Le groupuscule Génération identitaire mène dans les Alpes une opération minutieuse, qui embarrasse la police. Le procureur de Gap a toutefois décidé vendredi d’ouvrir une enquête préliminaire.
Cinq parkas bleu criard sautent d’un pick-up blanc affublé de trois énormes autocollants « Defend Europe Mission Alpes ». Depuis lundi 23 avril, une petite milice « patrouille » à la frontière franco-italienne des Hautes-Alpes, « collecte » des informations sur les points de passage et de refuge, « relève » les lieux d’aide aux migrants.[…]
Les cinq patrouilleurs croisés sur la route de Montgenèvre sont membres de Génération identitaire (GI), branche jeunesse de la mouvance identitaire fondée à Lyon en 2012. Avec le conglomérat d’Européens radicaux Defend Europe, GI a mené, samedi 21 et dimanche 22 avril, l’« opération » du col de l’Echelle. Là où, depuis l’été 2017, des migrants sont de plus en plus nombreux à tenter de gagner la France, entre 80 et 100 militants d’extrême droite ont déroulé un filet de chantier censé « symboliser une frontière physique » et des banderoles géantes sur lesquelles est écrit en anglais « pas de passage, rentrez dans votre pays ». Le tout survolé par deux hélicoptères afin d’ajouter quelques vidéos théâtrales à une opération très orchestrée.[…]
Rester dans les clous de la loi
Pour Samuel Bouron, maître de conférences à Paris-Dauphine qui a effectué une immersion sociologique en 2010 au sein des Jeunesses identitaires, « rendre le discours d’extrême droite sexy » fait pleinement partie de leur stratégie. Tout comme leur utilisation des réseaux sociaux.[…]
Et alors que, à l’Assemblée, Jean-Luc Mélenchon réclamait à Gérard Collomb d’intervenir – en plein examen du projet de loi asile et immigration –, le procureur de la République de Gap, Raphaël Balland, devait reconnaître qu’« aucune plainte, ni aucun fait susceptible de qualifications délictuelles n’ont été portés à [sa] connaissance ». « Ce sont des gens qui se sont extrêmement bien préparés, confirme-t-il au Monde. Si une quelconque violence ou menace est portée à ma connaissance, je n’aurai aucune hésitation à poursuivre. »
La photo tant reprise sur les réseaux sociaux, où l’on aperçoit un migrant qui semble faire demi-tour devant les doudounes bleues ? « Juridiquement, rien ne permet de caractériser un éventuel délit en l’absence d’éléments permettant de soupçonner par exemple la commission de violences, de menaces, des propos racistes, voire un port d’armes prohibé », selon le procureur.
Au Royaume-Uni, Brittany Pettibone, Martin Sellner et Lauren Southern s’étaient vu refuser l’entrée sur le sol britannique, selon un article de la BBC paru en mars, compte tenu des risques de tensions que leur présence entraînait. Interrogé sur l’existence de mesures équivalentes à leur encontre en France, le ministère de l’intérieur n’a pas donné suite. Une source au sein du renseignement affirme vouloir examiner les possibilités existantes en matière de police administrative. […]