs d’aucun avenir pour le Québec. Ces luttes dépassées ne sont rien d’autres qu’éminemment folkloriques, tout comme l’est devenu le PQ nationaleux.
Décidément, avec Drainville et Marois, c’est la consécration du nationalisme à la sauce moumoune, un nationalisme qui ment en se prétendant toujours souverainiste mais qui dans les faits carbure à l’opportunisme et aux privilèges individuels et carriéristes. C’est triste à dire, mais en abandonnant le projet indépendantiste, le PQ est devenu un simple parti comme les autres. Bientôt, sans doute, nous apprendrons que des péquistes, eux aussi, font du bateau dans la mer des Caraïbes. Ce sera sa consécration en tant que formation affairiste et non-révolutionnaire.
Il faut quand même bien le dire, la stratégie du rapatriement des pouvoirs aurait pourtant pu être envisageable à certains moments de l’histoire québécoise. Au lendemain du référendum volé de 1995 notamment. Les péquistes auraient pu alors dire qu’ils n’avaient d’autres choix que de laisser couler un peu d’eau sous les ponts avant de relancer une campagne référendaire portant sur l’essentiel. D’ici là, la stratégie aurait pu être de forcer la main du fédéral pour que celui-ci relâche sa prise sur certaines compétences – et pas exclusivement de compétence provinciale cette fois - qui auraient amélioré le sort du Québec en passant sous son autorité. Mais pour y parvenir, le PQ n’aurait pu lancer uniquement des « svp, svp, svp » bien sentis, comme se propose de le faire Pauline Marois, tout en tendant obséquieusement la main et en arquant servilement le dos. La seule façon d’y parvenir aurait été de dire : « vous nous donnez ce qu’on demande, sinon on agit en conséquence et on s’arrange pour l’obtenir sans votre consentement . C’est ti-clair messieurs les colonialistes en chef ?». Au cœur d’une telle approche, les gestes de rupture auraient eu la première place. Bien sûr, tout cela aurait donné naissance à une crise politique épouvantable. Elle aurait ébranlé les plus faibles d’entre nous, mais au bout du compte, elle aurait servi le camp indépendantiste. Il eut donc fallu être courageux pour mener à bien pareille stratégie en 1996. Il le faudrait tout autant en 2009. Malheureusement, l’évidence est que la direction actuelle du PQ est complètement dépourvue de ce courage salvateur.
Si la tentation de pousser la souveraineté sous le tapis se fait aussi forte actuellement au PQ, c’est parce que la direction actuelle de ce parti semble croire que les appuis au projet indépendantiste se font moins solides qu’avant dans la population. Les Pauline Marois de ce monde semblent se laisser flouer par les petites formules liberticides employées par certains journalistes. Par exemple, lorsque Denis Lessard dit aujourd’hui dans son article portant sur ce sujet que le projet indépendantiste, selon les derniers sondages, n’est pas plus populaire qu’il ne l’était en 1980 (40%), cela est complètement faux. Il faut savoir que lors du référendum de 1980, il était demandé aux Québécois d’accorder un mandat de négocier la souveraineté-association avec Ottawa. Il y aurait eu ensuite un autre référendum pour faire avaliser le tout par la population. Plus mou que ça, tu meurs. En 1995, c’était un peu mieux, mais le projet souverainiste de Jacques Parizeau – le seul vrai chef que le PQ n’ait jamais eu - était quand même assorti d’une offre de partenariat destinée au Canada. En 2009, quand 45% des Québécois se disent pour le Oui, ils appuient la question dure : « voulez-vous un pays oui ou non ». Le terreau est donc très fertile pour construire la suite du monde. Les militants qui descendent dans la rue à tout bout de champ depuis quelque temps s’en rendent bien compte. Il n’y a que la direction actuelle du PQ qui ne voit rien. Mais comme on dit : nul n’est plus aveugle que celui qui refuse de voir.
Maintenant que les masques sont tombés et que tous comprennent que le PQ n’est plus que l’ombre de ce qu’il a jadis été, que faire? Parce qu’il est clair que nous ne convaincrons jamais la triste direction actuelle du PQ que ce dont le Québec a besoin, ce n’est certainement pas d’un parti fédéraliste de plus, mais bien d’un parti franchement et honnêtement indépendantiste, nous devons, nous les militants passionnés de liberté, continuer d’avancer en ignorant le PQ. Nous devons continuer de développer avec acharnement, courage et intelligence un fécond foyer révolutionnaire. Lorsque nous serons prêts à franchir un pas de plus vers notre liberté pleine et entière, nous éliminerons les imposteurs qui ne cessent de nous mettre des bâtons dans les roues. Il n’y a qu’ainsi que le Québec libre sera possible!
RRQ
Les masques tombent
En perdant sur le rapatriement de toutes nos compétences en éducation, par exemple, le PQ pourrait en fait enregistrer à son corps défendant une dure défaite pour le camp indépendantiste.
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